«Mesdames, Messieurs les membres du gouvernement : dites nous seulement, ce que vous voulez et où vous allez »

Redaction

alger_small Face à l’instabilité juridique en Algérie, les investisseurs nationaux et étrangers:

« Mesdames, Messieurs les membres du gouvernement : dites nous seulement, ce que vous voulez et où vous allez »

Docteur Abderrahmane MEBTOUL Professeur d’Université –Economiste
Expert international

I.- L’évolution de l’organisation économique des entreprises publiques de 1963/2009 : un changement perpétuel du cadre juridique

Selon les textes en vigueur en Algérie, les entreprises économiques publiques algériennes sont des sociétés commerciales dans lesquelles l’Etat ou tout autre personne morale de droit public détient, directement ou indirectement, la majorité du capital social, le patrimoine est cessible, aliénable conformément aux règles de droit commun et la création, l’organisation et le fonctionnement obéissent aux formes propres aux sociétés de capitaux prévues par le code de commerce. Mais dans la pratique existent souvent des interférences politiques. De cette situation il est utile de rappeler que de l’indépendance politique à nos jours, l’économie algérienne a connu différentes formes d’organisation des entreprises publiques. Avant 1965, la forme d’autogestion était privilégiée ; de 1965 à 1980, nous avons de grandes sociétés nationales et de 1980 à 1988, nous assistons à une première restructuration découpant les grandes sociétés nationales. Comme conséquence de la crise de 1986 qui a vu le cours du pétrole s’effondrer, des réformes timides sont entamées en 1988 : l’Etat crée 8 fonds de participation qui étaient chargés de gérer les portefeuilles de l’Etat. Comme conséquence de la cessation de paiement en 1994 (avec le rééchelonnement), en 1996, l ‘Etat crée 11 holdings en plus des 5 régionaux avec un Conseil national des privatisations ; en 2000, nous assistons à leur fusion en 5 mega holdings et la suppression du Conseil national des privatisations ; en 2001, nouvelle organisation et l’on crée 28 sociétés de gestions des participation de l’Etat (SGP) en plus des grandes entreprises considérées comme stratégiques, organisation restée telle quelle puisque le projet de 2004, qui devait regrouper ces SGP en 11 et 4 régionaux n’a jamais vue le jour . Lors de différents Conseils de gouvernements tenus durant toute l’année 2007, une nouvelle organisation est proposée par le ministère de la Promotion de l’Investissement, ( les deux grandes sociétés hydrocarbures Sonatrach et Sonelgaz, régies par des lois spécifiques n’étant pas concernées) articulée autour de quatre grands segments : des sociétés de développement économique qui relèvent de la gestion exclusive de l’Etat gestionnaire ; des sociétés de promotion et de développement en favorisant le partenariat avec le secteur privé international et national ; des sociétés de participation de l’Etat appelées à être privatisées à terme ; et enfin, une société chargée de la liquidation des entreprises structurellement déficitaires. Depuis cette date, cette proposition d’organisation, qui n’a pas fait l’unanimité au sein du gouvernement et certainement au niveau de différentes sphères du pouvoir, est abandonnée et une commission qui n’a pas donné des conclusions est créée pour examiner l’avenir des différents sociétés de participation de l’Etat (SGP) qui soit doivent être restructurées ou relèveraient de la tutelle de chaque ministère revenant à l’organisation du socialisme spécifique des années 1970 qui semble être la tendance lourde. Pour preuve les assainissements des entreprises publiques qui ont coûté au trésor public plus de 40 milliards de dollars soit au cours actuel 75 dinars un dollars 3000 milliards de dinars ou 300.000 milliards de centimes ( trois cent mille milliards de centimes ) revenues à la case de départ et cela continue. L’exemple le plus récent début septembre 2009, et selon nos informations qui sera appliqué à d’autres entreprises publiques, le rachat par l’Etat de la dette de l’ENIEM de Tizi Ouzou ( pour seulement quelques centaines d’employés) estimée à 16 milliards de dinars (1600 milliards de centimes ) dont 13,4 (1340 milliards de centimes) de découverts auprès de plusieurs banques. Le problème central est de savoir pourquoi ENIEM est arrivé à cette situation et cette manne financière lui permettra t –elle d’avoir un prix/qualité compétitif avec la concurrence car on ne peut obliger le consommateur algérien à acheter INIEM. En effet, plusieurs entreprises étatiques de travaux publics sont passées, depuis le début de février 2009 sous la tutelle du ministère des Travaux publics et celui de l’habitat. Par ailleurs, depuis décembre 2008 à ce jour, de nouvelles mesures gouvernementales sont entrées vigueur. Dorénavant, il ne sera plus permis aux investisseurs étrangers de détenir la majorité du capital pour toutes nouvelles créations d’entreprises en Algérie,( 70% pour le commerce et 51% pour les autres activités) ou pour toute opération de privatisation, l’Etat devenant majoritaire car le privé dans la sphère réelle est déjà fortement endetté, ce qui nécessitera des besoins de financement croissants sur fonds propres.

