Algérie : «La balance des paiements est mise à rude épreuve»

Redaction

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Mahdjoub Bedda est docteur en économie et député FLN. Il a répondu aux questions du El Watan.

La valeur des importations du pays en produits alimentaires, tout comme en biens d’équipement, va résolument crescendo. La facture alimentaire a connu une hausse d’environ 15% de janvier à mai. Sommes-nous devant un échec à maîtriser ces importations ?  

Le gouvernement peine depuis plusieurs années déjà à endiguer le flux des importations. La valeur des achats du pays devrait se maintenir en moyenne à 49 milliards de dollars. Pour 2013, il faut s’attendre à une hausse de 3 milliards de dollars de la valeur des importations du pays, comparativement à l’année précédente. A cela s’ajoute la facture des services, dont les importations se maintiendraient cette année à 12 milliards de dollars. La valeur des importations globales du pays dépasserait ainsi à fin 2013 les 60 milliards de dollars, alors que les prévisions de recettes — à moins qu’il y ait un effet pervers des chocs externes — tournent autour de 70 milliards de dollars à fin 2013.

Face à cette situation qui se caractérise par une difficulté prononcée à maîtriser la hausse effrénée des importations et par le recul des recettes, le pays se heurterait dans les années à venir à une tension interne ininterrompue. Nous nous attendons à la persistance des revendications salariales, ce qui augmenterait le recours davantage à l’allocation de ressources par le biais du Trésor. Techniquement, l’Algérie ne pourrait s’enliser au-delà de 2015 dans cette politique de financement et de dépense à tout-va. La balance des paiements est mise à rude épreuve. Au rythme actuel des dépenses, le gouvernement serait appelé à revoir à la hausse les allocations de ressources, ce qui serait synonyme d’un haut risque pour l’équilibre budgétaire du pays. De ce point de vue, il ne faut pas s’attendre à ce que la loi de finances complémentaire 2013 fasse une révolution.

Faut-il adopter une politique de rigueur budgétaire face à cette situation, au moment où les recettes du pays fléchissent encore davantage ?

On ne peut expliquer l’éventualité de recourir à la rigueur budgétaire, pour la première fois depuis dix ans, que par le surgissement de nouveaux signaux de fragilité. Cette fragilité se manifestera plus crûment dès 2015, lorsque l’Algérie se heurtera à une fluctuation plus prononcée des cours des hydrocarbures sur les marchés internationaux.
Le pays fait face déjà, depuis le début de l’année en cours, à une décroissance que l’on constate au niveau de ses recettes en devises tirées des exportations d’hydrocarbures. La conjugaison de plusieurs facteurs a contribué à cette chute, dont le déclin de la production qui s’est située depuis le début de l’année en cours à moins de 1,20 million de barils/jour ainsi qu’au recul de la valeur du Sahara blend algérien sur les marchés internationaux.

Prenons une calculette pour estimer les pertes : pour un prix du pétrole de 100 dollars, les recettes de l’Algérie devraient se situer à 117 millions de dollars par jour, à 3,51 milliards de dollars chaque mois et à 41,12 milliards de dollars annuellement. Si le pétrole perd un dollar pour le baril sur le marché international, l’Algérie perd l’équivalent de 800 millions de dollars par an. Au déclin des recettes pétrolières s’ajoute le rétrécissement de la valeur des ventes algériennes en gaz naturel, lesquelles représentent 40% des recettes. Les volumes des exportations algériennes de gaz naturel ont baissé d’environ 8 milliards de mètres cubes cette année, passant de 62 milliards de mètres cubes à 54 milliards de mètres cubes. Pour vous caricaturer un peu la chose, nous avons perdu l’équivalent de ce que doit exporter l’Algérie par le moyen du Medgaz.

Les placements du pays à l’étranger ont connu également des pertes annoncées par la Banque d’Algérie. Nous avons cru à un moment qu’il s’agissait de placements sûrs…

En effet, malgré la politique prudentielle positive adoptée en matière de gestion des réserves de change, il faut reconnaître néanmoins que le pays perd au change et vient de connaître ses premières pertes. Effectivement, les réserves de change du pays, placées en bons de trésor américains et dans les banques souveraines, viennent de subir les contrecoups de la crise qui prévaut en Europe et aux Etats-Unis. Les réserves de change sont exposées aux fluctuations de la valeur des différentes monnaies. La logique des placements sécurisés vient de montrer ses limites, puisque les réserves de change de l’Algérie ont perdu environ un milliard de dollars, passant de 190,334 milliards de dollars à 189,760 milliards de dollars.

Par ailleurs, une question mérite d’être posée : pourquoi l’économie algérienne peine à faire une bonne croissance, alors qu’elle bénéficie annuellement des ressources équivalentes à 10 et 12% du PIB ? 286 milliards de dollars ont été injectés dans le plan quinquennal 2010-2014 pour créer une croissance d’à peine 3 à 3,5%, soit inférieure à la moyenne africaine qui est de 5 à 6%. Manifestement, l’économie du pays souffre d’un grave problème structurel. Ces ressources doivent être réorientées au profit de la production. Il faut également travailler de sorte à ce que les projets d’investissement public soient bien ficelés sur le plan budgétaire pour éviter le recours systématique à leur réévaluation. Là aussi, c’est un défi majeur auquel nous sommes confrontés.

Lu sur El Watan

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