Il y a comme une incohérence dans les chiffres que nous distille chaque jour le ministère de la Santé à propos de la grippe A/H1N1. Jugez de vous-mêmes: le dernier bilan épidémiologique, rendu public lundi 21 décembre 2009, faisait état de 36 décès enregistrés en Algérie pour 567 cas de grippe porcine confirmés. En proportions, ces chiffres donnent l’effarant résultat d’un mort pour chaque 15 cas (à peu près), soit un taux de mortalité de plus de 6%! Accrochez vous bien, ce taux est de loin le plus élevé dans le monde.
Quelques explications
L’analyse conduite par les autorités sanitaires britanniques, et publiée le 10 décembre sur le site du British Medical Journal, fournit un taux de mortalité de 26 décès pour 100.000 cas cliniques de grippe A (H1N1). Ces données ont été calculées sur les 138 décès identifiés comme étant liés au virus pandémique et les 540.000 cas de grippe A(H1N1) confirmés entre le 1er juin et le 8 novembre 2009.
Par comparaison, le taux de mortalité lors de la grippe espagnole de 1918 était de 2 à 3% et ceux des pandémies de 1957-1958 et de 1967-1968 tournaient autour de 0,2%. Aussi, le taux de mortalité de la grippe A (H1N1) est de 0,048%, selon les estimations de chercheurs américains, à partir des chiffres recueillis à New York et à Milwaukee, deux villes qui ont tenu des comptes précis depuis l’apparition du virus aux États-Unis. « Cela représente environ un décès sur 2.000 personnes qui ont présenté les symptômes de l’infection par le H1N1 », écrivent le docteur Marc Lipsitch, de l’université de Harvard, et ses collègues dans ce document publié dans PLoS Medicine, journal de la Public Library of Science.
En utilisant une autre méthode concernant uniquement la ville de New York, le taux de mortalité tombe à 0,007%. En septembre, une précédente estimation établie par le docteur Lipsitch donnait les mêmes résultats. En Italie, la mortalité de la nouvelle grippe est très faible et ne concerne que 0,0032% des cas confirmés. Partout dans le monde, le taux de mortalité de la grippe A/H1N1 se calcule en pourcentage faible avec souvent deux zéros derrière la virgule. Sauf en Algérie. Pourquoi?
Le hic
En Algérie, le virus A/H1N1 n’est pas plus mortel qu’ailleurs dans le monde. La bizarrerie typiquement algérienne réside sûrement dans le fait que le Département de Saïd Barkat ne donne pas les vrais chiffres de la contamination et joue sur les approximations. Il cite, par exemple, l’existence de 8.000 cas probables de grippes. Et même si on confirmait ces cas, le total s’élèverait alors à 8.567 cas. Le taux de mortalité passerait donc à près de 0,5%. Ce qui reste relativement élevé, mais moins absurde que les 6% que le ministère de la Santé annonce.
Étrangement, cette incohérence évidente est passée complètement inaperçue. Saïd Barkat, en voulant minimiser les chiffres de la propagation de la grippe porcine, risque d’inventer à lui seul une nouvelle théorie épidémiologique bien plus alarmante que les recherches les plus pointues. Il aurait suffit de communiquer les vrais chiffres des cas contaminés, au lieu de s’engouffrer dans une gabegie d’amateur. Une de plus.
Hicham A. pour Algérie-Focus 
