«Alger by night» ne se décrète pas

Redaction

Par une sorte de mimétisme, beaucoup réclament une «vie nocturne» dans les grandes villes du pays. Les commerces et autres boutiques sont appelés à rester ouverts à des heures tardives, en particulier durant les périodes de grandes vacances.

Copier c’est bien, encore faut-il le faire dans les règles de l’art. Avoir les yeux rivés sur des villes comme Paris, Marrakech, Tunis, Istanbul ou Madrid, ne suffit pas pour translater le même climat à Alger, Oran, Annaba, Bejaïa ou Tlemcen.

Exiger de tous les commerçants d’ouvrir le soir mérite de plus amples réflexions. Certes, en été, certains commerces sont plus florissants que d’autres. L’alimentaire en général, et les glaces en particulier, ne devraient pas chômer, même à des heures tardives.

Même s’ils ne comptaient parmi leurs clientèles que les habitants des immeubles voisins. Par contre, des activités moins attirantes dans l’esprit «balade de nuit», comme l’ameublement, l’habillement, les chaussures, et l’informatique, il faudra plus d’imagination pour les convaincre de rester ouverts de 8h du matin jusqu’à minuit ou plus.

Même des boulangeries ne s’y aventureraient pas. Il faut savoir que pour préparer les premières baguettes de la journée, un boulanger commence à travailler dès 2h ou 3h du matin.

A 16h, il aura déjà effectué une demi-journée bien remplie. Sans regret, puisque la demande suit. Mais comment justifier qu’il soit obligé de travailler le soir ? Indéfendable. Autre élément à prendre en compte, les droits des travailleurs, des femmes surtout, qui seront appelés à trimer pendant plus de 12 heures par jour.

Les donneurs d’ordre vont-ils oser le contrôle de la rémunération des heures supplémentaires comme le prévoit la loi ? Le transport sera-t-il assuré pour ces travailleurs à la fermeture ? Rien n’est moins sûr, tant il est plus facile de revendiquer ce qu’on voit ailleurs que d’assurer des conditions saines pour tous les acteurs concernés.

Et puis il faudra, peut être, oser penser à des formes d’encouragement aux employeurs pour qu’ils recrutent des jeunes vacanciers, des étudiants, qui se feraient un plaisir de rentabiliser la période estivale. Seront- ils recrutés au noir ? Ou bien les pouvoirs publics pensent- ils réglementer leur recrutement pour préserver leurs droits ?

Là aussi, aucune réponse, tant le débat est uniquement orienté sur la nécessité d’ouverture des commerces durant la nuit. Enfin, deux derniers soucis, et non des moindres. Il faudrait être en mesure d’assurer la sécurité et le transport, de et vers le centre-ville, pour ceux qui n’y habitent pas.

Comme pour les commerces, les transports publics ont aussi leurs soucis de logistique. Le tramway et le métro, pour ne prendre que le cas d’Alger (et d’Oran pour le tram) ne couvrent pas tous les axes de transport des usagers. Il faudra donc faire appel aux autres transports routiers, comme les bus et les taxis.

Des chauffeurs de bus et autres receveurs qui travaillent, durant toute une journée, seront-ils en mesure de continuer à des heures tardives pour reprendre leur boulot dès 6h ou 7h du matin ? Sans parler de la question d’hygiène et autres soucis d’éclairage, pour assurer l’animation d’une ville en soirée, il ne suffit pas de le décréter. Il faut s’y préparer plus sérieusement…

Lu sur Le Quotidien d’Oran