Le Raï, ce style musical typique à l’ouest algérien, représente à travers les textes chantés, le meilleur révélateur de la « Harga », l’émigration clandestine par rapport à d’autres formes d’expressions artistiques, a estimé mercredi à Alger, Farida Souiah, doctorante en sciences politiques à l’université de Paris (France).
Présentant lors d’une conférence organisée au Centre d’études diocésain, les résultats de l’étude qu’elle a menée dans le cadre de la préparation de sa thèse de doctorat, l’oratrice a constaté que le Raï est un genre de musique qui « fait surgir une expression directement accessible et porte beaucoup de non-dits de la société algérienne ». Le Raï demeure, selon elle, une musique populaire et un mode d’expression « privilégié » en Algérie comme dans les autres pays du Maghreb de par sa spontanéité. Même si le phénomène de l’émigration clandestine, appelée communément harga ou harraga, est abordé dans des oeuvres cinématographiques, théâtrales, littéraires et picturales, le Raï est l’art le « plus utile » pour analyser les représentations sociales du phénomène. A ce propos, elle a cité comme exemple le refrain de la chanson « Partir loin » du duo Réda Taliani et le groupe de Rap « 113 » qui dit: » ô bateau, ô mon amour, sors moi de la misère…dans mon pays je suis oppressé ». Un « contraste » entre les textes et les rythmes par lesquels ils sont exprimés, souvent propres aux fêtes de mariage et aux ambiances des stades, a été toutefois constatée par la chercheuse universitaire sans apporter d’explications claires. D’après la dizaine de chansons analysées et les entretiens qu’elle a eus avec des personnes ayant tenté d’émigrer clandestinement, Farida Souiah, a pu affirmer que les textes sont fidèles à la réalité et reflètent parfaitement le vécu des harraga. Elle a constaté aussi que la destination n’est pas cité dans les chansons mais seulement associée à des idées positives. Dans les textes, la notion de l’eldorado est absente, le risque de la mort n’est pas ignoré, la mer y est très prédatrice, a-t-elle expliqué. Selon elle, le pays d’origine est souvent décrit d’une manière ambiguë qui met en avant la précarité socioéconomique mais affiche en même temps une sorte d’attachement car l’expression « l’Algérie mon amour » revient dans la grande majorité des chansons. Ceci explique, a-t-elle dit, que les harraga sont conscients de la possibilité d’être heureux et de mener une vie digne dans leur propre pays.
RAF avec APS