L’élection présidentielle algérienne du 7 septembre 2024, marquée par la réélection du président Abdelmadjid Tebboune avec un score écrasant de 94,65 % des suffrages, a suscité une vive réaction de l’agence de presse algérienne, Algérie Presse Service (APS), contre la couverture médiatique française. Dans une dépêche cinglante, intitulée « Messieurs les Français, l’Algérie n’est pas votre protectorat », l’APS a vertement critiqué la manière dont les médias hexagonaux ont traité cet événement politique majeur.
Ce nouvel épisode de tensions entre les deux pays met en lumière un conflit latent, une confrontation où se mêlent ressentiments historiques, divergences politiques et tensions diplomatiques. L’Algérie, accusant les médias français de « noircir le tableau » et de faire preuve de « cécité » face aux avancées du pays, réaffirme avec véhémence son indépendance et sa souveraineté.
Une Charge Frontale Contre les Médias Français
Dès le lendemain de l’élection, l’APS n’a pas tardé à dénoncer ce qu’elle qualifie de « chorale médiatique anti-algérienne ». Selon l’agence de presse, les médias français auraient adopté un ton « alarmiste, empreint de contre-vérités », minimisant voire ignorant les réformes et les transformations importantes opérées sous le mandat de Tebboune. « France 24, cette chaîne poubelle », titre l’APS, n’hésitant pas à réutiliser un qualificatif déjà employé en juillet 2023 lors des incendies de forêt qui ont dévasté le nord de l’Algérie.
Cette fois-ci, le reproche porte sur la couverture de l’élection présidentielle, décrite comme « jouée d’avance » par plusieurs grands médias français. En réponse, l’APS a riposté avec des arguments en faveur du bilan de Tebboune : croissance économique, stabilité politique, et reconnaissance internationale.
Le Dilemme de la Presse Française : Entre Couverture Critique et Héritage Colonial
D’un côté, les médias français se défendent en insistant sur la liberté de la presse et leur rôle critique. Pour beaucoup d’observateurs en France, la réélection de Tebboune à une majorité aussi large laisse planer des doutes sur la transparence et l’équité du processus électoral. Des chaînes comme France 24 ou Le Monde ont mis en lumière les problèmes de gouvernance en Algérie, les critiques internes et la frustration populaire qui persiste malgré les promesses du président.
Cependant, cette position est perçue en Algérie comme une ingérence dans les affaires intérieures, un rappel douloureux de l’histoire coloniale. « L’Algérie n’est pas un protectorat français », insiste l’APS, en soulignant que la souveraineté du pays ne peut être remise en cause. Cette dimension historique imprègne chaque échange entre les deux pays, exacerbant les tensions à chaque accroc diplomatique ou médiatique.
La Réponse Algérienne : Fierté Nationale et Réaffirmation de la Souveraineté
Pour les autorités algériennes, la critique médiatique française est loin d’être une simple analyse journalistique : elle est perçue comme une attaque contre la fierté nationale et une tentative de déstabilisation. « L’Algérie est beaucoup mieux lotie que la France », martèle l’APS, insistant sur la stabilité politique du pays face à une France que l’agence qualifie d’« ingouvernable » et lourdement endettée.
Dans la dépêche du 8 septembre, l’APS met en avant les bons points reçus par l’Algérie de la part d’institutions financières internationales comme la Banque mondiale et le FMI, et déclare que l’Algérie est « un grand pays de liberté, stable et prospère ». Selon cette version des faits, l’Algérie serait en plein essor, alors que la France, engluée dans ses crises politiques, économiques et sociales, deviendrait « la risée du monde ».
La Diplomatie Française : Entre Félicitations et Réalisme Politique
Malgré les tensions médiatiques, le président Emmanuel Macron a été le premier chef d’État occidental à féliciter Abdelmadjid Tebboune pour sa réélection. Un geste diplomatique destiné à maintenir des relations apaisées entre Paris et Alger, malgré les désaccords sur plusieurs sujets. « Ses plus vives félicitations et ses meilleurs vœux de succès », a adressé Macron à son homologue algérien par le biais de l’ambassade de France à Alger.
