Accusé d’être un harki, un Algérien de 76 ans est interdit de séjour dans son pays natal !

Redaction

Mammar Sebti, ici avec son épouse, est fier de montrer le document attestant de sa nationalité algérienne . D’où son incompréhension de ne pas pouvoir aller librement dans son pays

La situation n’est pas banale. Mammar Sebti est interdit de séjour dans le pays qui l’a vu naître il y a soixante-seize ans et où vivent ses deux enfants. Cet Algérien qui s’est installé en France en 1963, est « persona non grata » en Algérie. Sans aucune explication des autorités algériennes. Le consulat de son pays en France, basé à Pontoise, lui a même confisqué son passeport.
Le 22 mai dernier, Mammar Sebti et son épouse Naziha Benlarbi, également de nationalité algérienne, se présentent à la douane de l’aéroport d’Annaba. Le couple de retraités, qui demeure à Amfreville-la-Mivoie, près de Rouen, vient passer une quinzaine de jours en Algérie où il a prévu de rencontrer sa famille. Mais le séjour sera de très courte durée.

Accusé d’être un harki

Lorsqu’il présente son passeport algérien à un fonctionnaire, Mammar Sebti est immédiatement sommé de quitter le sol algérien. En revanche, son épouse, elle, peut rester en Algérie. Il proteste, demande des explications mais rien n’y fait. A cette heure tardive, il n’y a plus d’avion pour la France, alors le couple doit se résigner à dormir sur une banquette dans le hall de l’aérogare jusqu’au lendemain matin. Et ce, sous étroite surveillance policière…

« Sur ordre des policiers, nous avons dû acheter un nouveau billet pour rentrer en France, alors que nous avions déjà un billet aller-retour », raconte Naziha Benlarbi. Qui tient à ajouter : « Nous avons été traités avec violence et peu d’humanité ».
De retour chez eux à Amfreville-la-Mivoie, Mammar et Naziha ont cherché à comprendre ce qui venait de leur arriver. Pourquoi les autorités algériennes interdiraient-elles à un de ses ressortissants de rentrer au pays ? Au consulat d’Algérie où il ira quelques jours plus tard pour tenter d’avoir des explications, Mammar Sebti n’obtient aucune réponse. Ou plutôt si : le fonctionnaire qui le reçoit lui laisse entendre du « bout des lèvres, qu’il aurait travaillé pour la France ». Autrement dit, qu’il serait harki, ce que le retraité conteste formellement.

Plus grave, ce même fonctionnaire lui confisquera son passeport, et pour effacer toute preuve de son voyage en Algérie (!) lui demandera de lui remettre son billet d’avion usagé.
« La guerre d’Algérie est finie depuis longtemps ! »

« A supposer qu’il ait été harki, la guerre d’Algérie est finie depuis longtemps ! Pas tout à fait encore, visiblement, pour les autorités algériennes », s’emporte Me Akli Aït-Taleb, l’avocat rouennais qui a pris en main le dossier du couple. « C’est un pays où encore les dirigeants ont tous les droits », se désole-t-il.
Cette histoire est d’autant plus incompréhensible aux yeux de l’avocat que Mammar Sebti et son épouse sont déjà allés en Algérie passer des vacances en famille. C’était en 1971. « Il n’y a eu aucun problème », se souvient cet ouvrier maçon qui a fait toute sa carrière dans l’entreprise Lanfry, à Rouen.

Bien décidé à ne pas laisser ça là, Me Akli Aït-Taleb va saisir le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à Genève. « Je vais déposer une communication, soit l’équivalent d’une plainte, pour violation de l’article 12 qui précise que « nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays ». Il a d’ores et déjà écrit à l’ambassadeur d’Algérie en France, Missoum Sbih, pour attirer son attention sur cette affaire et lui demander d’intervenir afin que M. Sebti puisse « récupérer son passeport et se rendre librement dans son pays d’origine ». Contactée vendredi, le consulat d’Algérie à Pontoise n’était pas en mesure de répondre.

Rémy LEBEL

Source : paris-normandie.fr

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