II-. L’instabilité juridique décourage tout investisseur

Cette instabilité juridique trouve son fondement dans l’absence de visibilité et de cohérence dans la politique socio-économique de l’indépendance à nos jours, cette politique fluctuant en fonction des cours du pétrole et du dollar. Les entrepreneurs qu’ils soient nationaux ou étrangers demandent seulement à voir clair et posent cette question cruciale : que veut et où va le gouvernement algérien ? Car les investisseurs tant nationaux qu’étrangers qui misent sur le moyen et long terme (investissement inducteurs de valeur ajoutée contrairement à l’importation solution de facilité) sont totalement désemparés face aux changements périodiques du cadre juridique en Algérie ce risquent de faire fuir le peu de capitaux surtout en cette période de crise qui montre le rapatriement massif vers les pays d’origine. L’on peut se poser la question si une circulaire peut remplacer une loi ou une ordonnance présidentielle remettant en cause l’Etat de droit ? Il faut aller jusqu’au bout de la logique, et remplacer alors les textes en vigueur selon la même procédure. La crise même si elle perdure au-delà de 2013/2014, se terminera bien un jour et faute de visibilité, il ne faut pas s’attendre à une dynamisation de la production et exportation hors, hydrocarbures. IL s’agit de ne pas de ne pas confondre le rôle de l’Etat régulateur stratégique en économie de marché avec le retour à l’étatisme des années 1970 qui, selon mon humble point de vue, serait suicidaire pour le devenir du pays et ne pas diaboliser le secteur privé qu’il soit national ou international. Comme il faut être réaliste, que représente le modeste montant de 144 milliards de dollars de réserves de change algériens du non pas au génie créateur mais d’une rente, les hydrocarbures, face de à ces centaines de milliards de dollars injectés pour essayer de sauver la sphère réelle, uniquement des USA, de l’Europe et de la Chine ( 0,5% du total uniquement par rapport à ces trois espaces) sans compter les assainissements financiers des banques ce qui donnerait un taux divisé par deux (moins de 0,2 %) et tendant vers zéro pour l’ensemble du système économique mondial et représentent moins de 1% d’une année d’exportation des Allemands (plus de 1500 milliards de dollars en 2008). La réunion du G20 à Londres le 02 avril 2009 a d’ailleurs insisté sous la pression des pays émergents dont la Chine , le Brésil et l’Inde, outre sur l’urgence d’une refonte du système économique international pour éviter cette bipolarisation accrue entre le Nord et le Sud, une lutte contre le protectionnisme néfaste, qui pénalise d’ailleurs les pays les plus pauvres, ayant été à l’origine de l’accélération de la crise de 1929. Car l’essentiel est éviter cette déconnection de la sphère réelle et financière, le véritable capitalisme reposant sur l’entrepreneur créateur de richesses durables dans un environnement concurrentiel loin de tout monopole. Le keynésianisme (recettes à court terme alors que la crise actuelle est structurelle) en vogue actuellement s’inscrit dans le cadre de l’économie libérale avec un Etat régulateur fort, comme l’atteste l’ouvrage de Keynes « la Théorie Générale » .Même la Russie et la Chine fondateurs du communisme ne vont pas dans ce sens révolu par l’histoire et s’adaptent progressivement aux nouvelles mutations mondiales. Le pouvoir algérien veut-il imiter le modèle de la Corée du Nord et Cuba derniers bastions du communisme en décadence, avec cette différence, l’existence de la rente des hydrocarbures qui lui permet d’acheter rune paix sociale fictive, car il y a d’éviter d’invoquer le Vénézuéla, ou existent tant un secteur privé productif dynamique qu’une opposition crédible ?

