Algérie : Abdelmadjid Tebboune Décrète la Tolérance Zéro contre les Lobbies des Importateurs

Redaction

Algérie : Abdelmadjid Tebboune Décrète la Tolérance Zéro contre les Lobbies des Importateurs

Lors du premier conseil des ministres de son second mandat, tenu le 22 septembre 2024, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a annoncé une série de mesures radicales visant à réorganiser le commerce extérieur de l’Algérie et à renforcer la lutte contre les lobbies des importateurs. Ces annonces marquent un tournant important dans la politique économique du pays, avec un accent particulier mis sur la protection du marché intérieur et la diversification des exportations.

Le Contexte : Une Économie en Mutation

L’Algérie, riche en ressources naturelles, notamment en hydrocarbures, est depuis longtemps dépendante des recettes générées par le pétrole et le gaz pour financer son économie. Cependant, cette dépendance excessive a exposé le pays à des vulnérabilités économiques, notamment en période de baisse des prix du pétrole sur les marchés internationaux. Conscient de ces défis, le gouvernement algérien, sous la direction du président Tebboune, a entrepris une série de réformes pour diversifier l’économie et réduire la dépendance aux hydrocarbures.

La Dépendance aux Importations

L’une des principales faiblesses de l’économie algérienne réside dans sa dépendance aux importations pour satisfaire une grande partie de ses besoins en biens de consommation, en équipements industriels, et même en produits alimentaires. Cette dépendance a non seulement pesé lourdement sur les réserves de change du pays, mais elle a également créé un terrain fertile pour l’émergence de lobbies puissants, formés par des importateurs influents. Ces lobbies ont souvent tenté de manipuler le marché pour leur propre bénéfice, créant des pénuries artificielles et exerçant un chantage sur l’État pour obtenir des avantages commerciaux.

L’Émergence des Lobbies d’Importateurs

Les lobbies d’importateurs en Algérie se sont constitués en un réseau de puissants acteurs économiques qui, au fil des années, ont exercé une influence considérable sur les décisions politiques et économiques du pays. Ces groupes ont profité de la libéralisation du commerce et des importations pour établir des monopoles sur certains produits essentiels, augmentant ainsi leur pouvoir de négociation avec l’État.

Cependant, cette concentration de pouvoir entre les mains de quelques importateurs a eu des conséquences néfastes pour l’économie algérienne. Les pratiques spéculatives, la manipulation des prix, et la création de pénuries artificielles sont devenues monnaie courante, causant des déséquilibres sur le marché intérieur et impactant négativement le quotidien des Algériens.

Les Mesures Annoncées par le Président Tebboune

Face à cette situation préoccupante, le président Tebboune a annoncé une série de mesures visant à contrer l’influence des lobbies d’importateurs et à réformer le commerce extérieur du pays.

La Réglementation du Commerce Extérieur

L’une des annonces les plus significatives faites lors du conseil des ministres du 22 septembre est la préparation d’un décret présidentiel réglementant le commerce extérieur de l’Algérie. Ce décret, dont les détails seront dévoilés prochainement, vise à instaurer de nouvelles règles pour les opérations d’exportation et d’importation.

Le président Tebboune a insisté sur la nécessité de mener des études de faisabilité économique et financière avant d’autoriser toute opération d’exportation. L’objectif est d’éviter que les exportations ne créent des pénuries sur le marché intérieur et ne perturbent l’équilibre économique du pays. Cette approche proactive vise à protéger les intérêts des consommateurs algériens tout en encourageant les entreprises locales à se développer à l’international de manière responsable.

Lutte Contre les Pénuries et les Pratiques Spéculatives

En réponse aux pratiques spéculatives des importateurs, qui ont souvent provoqué des pénuries de produits de première nécessité sur le marché algérien, le président Tebboune a ordonné au ministère du Commerce de sévir contre toute tentative de manipulation du marché. Il a donné des instructions claires pour retirer les licences et les registres de commerce des opérateurs économiques impliqués dans de telles pratiques.

Cette tolérance zéro envers les lobbies des importateurs est une mesure sans précédent dans l’histoire économique récente de l’Algérie. Elle marque la volonté du gouvernement de reprendre le contrôle du marché intérieur et de garantir un approvisionnement stable en produits essentiels pour la population.

Les Défis de la Diversification Économique

Réduire la Dépendance aux Hydrocarbures

Un autre point clé du discours du président Tebboune concerne la diversification des exportations algériennes. L’Algérie s’est fixé comme objectif ambitieux d’atteindre 29 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures d’ici 2029. À titre de comparaison, les exportations non pétrolières ont atteint cinq milliards de dollars en 2023. Ce projet représente un défi colossal, mais également une opportunité pour l’économie algérienne de se réinventer et de réduire sa dépendance aux ressources naturelles.

Les Secteurs Prioritaires

Pour atteindre cet objectif, le gouvernement algérien doit identifier et développer des secteurs économiques prioritaires. L’agriculture, les industries manufacturières, le tourisme, et les technologies de l’information sont autant de domaines qui pourraient jouer un rôle clé dans la diversification des exportations.

Cependant, ces secteurs sont confrontés à des défis majeurs, notamment le manque d’infrastructures, le besoin en investissements massifs, et la nécessité de former une main-d’œuvre qualifiée. Pour surmonter ces obstacles, le gouvernement devra mettre en place des politiques incitatives, telles que des subventions, des allègements fiscaux, et des programmes de formation, pour attirer les investissements étrangers et encourager l’innovation.

