Ahmed Ouyahia et le « complot de l’extérieur »

Redaction

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Certains, à l’intérieur, ont cru pouvoir récupérer les troubles de janvier 2011, alors que d’autres, à l’extérieur, espéraient régler leur compte avec cette Algérie qui, ayant retrouvé son indépendance financière, revendique désormais le droit de négocier les atouts de son marché prospère dans le cadre de partenariats mutuellement bénéfiques » 6/01/2012 Ahmed Ouyahia

Monsieur le premier ministre voit donc un complot de l’extérieur en relation avec des ennemis de l’intérieur sans préciser qui sont les comploteurs extérieurs, toujours l’impérialisme, ce chat noir dans un tunnel sombre que l’on ne voit jamais. Étant issu d’une famille et d’une région à l’instar de toutes les régions du pays, qui a payé un lourd tribu durant la glorieuse guerre de libération nationale, personne ne peut aujourd’hui se targuer d’être plus nationaliste qu’un autre. Et c’est pourquoi depuis des années je milite pour que le sigle du FLN propriété de tout le peuple algérien ne soit pas instrumentalisé par un parti politique et qu’il soit restitué à l’Histoire. Nous aimons tous notre beau pays l’Algérie. Tous nous souhaitons pour nos enfants un avenir prospère liant efficacité économique et une profonde justice sociale. L’Algérie a toutes les potentialités pour devenir un acteur actif au sein de l’espace euro-méditerranéen et arabo-africain, son espace économique naturel.

Mais Monsieur le Premier Ministre, est-ce la faute à l’extérieur si la corruption se socialise, mettant en danger la sécurité nationale, où la majorité des rapports internationaux y compris ceux qui par le passé soutenaient l’Algérie, mettent en relief que les le climat des affaires se détériore, que l’indice du développement humain est en régression, que les institutions algériennes sont les plus corrompues du Maghreb et du monde arabe ? Est-ce la faute à l’extérieur si la gouvernance est mitigée et qu’existe une dévalorisation du travail et de l’intelligence au profit des rentes conduisant à un divorce croissant entre l’Etat et les citoyens, comme le montre la dernière rencontre du Conseil Economique et Social qui d’ailleurs ne nous apprend pas grand-chose, la situation étant connue des experts et pouvoirs publics ? Est-ce la faute à l’extérieur si les pouvoirs publics ont placé 94% des réserves de change (calculs réalisés à partir de sources officielles), propriété de tout le peuple algérien, à l’étranger dont 45% aux USA, 45% en Europe, certes en bons de trésor ou en obligations garantis par les Etats. Mais une fraction au sein de certains pays qui sont en semi faillite. Par ailleurs 20% de ces placements avant la crise de 2008 étaient placées dans des banques privées cotées AAA mais qui ont été par la suite décotées. Cette part a été ramenée à 2% en 2010 et que sont devenus tant le principal que les rendements des 18% ?

Est ce la faute à l’extérieur si selon l’OCDE, l’Algérie dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins de résultats en comparaison avec des pays similaires ? La dépense publique évaluée à 200 milliards de dollars entre 2004/2009 et 286 milliards de dollars entre 2010/2013, dont 130 de restes à réaliser, a eu un impact mitigé (moyenne de 3% de taux de croissance), 80% des segments hors hydrocarbures étant eux-mêmes tirés par cette dépense publique via les hydrocarbures ? Qu’est ce qui bloque puisque ce n’est pas une question de capital-argent mais de la transformation de cette richesse virtuelle (180 milliards de dollars fin 2011 de réserves de change- non compris les réserves d’or) en richesses productives ? Est ce la faute à l’extérieur si les exportations sont dominées à 98% par les hydrocarbures à l’état brut et semi brut et que l’Algérie importe 70 à 75% des besoins des ménages (voyez le gonflement entre 2010/2011 malgré toutes les mesures contenues dans les lois de finances 2009/2011 de la facture alimentaire et des médicaments) et des entreprises dont le taux d’intégration public/privé ne d »passe pas 15% ?

Le mal n’est-il pas avant tout au niveau intérieur car vouloir déplacer les problèmes à l’extérieur pour voiler les problèmes intérieurs de gouvernance. C’est selon mon point de vue une erreur stratégique ? La situation actuelle n’est–elle pas le produit historique du système bureaucratique rentier qui a changé de formes mais pas de fond depuis l’indépendance politique ? Et ceux ne sont pas des discours chauvinistes d’un autre âge, repris par quelques journaux dont le tirage ne dépasse pas la population d’un petit village, vivant de la publicité de l’Etat ou l’ENTV dont la crédibilité est douteuse, qui feront changer les opinons.