III- Instabilité juridique en Algérie et rapports internationaux 2008/2009

Les derniers rapports internationaux semblent mitigés, et le changement de cadres juridiques semble constituer un des facteur à l’entrave affaires. Selon le nouveau rapport Doing Business 2010 de la Banque mondiale en matière de climat des affaires concernant les réformes menées en 2008/2009, l’Algérie est classé à la 112e place en matière de facilitation du commerce extérieur sur une liste comportant 121 pays devançant cinq pays pauvres africains, Burundi, Nigeria, Zimbabwe, Côte d’Ivoire, Tchad, ainsi qu’une très mauvaise note pour le marché financier national qui se voit attribuer un score de 2,8 sur 7. Sur 131 pays, selon le rapport du Forum économique mondial, l’Algérie doit d’améliorer sa compétitivité du point de vue de la sophistication des affaires (128e place), de l’efficience du marché du travail (127e place), de l’efficience du marché des biens ( 126e place), du développement technologique (123e place), du point de vue des institutions (115e place), de l’innovation (114e place) et de l’enseignement supérieur et de la formation (102e place) en rappelant le classement des Universités de l’Algérie en 2007 ayant été classées 6995ème sur 7000(baisse alarmante du niveau, les universités devenant une usine de fabrication de chômeurs) par le prestigieux Institut de Schangai. Par ailleurs, selon le FDI Intelligence, une division spécialisée du groupe britannique de presse «Financial Times LTD» de septembre 2009 dans une étude détaillée couvrant 59 pays africains et prenant en compte les critères comprenant les infrastructures, les stratégies visant à encourager les IDE, le potentiel économique, le niveau et la qualité de la vie, les ressources humaines et l’ouverture des marchés, l’Algérie a reculé en matière d’attractivité des investissements directs étrangers (IDE) étant largement devancée par l’Afrique du Sud, l’Egypte, le Maroc et la Tunisie. Le rapport note une détérioration du climat des affaires en 2009 où l’Etat algérien émet des signaux négatifs et contradictoires alors que ces quatre pays ne cessent de faire des progrès dans de nombreux domaines, particulièrement en matière de la promotion de l’investissement privé national et étranger et ce malgré sa proximité géographique avec l’Europe et ses réserves énergétiques pour attirer davantage de capitaux étrangers n’ayant même pas profité de l’afflux des pétrodollars du Golfe, contrairement au Maroc, Egypte, Turquie et Syrie, le Golfe étant devenu le deuxième émetteur d’IDE après l’Europe et devant les Etats-Unis. A part le secteur des hydrocarbures et lorsque le cours est élevé( car on peut découvrir des centaines de gisements mais non rentables financièrement) , et celui des télécommunications, l’Algérie ne semble guère intéresser les investisseurs étrangers. L’entrave aux affaires toujours selon ces deux rapports est due surtout à l’accès aux financements, la bureaucratie d’ Etat, la corruption, l’inadéquation de la main-d’œuvre formée, la politique du travail considérée comme restrictive ainsi que le système fiscal et l’environnement dont la qualité de la vie. Ce qui vient d’être confirmé par une étude réalisée par le célèbre tabloïd anglais The Economist le 10 septembre 2009, une enquête qui mesure, selon plus de 30 indicateurs qualitatifs et quantitatifs, cinq grandes catégories, à savoir la «stabilité», les «soins de santé», la «culture et l’environnement», l’«éducation» et l’«infrastructure», catégories compilées et pondérées pour fournir une note globale variant de 1 à 100, où 1 est jugé intolérable et 100 est considéré comme idéal. La ville d’Alger, malgré toutes les dépenses a été classée au 138e rang sur les 140 métropoles pour 2009, classement inchangée par rapport à l’année dernière 2008 au même niveau que Dhaka (Bengladesh), obtenant un score de 38,7, l’Algérie devançant la capitale du Zimbabwe Harare.

IV Conclusion – dépasser le statut quo actuel

En résumé, ces changements d’organisation périodiques démobilisent les cadres du secteur économique public, et même les investisseurs locaux et étrangers montrant clairement la dominance de la démarche administrative bureaucratique. Or, s’impose une autre démarche reposant sur la concertation et le dialogue, une lutte contre la bureaucratie pouvoir numéro un en Algérie, renvoyant à la bonne gouvernance et le savoir par sa nécessaire revalorisation, pilier du développement du XXIème siècle et plus généralement la refonte de l’Etat sur des bases démocratiques, du système financier sclérosé, dont la bourse (hérésie économique, bourse étatique) le système socio-éducatif et le système foncier afin de dépasser le statut quo actuel suicidaire pour le pays. Toutes ces conclusions, mises en relief d’ailleurs par bon nombre d’experts nationaux que les pouvoirs publics n’ont pas voulu écouter, s’enfermant dans une autosatisfaction à l’image de Narcisse, contredisent donc les certitudes du gouvernement algérien qui pense, au contraire, qu’il faille continuer dans l’actuelle politique économique sans corrections, que l’ouverture des frontières n’a conduit qu’à un transfert massif de devises vers l’étranger avec 40 milliards de dollars d’importations , montant auquel il faut ajouter la somme faramineuse de plus 11 milliards de dollars en services dont une fraction assistances étrangères , montant qui risque de croître, alors que les compétences nationales sont marginalisées au profit des emplois rentes ( soit 51 milliards de dollars sans le transfert des dividendes en 2008), devant toujours raisonner au niveau de la balance des paiements et non pas uniquement au niveau de la balance commerciale.

Se pose cette question : la faute est-elle imputable uniquement à l’extérieur ou l’origine du mal n’est-il pas avant tout en l’actuelle gouvernance qui oriente les capitaux vers les activités soit à cour terme ou les activités spéculatives comme le montrent les derniers rapports de septembre 2009 tant du Forum de Davos, le rapport Doing Business 2010 de la banque mondiale et le Financial Times LTD.

Docteur Abderrahmane MEBTOUL Professeur d’Université –Economiste

Expert international (Algérie)

Algerie-Focus.com
15 09 2009

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