Que serait l’économie algérienne sans hydrocarbures ?

Redaction

Par Pr Abderrahmane MEBTOUL

1- L’économie algériennes est une économie totalement rentière avec 98% d’exportation d’hydrocarbures et important plus de 70% des besoins des ménages et des entreprises. Tout est irrigué par la rente des hydrocarbures donnant ainsi des taux de croissance, des taux de chômage et des taux d’inflation fictifs. La richesse nationale créée puise sa source dans la relation du triptyque: stock physique (stock ressources naturelles d’hydrocarbures) – stock monétaire (transformation: richesse monétaire) – répartition (modalités et mécanismes de répartition: investissement-consommation-fonds de régulation).

La monnaie est avant tout un rapport social traduisant la confiance entre l’Etat et le citoyen, et se pose cette question pour quoi ce dérapage du dinar depuis six mois sur le marché parallèle avec une distorsion de plus de 45% par rapport au cours officiel de la banque d’Algérie ( 1 euro coté entre 14/15 dinars).L’on peut démonter qu’existe une corrélation statistique entre le cours des hydrocarbures et la valeur du dinar algérien de plus de 70%. En 2011, sans hydrocarbures, le dinar flotterait avec un cours qui dépasserait 45 dinars un euro soit une dévaluation de 300%. Le taux d’inflation non comprimé serait supérieur à 10% en référence au taux officiel, et plus de 20% sans subventions, le taux de chômage serait supérieur à 60% de la population active. Sur la scène internationale la voix de l’Algérie serait nulle.

2- La rente des hydrocarbures rente contribue à l’effacement artificiel tant de la dette extérieure qu’intérieure via les assainissements répétées des entreprises publiques et des services collectifs, des bonifications des taux d’intérêts et donc directement et indirectement à 80% du produit intérieur brut via le couple dépenses publiques/hydrocarbures. La société des hydrocarbures ne créée pas de richesses ou du moins très peu, transforme un stock physique en stock monétaire (champ de l’entreprise) ou contribue à avoir des réserves de change qui du fait de la faiblesse de capacité d’absorption sont placées à l’étranger (94% des 175 milliards de dollars), dont avec le taux d’inflation qui avoisine 3% et les taux directeurs des banques centrales très bas entre 0,25% et 1,75% donnent un rendement très faible voire négatif. De plus en plus d’économistes algériens se demandent alors pourquoi continuer à épuiser les réserves pour aller placer cet argent à l’étranger accélérant l’épuisement des réserves.

Le département d’Etat à l’Energie US, dans un rapport de mai 2011, estime que l’Algérie détient seulement 2,37% des réserves mondiales prouvées de gaz naturel conventionnel estimées à 4.502 milliards de mètres cubes loin de la Russie, classée première, qui détient plus de 47.570 milliards de mètres cubes, l’Iran, le Qatar, ( ces trois pays totalisant plus de 50%) , le Turkménistan, l’Arabie Saoudite, les Etats-Unis, les Emirats Arabes Unis, le Nigeria et le Venezuela et il faudra compter à l’avenir sur la Lybie et d’autres pays africains.

3- Le calcul de la durée des réserves est fonction du couple coût(les coûts algériens étant élevés) du prix international, qui doit être supérieur à 9/10 dollars le milliard de BTU pour le gaz naturel par canalisation( GN) et 14 dollars pour le gaz naturel liquéfié(GNL) , dont les contrats à moyen terme arrivent en 2012/2014 à expiration. Nos importateurs à travers Transmed via la Sicile et dont Galsi accuse un retard important pour un supplément de 8 milliards de mètres cubes gazeux via la Sardaigne et Medgaz via l’Espagne, les pays européens reconduiront-ils le même prix ou iront t-ils vers d’autres concurrents ou le marché libre, le problème est posé ? Il ya lieu de tenir compte de la concurrence des énergies substituables dont les énergies renouvelables, et du gaz non conventionnel qui se commerce actuellement à 4/5 dollars le MBTU aux USA avec un léger redressement depuis la catastrophe nucléaire au Japon en Europe/Asie 7/8 dollar le MBTU au sein de ces espaces géographiques, entraînant avec la technique du forage horizontal une révolution dans le domaine gazier.

Avec des exportations prévues 2015/2020 de 85 milliards de mètres cubes gazeux et 100 horizon 2020 selon les rapports sud Ministère de l’énergie, (est ce que cela sera possible assistant depuis deux ans à des réductions de production ?) et 50/65 de consommation intérieure , si l’on maintient tous les projets prévus et le bas prix actuel, n’ayant pas découvert depuis 8 ans de grands gisements, malgré des dépenses de recherche colossales de la part de Sonatrach , l’épuisement prévu des réserves de gaz est à moins de 25 ans et moins de 20 ans si le cours international entre 2011/2020 est en dessous de 9/10 dollars le MBTU pur les canalisations et 15 dollars pour le GNL.

4- Dès lors face aux bouleversements géostratégiques énergétiques et mondiaux, supposant qu’ une très grave crise mondiale n’affecte pas à court termes les recettes algériennes : rappelons nous la chute des 2/3 des recettes de Sonatrach en 1986 et plus 45% en 2008.

Que sera alors l’Algérie avec une population en 2011 de 36 millions, en 2020/2025 dépassant les 40 millions et horizon 2030 plus de 50 millions sans hydrocarbures? Le sacrifice devant être partagé, et avec cette concentration excessive du revenu national au profit d’une minorité rentière, peut-on continuellement assister à une redistribution passive de la rente des hydrocarbures, des distributions de revenus sans contreparties productives, pour calmer le front social en hypothéquant l’avenir du pays.

Peut-on continuer à privilégier les rentes aux dépens du travail et de l’intelligence ? Pour preuve le poste service (appel aux compétences étrangères) est passé de 4 milliards de dollars à 10/11 milliards de dollars entre 2009/2010 et pourrait dépasser les 12 milliards de dollars en tre2011/2012 démontrant la dévalorisation du savoir local. Or un pays qui se vide de ses compétences est comme un corps sans âme.

La revalorisation du savoir n’est pas seulement un problème technique mais suppose de profonds réaménagements dans les structures du pouvoir dans la mesure où il repose actuellement essentiellement sur les couches rentières. Cela pose toute la problématique de la sécurité nationale, d’un Etat de droit et d’une gouvernance renouvelée condition du passage d’une économie rentière à une économie hors hydrocarbures tenant compte des importants bouleversements géo stratégiques du monde qu’il s’agit d’aborder par un dialogue serein sereinement au lieu des replâtrages conjoncturels.

(*) Article publié tel qu’il nous a été envoyé par son auteur

Quitter la version mobile