Monsieur le Premier Ministre, je viens d’une longe tournée où j’ai assisté à plusieurs rencontres internationales et tous les observateurs y compris les amis de l’Algérie arrivent à cette conclusion : l’économie algérienne est une économie totalement rentière tissant des liens dialectiques avec la sphère informelle spéculative en extension. Une révolution cultuelle afin de dépasser cette vision figée pour donner une image positive de l’Algérie s’impose aux dirigeants.

Tous les observateurs s’accordent pour dresser ce constat : l’Algérie mérite mieux. Mais elle est en plein syndrome hollandais. La réduction de la dette extérieure/intérieure, l’assainissement répété des entreprises publiques, la recapitalisation répété des banques publiques qui contrôlent 90% du crédit octroyé, la distribution de revenus sans contreparties productives, la stabilisation macro-économique artificielle, ne sont possible que grâce à la rente des hydrocarbures.

Monsieur le premier Ministre, avec la révolution des télécommunications le monde est devenu une grande maison en verre. Il reste un seul pays le dans le monde qui tient encore ce discours : c’est la Corée du Nord. Le peuple algérien veut avoir un discours de vérité, rien que la vérité. Dans ce contexte je ne puis que m’étonner des déclarations en date du 02 janvier 2011 du Ministre du travail algérien qui avance une augmentation moyenne du pouvoir d’achat des Algériens de 41% entre 2002 et 2010 en se référant à un indice d’inflation sous estimée et sans se demander si ce ratio moyen a profité à la majorité de la population algérienne supposant. Cette déclaration, sans analyse nuancée, favorisée par l’effritement du système d’information, me rappelle ces images de la télévision algérienne, l’une en 1987 et l’autre en 2009, (toujours le même comportement des responsables).

En 1987 après la grande pénurie que connaissait le pays après la crise de 1986, à l’ ENTV le Ministre du commerce algérien avançait avec assurance que le marché était saturé selon les données en sa possession, la présentatrice lui rétorquant s’il a fait un jour le marché et que la population algérienne ne mangeait pas les chiffres.

En 2009, à une question sur le taux de chômage, le Ministre de la solidarité affirmera que les enquêtes donnent 11% et un journaliste lui répliqua : êtes vous sur de vos données ? Oui répond le Ministre. C’est à quoi le journaliste répliqua sous l’œil amusé de la présentatrice non convaincue d’ailleurs, qu’il irait faire un tour dans les quartiers Algérie et qu’il dirait aux chômeurs que dorénavant leur appellation n’est plus chômeur mais travailleur.

Monsieur le Premier Ministre, pour l’avoir dénoncé souvent, je suis conscient de l’injustice de l‘actuel système économique et politique international et de l’urgence de sa refonte, d’ailleurs à l’origine des turbulences actuelles de l’économie mondiale. Mais la meilleure manière de protéger l’Algérie, d’avancer en ce monde impitoyable où toute Nation qui n’avance pas recule, est de réaliser la symbiose Etat /citoyens grâce à un dialogue soutenu, une participation citoyenne. Le pus grand ignorant étant celui qui prêtant tout savoir.

Cela interpelle les acteurs politiques, notamment les partis FLN –RND et MSP qui sont depuis plus d’une décennie au pouvoir, et qui selon les données du Ministère de l’Intérieur, ces trois partis réunis avec tous leurs satellites dites société civile, ont obtenu aux dernières élections législatives que 13% de voix par rapport aux inscrits. Ce taux d’abstention record risque de se reproduire en 2012 si la population ne voit aucun signe de changement. Il s’agit d’approfondir les réformes politiques, économiques et sociales solidaires concrètement et non seulement en votant des lois que contredisent souvent les pratiques quotidiennes de la gouvernance.

En fait, il s’agit pour le devenir de l’Algérie, d’instaurer un État de droit (une véritable indépendance de la justice pour les citoyens, éviter l‘instabilité juridique perpétuelle pour l’investissement), la finalité suprême étant une véritable démocratie tenant compte de notre anthropologie cultuelle, et donc de notre authenticité.

Dr Abderrahmane MEBTOUL

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