Absence de Bouteflika : Des échéances dans le flou

Redaction

L’absence du président de la République risque, à très court terme, d’entraver le bon fonctionnement de l’Etat. Le risque est autant politique qu’économique. «L’absence de Abdelaziz Bouteflika n’a pas entravé la bonne marche de l’Etat.

Toutes les institutions fonctionnent le plus normalement du monde.» Doit-on croire les propos rassurants prononcés par Abdelkader Bensalah lors d’un meeting tenu à Sétif le 28 mai dernier ?

De par son statut et sa fonction, le président du Conseil de la nation sait pertinemment que l’absence prolongée du chef de l’Etat aura très vite des conséquences sur l’ensemble des institutions de la République. Le risque est politique mais aussi économique. En effet, cette année, il n’y aura pas de loi de finances complémentaire.

Ce texte, dont l’adoption intervient en milieu d’exercice, sert à «rectifier» certaines dépenses et à en engager de nouvelles. La LFC est généralement adoptée par voie d’ordonnance présidentielle lors de l’intersession parlementaire, fin juillet. Mais cette phase n’est que la dernière étape d’un long processus qui débute vers le mois de février.

Le ministère des Finances est chargé d’élaborer le texte durant le second semestre. Le travail semble avoir bien avancé. Quelques semaines avant le départ précipité de Abdelaziz Bouteflika, le ministre des Finances expliquait que de nouvelles dépenses devaient être engagées dans le cadre de la LFC 2013.

Karim Djoudi avait notamment cité en exemple l’enveloppe devant être allouée à la manifestation culturelle Constantine capitale de la culture arabe 2015, ainsi que les programmes de soutien destinés aux régions du Sud et des Hauts-Plateaux.

«Si le gouvernement estime nécessaire d’engager des dépenses, mais qu’il est dans l’incapacité de les mettre en oeuvre sur le plan législatif, nous pouvons considérer que nous sommes déjà dans une situation de blocage institutionnel », explique le politologue et économiste Salah Mouhoubi. Ce qui est valable pour la LFC 2013 l’est encore plus pour la loi de finances et du budget 2014.

Ce texte nécessite la présence du chef de l’Etat en début et en fin de processus. Abdelaziz Bouteflika se doit de présider le Conseil des ministres pour entériner cette loi puis de la signer avant le 31 décembre 2013.

Il faut savoir qu’au niveau du pouvoir exécutif, aucun texte législatif ne peut être pris en dehors du cadre du Conseil des ministres. Conseil qui doit être présidé par le chef de l’Etat.

«Outre les pouvoirs que lui confèrent expressément d’autres dispositions de la Constitution, le président de la République jouit des pouvoirs et prérogatives suivants : il préside le Conseil des ministres», stipule l’alinéa 4 de l’article 77 de la Constitution. «Le blocage est évident vu l’impossibilité de tenir des Conseils des ministres.

Cette situation est due aux larges pouvoirs que confère la Constitution au président de la République», précise pour sa part la constitutionnaliste Fatiha Benabou. Selon elle, la solution aurait été de prévoir une disposition instituant une «suppléance ». «L’article 21 de la Constitution française permet au Premier ministre de suppléer au président de la République en cas d’empêchement.

Le chef de l’exécutif peut alors présider le Conseil des ministres. En 2005, cette disposition avait conduit Dominique De Villepin à remplacer Jacques Chirac lorsqu’il avait été victime d’un AVC», indique-t-elle. Bouteflika absent, la promulgation des lois adoptées par les deux Chambres du Parlement devient également impossible.

A moins que le Président ne signe des textes en dehors du territoire algérien. Une telle possibilité est-elle envisageable ? «Non», répond Fatiha Benabou. «Le sceau de la République ne peut sortir en dehors des frontières nationales.

C’est une tradition. Il existe des cas exceptionnels, comme l’état de guerre ou l’exil forcé du gouvernement. Mais nous ne sommes pas du tout dans ce cas de figure». L’indisponibilité du Président Bouteflika aura également des conséquences sur le plan protocolaire.

La période du 5 juillet est une date importante dans l’agenda du président de la République. Le programme prévoit une visite à l’Académie militaire de Cherchell ainsi qu’une cérémonie de remise de grades au siège du ministère de la Défense.

En prévision de ce rendezvous, Abdelaziz Bouteflika ira-t-il jusqu’à procéder à des nominations d’officiers supérieurs algériens à partir d’un établissement hospitalier relevant de l’armée française ? Tout est possible…

Lu sur Le Soir d’Algérie