Situé sur les hauteurs de Tlemcen, le plateau de Lalla Setti s’est complètement transformé en moins de cinq ans. D’une immense étendue sauvage bordée d’une forêt dense, le site s’est transformé en complexe touristique arboré surplombant la ville chargée d’histoire. Durant tout l’été, familles, touristes et groupes d’amis s’y pressent pour profiter tant de la nature que des infrastructures modernes. Quelles sont donc les raisons de ce succès touristique ?
Nature, divertissement, luxe et patrimoine : la combinaison gagnante de Lalla Setti
Un grand lac artificiel entouré d’une longue pelouse verte, une dizaine de terrasses aux parasols colorés et aux tables vertes, oranges ou rouges, des manèges en série, des glaces et des barbes à papa. Le parc d’attractions de Lalla Setti porte bien son nom, on se croirait à Disneyland, mais sans Mickey et ses acolytes. Les infrastructures, le calme et l’aspect à la fois familial et sécurisé du lieu séduisent les touristes algériens. Souad reste trois jours dans la ville avec son mari, ses deux enfants et sa voisine. « On vient souvent passer un week-end ici, on aime beaucoup le calme, la propreté et les manèges pour les enfants », raconte-t-elle. Le son de cloche est le même du côté de Faïrouz, une jeune mère de famille venue de Mostaganem pour passer la journée à Tlemcen : « Le plateau de Lalla Setti est un endroit magnifique pour venir en famille. C’est beau et sophistiqué et tout est agréable : l’air, la nature, les gens, l’ambiance… »
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La forêt du Petit perdreau qui recouvre une partie du plateau est un atout non négligeable pour attirer du monde. A l’ombre bienveillante des arbres, les gens viennent en famille ou entre amis pour se balader et pique-niquer sans subir la chaleur estivale. Depuis l’aménagement du plateau, ils sont de plus en plus nombreux à se rendre dans cette vaste forêt. En 2010, la direction du Parc national recensait 175.000 visiteurs. Un chiffre qui a doublé en 2012 en passant à 350.000. La fréquentation du parc a même connu un pic à 420.000 visiteurs en 2011, l’année où Tlemcen était capitale de la culture islamique.
La nature et les infrastructures touristiques ne sont pas les seuls avantages que possèdent la ville de Tlemcen et son plateau. Le patrimoine historique reste la raison première pour laquelle l’ancienne capitale des Zianides est célèbre. Ses monuments et son riche passé attirent toujours les touristes. « Après avoir déjeuné dans la forêt du parc national, on a visité le musée Moudjahid et la tombe de Lalla Setti, on va maintenant descendre au centre-ville puis voir al Mansourah », raconte Laoufi venu d’Oran avec sa femme et ses deux enfants qui met un point d’honneur à découvrir l’histoire de son pays.
Et c’est justement la conjugaison du patrimoine et de la modernité qui fait la force de l’hôtel Renaissance, autre infrastructure centrale du plateau, inauguré en 2011. « L’architecture à la fois traditionnelle et moderne donne beaucoup de charme », s’enthousiasme Asma, une jeune femme de Tiaret séduite par l’hôtel. Jugurtha Rabia, le directeur commercial du lieu, explique que l’architecture du bâtiment n’est pas un choix anodin : « Cela fait partie intégrante du concept de Renaissance, une chaîne d’hôtels du groupe Marriott, qui s’inscrit toujours dans la tradition architecturale locale de la région dans laquelle il s’implante ».
Vivre du tourisme ?
L’impact économique de l’aménagement du plateau de Lalla Setti est assez important pour la région. Les nouvelles infrastructures ont créé de l’emploi et de la richesse. 300 postes ont vu le jour à l’hôtel Renaissance, une dizaine de restaurants ont été ouverts employant cuisiniers et serveurs et de nouvelles professions se sont installées sur le plateau : photographes, glaciers, vendeurs de souvenirs ou de confiseries, loueurs de chevaux ou de chameaux… Néanmoins, le tourisme est un secteur qui reste saisonnier dans la région et se limite principalement à la période estivale, aux vacances et aux week-end.
Avec une moyenne de 400 clients par jour et un taux d’occupation de 70% pendant la période estivale, le Renaissance s’en sort très bien pour un hôtel qui a vu le jour il y a moins de deux ans. Mais même une telle structure ne peut pas vivre entièrement du tourisme dans la ville de Tlemcen. Une fois l’été passé, très peu de touristes continuent à venir, l’hôtel doit donc trouver d’autres formes de clientèle pour le reste de l’année. « 90% de notre chiffre d’affaires est encore réalisé par les groupes et les événements », confie Jugurtha Rabia, le directeur commercial du Renaissance.
La situation est la même pour ceux qui travaillent dans le parc d’activités de Lalla Setti. La grande majorité d’entre eux ne peut pas vivre exclusivement du tourisme. Il s’agit bien plus souvent d’une façon d’arrondir leurs fins de mois.
Moumène a 22 ans et il travaille dans le parc d’attractions depuis son ouverture, il y a 4 ans. Coiffeur de profession, il se rend sur le plateau uniquement le week-end pour proposer aux touristes des ballades sur son cheval, un pur-sang au blanc éclatant. Pour Moumène, le cheval est un business de famille. Le jeune coiffeur travaille avec son petit cousin, âgé d’à peine 16 ans, qui gère lui aussi un destrier blanc. L’adolescent au corps encore enfantin s’exprime comme un adulte aguerri. Sur un ton d’homme d’affaires, il explique que les deux chevaux emmenés chaque week-end au parc d’attractions appartiennent à leur famille, qui possède une ferme située à 2 km du plateau. Il détaille ensuite les prix de leurs prestations : un tour revient à 200 DA, auxquels s’ajoutent à nouveau 200 DA si l’on veut prendre une photo, assis tel un prince sur la selle en velours rouge. Ce travail ne leur suffit pas pour vivre et tous deux ont une autre activité en dehors des vacances et des week-ends.
Même combat du côté des photographes. Abdelghani, 53 ans, est fonctionnaire, mais le week-end, il fait des heures supplémentaires au parc d’attractions. Pour 200 DA, il prend en photos les visiteurs et les touristes qui souhaitent garder un souvenir. « C’est pour arrondir mes fins de mois », précise-t-il. « L’administration, ça ne me suffit pas pour vivre, encore moins ces dernières années parce que, comme je me rapproche de la retraite, j’ai besoin de mettre de l’argent de côté », ajoute le photographe tlemcénien qui effectue cette activité secondaire uniquement l’été.
La création de nouvelles infrastructures touristiques d’un certain standing, l’aménagement d’espaces de divertissement encore très insuffisants en Algérie et l’ouverture de l’autoroute est-ouest ont fortement contribué à l’engouement récent des touristes pour le plateau de Lalla Setti. En 2012, le site a en effet accueilli quelque 12.000 visiteurs chaque week-end pendant la saison estivale. Mais pour Jugurtha Rabia, il reste une décision primordiale à prendre pour que le secteur du tourisme prenne réellement son envol dans la région de Tlemcen : rouvrir les frontières avec le Maroc.
Maïna F. – Photos Collectif Makkouk
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