Ce geste, bien qu’important, n’a pas suffi à éteindre l’incendie médiatique. La couverture critique de l’élection par la presse française et les accusations de l’APS à l’encontre des médias hexagonaux montrent à quel point la relation franco-algérienne est toujours marquée par des divergences profondes.
Une Élection Contestée : Entre Éloge Officiel et Réalité Contestataire
Si l’APS s’efforce de dresser un portrait flatteur de l’Algérie, il ne faut pas oublier les critiques internes à l’encontre du régime de Tebboune. De nombreux Algériens, en particulier parmi la jeunesse, se montrent sceptiques quant aux promesses de réforme. Bien que le président ait mis en place certaines initiatives économiques et sociales, la frustration face à la stagnation politique et économique persiste.
Le mouvement de protestation Hirak, qui avait secoué le pays en 2019 et conduit à la démission de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, reste un symbole de la soif de changement. Malgré la réélection de Tebboune, les demandes d’une réelle transformation démocratique n’ont pas disparu. Cette réalité contraste avec l’image de stabilité que le gouvernement cherche à projeter à l’international.
Les Répercussions de l’Attaque Médiatique
Les attaques répétées de l’APS contre les médias français soulèvent des questions sur l’avenir des relations entre les deux pays. Peut-on s’attendre à une nouvelle escalade des tensions ? La France et l’Algérie partagent des liens historiques et économiques profonds, mais ces derniers sont régulièrement mis à l’épreuve.
Pour de nombreux observateurs, cette guerre médiatique risque de durcir les positions des deux côtés. La presse française continuera probablement à adopter une ligne critique face au gouvernement algérien, tandis que les autorités algériennes réagiront en renforçant leur discours nationaliste et en dénonçant l’ingérence extérieure.
Le Rôle des Médias dans la Diplomatie
Dans cette confrontation, les médias jouent un rôle central. En tant que relais d’information et d’opinion, ils peuvent influencer les perceptions des deux peuples, mais aussi exacerber les tensions. La question se pose donc de savoir si une approche plus nuancée pourrait contribuer à apaiser les relations, ou si, au contraire, le fossé médiatique continuera de se creuser.
Le fait que l’APS ait employé des termes aussi forts pour qualifier la couverture médiatique française – « chorale anti-algérienne », « chaîne poubelle » – démontre que la bataille n’est pas simplement diplomatique, mais aussi narrative. Chaque pays tente de contrôler le récit sur sa propre situation interne et sur ses relations avec l’autre.
Témoignages et Réactions : Une Algérie en Quête de Reconnaissance
Amine B., un jeune étudiant algérien, exprime son point de vue sur la situation : « L’Algérie a ses défis, c’est sûr. Mais voir les médias français constamment critiquer notre pays, sans reconnaître nos avancées, c’est frustrant. Nous avons besoin de respect, pas de leçons ». Ce sentiment de fierté nationale, mêlé à une volonté de voir l’Algérie reconnue pour ses progrès, est partagé par de nombreux citoyens algériens.
D’autres, cependant, se montrent plus critiques envers le gouvernement. Pour Rachid M., un militant du Hirak, « la réélection de Tebboune ne change rien. Tant que le système reste le même, les jeunes n’auront pas d’avenir. Et les médias français ont raison de souligner les problèmes qui persistent ».
Une Relation Franco-Algérienne Sous Tension
L’élection présidentielle algérienne de 2024 et les réactions médiatiques qu’elle a suscitées mettent en lumière les tensions profondes entre la France et l’Algérie. Si Emmanuel Macron a tenté d’apaiser la situation par des félicitations diplomatiques, les critiques médiatiques françaises, perçues comme hostiles par l’APS, n’ont fait qu’envenimer une relation déjà complexe.
La question reste ouverte : comment ces deux nations, liées par une histoire commune douloureuse, peuvent-elles trouver un terrain d’entente dans ce nouvel ordre mondial ? Alors que l’Algérie cherche à renforcer sa souveraineté et son rôle sur la scène internationale, la France devra revoir sa manière de traiter ce partenaire stratégique. Une chose est certaine : la guerre des récits entre Paris et Alger est loin d’être terminée.