A cette question, le sociologue et professeur à l’IEP de Lyon Lahouari Addi répond par un oui tranchant, clair et net. Selon le sociologue algérien, pour asseoir son pouvoir et réclamer son statut de «sauveur du pays et du peuple des griffes du colonialisme », le régime algérien a instrumentalisé la guerre de l’Indépendance et fait de cette date symbolique un événement mythifié et ignoré par la jeunesse.
Dans un entretien accordé à France 24, hier vendredi, Lahouari Addi, sociologue et professeur à l’IEP de Lyon, auteur de Deux anthropologues au Maghreb : Ernest Gellner et Clifford Geertz, paru aux éditions des Archives Contemporaines, revient sur l’instrumentalisation de la guerre de l’Indépendance par le pouvoir algérien qui, «désirant asseoir son pouvoir, a procédé à la mythification de cette partie de l’histoire de l’Algérie ».
Pour le sociologue, le drame est que le régime n’arrive pas, encore aujourd’hui, à se détacher de ce mythe de l’indépendance pour asseoir sa légitimité. Le professeur à l’IEP de Lyon évoque la corruption qui fait rage en Algérie et qui a permis à plusieurs personnes nées après l’indépendance de se voir délivrer des attestations de moudjahidines alors qu’ils n’ont jamais participé à la guerre. « À la veille de la signature des accords d’Évian en 1962, l’ALN comportait 3 000 combattants. Dix ans après, ce chiffre était porté à 300 000 ! », a-t-il souligné.
La jeunesse algérienne ignore l’Histoire
Le sociologue estime que l’Histoire de l’Algérie a été confisqué aux algériens par le pouvoir en place. « Les discours officiels, la mémoire ne repose que sur l’idéologie et ce n’est que grâce aux récentes publications de combattants de l’ALN que la véritable Histoire de la guerre de l’indépendance commence à être rédigée », dit-il.
Revenant sur la lettre rédigée par un sénateur français qui a réclamé « l’ouverture des archives sur la guerre d’Algérie et la reconnaissance des crimes de la guerre d’Algérie », Lahouari Addi estime que cette problématique relève de « la politique politicienne » et que le simple citoyen a un point de vue tout autre. « L’homme de la rue a la sagesse de dire : « Il y a eu la guerre, il y a eu l’indépendance, la page est tournée. Nous devrions avoir des relations mutuelles intelligentes »». Pour le sociologue, ce débat ne sert que ceux qui n’ont même pas participé à la guerre et qui «veulent simplement se faire une légitimité ».