La Compétitivité sur les Marchés Internationaux

Un autre défi pour l’Algérie sera de renforcer la compétitivité de ses produits sur les marchés internationaux. Actuellement, les exportations algériennes sont en grande partie limitées aux matières premières, ce qui les rend vulnérables aux fluctuations des prix mondiaux. Pour diversifier ses exportations, l’Algérie devra investir dans la modernisation de son secteur industriel et dans le développement de produits à haute valeur ajoutée.

Cela implique également de s’aligner sur les normes internationales en matière de qualité, de sécurité, et de durabilité. La promotion des produits algériens sur les marchés étrangers nécessitera une stratégie de branding efficace, qui mettra en avant les atouts du pays, tels que la richesse de ses ressources naturelles, la qualité de sa main-d’œuvre, et son potentiel de croissance.

La Réponse des Acteurs Économiques

Les Réactions du Secteur Privé

Les annonces du président Tebboune ont suscité des réactions mitigées parmi les acteurs économiques en Algérie. Si certains soutiennent les mesures visant à réorganiser le commerce extérieur et à lutter contre les pratiques spéculatives, d’autres expriment des inquiétudes quant aux impacts potentiels sur le secteur privé.

Les importateurs, en particulier, craignent que la nouvelle réglementation ne conduise à une bureaucratie accrue et à des restrictions qui pourraient freiner leurs activités. Ils soulignent également le risque que la lutte contre les lobbies ne se traduise par une chasse aux sorcières, affectant des entreprises légitimes qui contribuent à l’économie du pays.

Le Rôle des Associations Patronales

Les associations patronales, telles que le Forum des Chefs d’Entreprises (FCE) et la Confédération Générale des Entreprises Algériennes (CGEA), ont également réagi aux annonces du gouvernement. Elles appellent à un dialogue constructif entre le gouvernement et le secteur privé pour s’assurer que les nouvelles mesures n’entravent pas la compétitivité des entreprises algériennes.

Ces associations insistent sur la nécessité d’accompagner les réformes par des mesures de soutien aux entreprises, notamment en matière de financement, de formation, et d’accès aux marchés internationaux. Elles plaident également pour une simplification des procédures administratives et une transparence accrue dans l’octroi des licences et des autorisations.

Les Enjeux Géopolitiques et Économiques

La Position de l’Algérie sur la Scène Internationale

La réorganisation du commerce extérieur algérien et la lutte contre les lobbies des importateurs s’inscrivent dans une stratégie plus large visant à renforcer la position de l’Algérie sur la scène internationale. Le pays, en tant que principal exportateur d’hydrocarbures en Afrique du Nord, joue un rôle clé dans l’approvisionnement énergétique mondial. Cependant, sa dépendance excessive aux hydrocarbures a limité sa capacité à diversifier ses partenaires commerciaux et à s’intégrer pleinement dans l’économie mondiale.

L’Attractivité pour les Investisseurs Étrangers

Pour attirer davantage d’investissements étrangers, l’Algérie doit renforcer son cadre juridique et réglementaire. Les réformes annoncées par le président Tebboune pourraient contribuer à améliorer la transparence et la prévisibilité du climat des affaires en Algérie, ce qui est essentiel pour rassurer les investisseurs.

Cependant, pour que ces réformes portent leurs fruits, le gouvernement devra également s’attacher à résoudre les problèmes structurels qui freinent le développement économique du pays, tels que la corruption, la bureaucratie excessive, et le manque de confiance dans le système judiciaire. La mise en place d’un environnement propice aux affaires est cruciale pour attirer les capitaux étrangers et encourager les entreprises internationales à investir en Algérie.

Les Relations Commerciales avec les Partenaires Traditionnels

L’Algérie entretient des relations commerciales étroites avec plusieurs partenaires internationaux, notamment l’Union européenne, la Chine, et les pays du Golfe. Les nouvelles règles du commerce extérieur pourraient avoir un impact significatif sur ces relations, en particulier si elles entraînent une réduction des importations ou une augmentation des exigences pour les exportateurs étrangers.

Il est donc essentiel que le gouvernement algérien mène une diplomatie économique active pour rassurer ses partenaires commerciaux et éviter tout risque de tension ou de rupture dans les échanges. La diversification des marchés d’exportation et l’exploration de nouvelles opportunités commerciales, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie, seront également cruciales pour garantir la stabilité des exportations algériennes.

Conclusion : Un Pari Risqué, mais Nécessaire

Les mesures annoncées par le président Abdelmadjid Tebboune marquent une étape cruciale dans la transformation de l’économie algérienne. En s’attaquant aux lobbies des importateurs et en réorganisant le commerce extérieur, le gouvernement algérien montre sa détermination à protéger les intérêts économiques du pays et à préparer l’Algérie à affronter les défis du futur.

Cependant, ces réformes ne sont pas sans risque. Elles nécessitent une mise en œuvre rigoureuse et une coordination étroite entre les différentes institutions de l’État. De plus, le succès de ces réformes dépendra en grande partie de la capacité du gouvernement à gagner la confiance des acteurs économiques et à créer un climat favorable aux affaires.

Si ces défis peuvent être surmontés, l’Algérie pourrait se positionner comme un acteur économique majeur sur la scène internationale, avec une économie diversifiée, résiliente, et moins dépendante des hydrocarbures. Le pari est audacieux, mais les enjeux sont à la hauteur des ambitions du pays.