La formule est attribuée à Abdellatif Benachenhou : « En Algérie pour avoir un logement , il faut être soit très riche soit très pauvre ».
Le gouvernement est en train de revoir complètement sa copie dans le domaine très sensible de l’habitat. A peine installé le premier ministre, M. Sellal, avait qualifié le problème du logement de « danger pour la stabilité du pays » et de première priorité pour son gouvernement. La nouvelle démarche, encore en cours d’élaboration, vise à accroitre significativement l’offre de logements grâce à un recours massif au partenariat. Elle repose également sur une diversification de l’offre qui portera notamment sur la relance de la formule AADL mais également sur le développement d’un nouveau segment baptisé logement promotionnel public (LPP) destiné spécifiquement aux classes moyennes algériennes.
Un constat d’échec
Le point de départ de cette nouvelle stratégie est un constat d’échec qui a d’ailleurs valu sa place à l’ancien ministre de l’habitat M. Nouredine Moussa. Le nouvel exécutif dresse un bilan sans concession des réalisations du secteur au cours des 2 derniers quinquennats. Entre les restes à réaliser et les nouveaux programmes, c’est le chiffre astronomique de 2,5 millions de logements à réaliser qui sont inscrits au titre du plan 2010-2014. Sur ce total, le nouveau gouvernement, qui a pris soin de dresser un état des lieux à son arrivée, enregistrait globalement à la fin de l’été 2012, un peu plus de 450 000 logements réalisés (mais pas forcement livrés), environ 750 000 logements en cours de réalisation avec des taux d’avancement très variables et en général assez faibles et surtout près de 1,3 million de logements non lancés.
Circonstance aggravante, les logements réalisés sont dans une proportion supérieure à 40% des logements ruraux réalisés en auto-construction grâce à l’aide frontale de la CNL qui a été portée en 2010 à 700 000 dinars.
Un bilan décevant qui fait dire ouvertement au nouveau ministre de l’habitat que les capacités nationales annuelles de production de logements (comprendre en milieu urbain) ne dépassent pas 100 000 unités face à une demande qui est estimée au minimum au double de ce chiffre.
Le partenariat à la rescousse
C’est ce qui explique l’option la plus vigoureuse adoptée jusqu’ici par le nouvel exécutif. Le recours massif au partenariat international aurait pu, en d’autres temps, soulevé un tollé .Le gouvernement le justifie par la nécessité de sauver le bilan du quinquennat en cours en livrant au total un peu plus d’1 million de logements à fin 2014 tout en lançant la totalité des programmes en attente. Les contacts se sont multipliés depuis la fin de l’été. Ils ont abouti en un temps record à la signature de protocoles d’accords et à la création de très nombreuses sociétés mixtes avec des partenaires italiens, espagnols et portugais notamment. C’est sans aucun complexe que des sources du ministère de l’habitat évoquaient ces dernières semaines un programme de plus de 100 000 logements déjà confiés à des entreprises italiennes. Un autre effet attendu de ce changement de cap radical est une modernisation accélérée de l’outil de réalisation national avec à la clé une réduction des délais ainsi que l’amélioration de la qualité des logements.
Le logement promotionnel à partir de 6 fois le SMIC
La formule est attribuée à Abdellatif Benachenhou : « En Algérie pour avoir un logement, il faut être soit très riche soit très pauvre ». L’ancien ministre des finances résume ainsi un système de financement du logement basé sur le recours massif aux ressources de l’Etat et qui s’est traduit par une offre de logement dominée depuis des décennies par les diverses variantes du logement social locatif ou « participatif ».Les classes moyennes sont les grandes oubliées d’un dispositif fondé sur la « distribution » administrative de l’offre disponible.
La nouvelle démarche que le gouvernement Sellal tente de promouvoir semble s’inspirer largement de ce constat. Elle s’inscrit dans une stratégie de diversification de l’offre de logements au profit des classes moyennes nationales dont le premier volet est constitué par la relance du programme AADL. Bloqué et finalement abandonné par le gouvernement Ouyahia, le programme AADL, désormais renforcé, affiche déjà un programme de plus de 200 000 unités. La formule ne s’éloigne cependant du « logement social participatif » et de ses limites bien connues que par la qualité présumée de la construction et des charges élevées destinées à assurer l’entretien et la maintenance du parc.
Le deuxième volet de cette stratégie est plus neuf. Il a déjà conduit à la naissance en juin 2009 de l’ENPI, une structure publique chargée d’absorber les 17 anciens EPLF et de promouvoir le logement de type promotionnel « destiné aux catégories de personnes qui ne répondent pas aux critères d’éligibilité pour le logement social ou autres formes d’aide ». Une démarche suivie par l’annonce toute récente de la création de la nouvelle catégorie des logements promotionnels publics(LPP) dont le programme pourrait à terme atteindre près de 300 000 unités et dont les bénéficiaires seront les ménages dont le revenu mensuel est compris entre 6 et 12 fois le SMIC. Les heureux titulaires de ces revenus variant entre 100 000 et 200 000 dinars mensuels devraient être invités à s’orienter vers le CPA récemment baptisé « banque du logement » par M. Tebboune pour obtenir un crédit immobilier.
Hassan Haddouche