Une étude récente menée sur les femmes du Monde arabe révèle que 51% des Algériennes ayant l’âge légal de se marier seraient célibataires. Parmi ces femmes, elles sont de plus en plus nombreuses à vivre seules. Une situation parfois subie, parfois choisie. Mais les difficultés qu’elles rencontrent sont encore importantes.
«J’ai encore besoin de profiter de mon indépendance avant de m’engager et de fonder une famille, affirme Aya, 31 ans. Ma sœur sortait plus souvent que moi puis elle a eu des enfants et tout a changé pour elle.» Cette ancienne basketteuse devenue femme de ménage vit seule dans un appartement situé près d’un quartier balnéaire de la région d’Alger. Elle est l’une de ces femmes qui ont choisi de remettre à plus tard leur projet de famille pour privilégier leurs choix individuels. «Ce n’est pas un choix, rétorque Nadia, 47 ans, ingénieur dans un laboratoire pharmaceutique, je n’ai tout simplement pas trouvé chaussure à mon pied et je préfère vivre seule que mal accompagnée. J’ai attendu de finir mes études pour avoir mon propre logement.» Vivre seule n’est pas dans l’absolu le fruit d’une revendication, ni une mode qui se popularise. Les profils et les situations sont variés, selon la sociologue et féministe Nacéra Merah. «Les femmes ont, depuis la nuit des temps, vécu seules pour des tas de raisons. Ça ne se voyait pas, car les femmes rurales vivaient dans des tribus, mais en cas de célibat, de veuvage ou de divorce, même si elles étaient obligées de servir la grande famille ou de travailler un petit lopin de terre, elles étaient indépendantes. Cependant, le fait qu’une femme célibataire fasse une demande de logement séparé pour vivre seule est un phénomène relativement nouveau.» Sur les listes d’attribution de logements tenues par les wilayas figurent un certain nombre de femmes qui ont fait une demande de logement personnel.
Demande
«Il y a un an à Blida, sur 60 demandes, 19 femmes avaient obtenu un logement en leur nom, dont quatre pour elles seules, suscitant de vives réactions de la part d’hommes qui, eux, ont à leur charge une famille», affirme Cherifa Kheddar, présidente de l’association féministe Djazaïrouna et porte-parole de l’Observatoire des violences faites aux femmes (OVIF). Selon elle, «des femmes qui sont maintenant en pré-retraite ou retraitées avaient profité dans les décennies 1970-80 d’une offre plus accessible de logement pour emménager seules». Dans l’Algérie d’aujourd’hui, il est plus difficile de se loger et les logements sont attribués en priorité aux familles avec des enfants. «Les femmes se tournent vers des offres professionnelles de l’Etat, mais ces dernières sont plus chères que les logements sociaux. Les femmes cadres, qui peuvent avoir accès au crédit, acquièrent plus facilement un bien dans le privé.» Les femmes divorcées sont souvent désavantagées. «Elles se voient accorder par le juge une allocation logement dérisoire par rapport au prix médian du loyer algérien, malgré l’amendement du code de la famille en 2005. Elles sont alors obligées de faire une demande de logement social qui est peu accessible», explique-t-elle. Aya, qui vit gratuitement dans l’ancien appartement familial, a eu plus de chance qu’un bon nombre de ses concitoyennes divorcées. Depuis 2006, elle attend une réponse pour l’attribution d’un bien d’Etat et loue entre-temps, grâce à son salaire de femme de ménage, un studio privé dans la petite ville de Koléa. Les cas de familles monoparentales, d’étudiantes et de jeunes diplômées – plus nombreuses que les hommes – qui quittent leur foyer natal pour vivre seules dans les grandes villes sont bien connus.