Algérie. Les fondements du financement par le crédit/bail

Redaction

I-PROBLÉMATIQUE

Les petites et moyennes entreprises (PME) jouent un rôle vital dans le développement économique, par l’accroissement de la concurrence, la promotion de l’innovation et la création d’emplois. Elles sont souvent confrontées à plusieurs défis en matière de croissance, qui varient des environnements macroéconomiques peu favorables aux barrières administratives et à la bureaucratie.

Toutefois, le plus grand obstacle demeure peut-être leurs capacités limitées à avoir accès aux services financiers. Les financements bancaires à long terme habituels sont généralement inaccessibles pour les PME, faute de garanties, ce qui rend les actifs mobiliers peu sûrs pour l’accès au crédit. Cette situation, ajoutée au niveau élevé des coûts de transaction liés à l’obligation de vigilance, amène les banques commerciales à continuer de privilégier les prêts aux marges, les entreprises bien établies.

Le capital-risque ne constitue pas non plus souvent une option, dans la mesure où les financiers potentiels invoquent le manque de possibilités pour des participations dans les PME, à des taux de rendement justifiant les risques courus. Dès il convient de se poser cette question : tout en précisant que le crédit bail ne saurait se substituer totalement au mode financement courant, il faut être réaliste et non utopique, pour certains biens d’équipement n’est-il pas une des solutions par rapport aux moyens habituels de financement, en particulier pour les entreprises plus petites qui n’ont pas une tradition de crédit ou qui ne disposent pas des garanties requises pour avoir accès aux formes habituelles de financement ? Né aux Etats-Unis dans les années 1950, le « leasing » fut introduit en Europe et notamment en France que vers les années 1960 sous la dénomination de crédit-bail.

Cette technique s’applique dans une économie de marché structurée qui a ses propres règles de fonctionnement. Si, le Maroc et la Tunisie tendent à utiliser c e mode de financement , où sa contribution à la formation brute de capital fixe (FBCF) s’est établie respectivement à 14,5 et 13,8% en 2009, avec ces taux proches de la moyenne européenne (15%), au Maroc, l’encours comptable net des actifs immobilisés en crédit-bail ayant atteint 2,72 milliards d’euros en 2009, en progression de 13% en glissement annuel. « L’Algérie reste pour nous un marché stratégique qui présente des potentialités trois fois plus importantes que le marché tunisien », selon Ahmed Abdelkéfi, PDG de Tunisie Leasing.

A titre de rappel, courant de l’année 2009, la Banque nationale d’Algérie (BNA) et la Banque de développement local (BDL) ont conclu un «pacte d’actionnaires» pour la création d’une société conjointe de leasing destinée au financement des petites et moyennes entreprises (PME. L’expérience de Maghreb Leasing Algérie (MLA Leasing) crée en 2006, une société par actions, de droit algérien, constituée en 2006 à l’initiative de ses actionnaires majoritaires, Tunisie Leasing Group et Amen Bank, des institutions ayant, par le passé, bénéficié de l’appui de la BAD., filiale de Tunisie leasing est utile à connaître.

Avant la décision de suppression des crédits à la consommation, elle proposait les produits suivants : TL Auto, TL Transports, TL Bâtiments et TP, TL Équipements, TL Médical, TL Immobilier. Proposant également des solutions de financement de leasing avec près de 25% de parts de marché avec une clientèle cible exclusivement composée de PME. Pour sa part, la Libye, le parlement a adopté en avril 2010 dernier une loi ouvrant la voie au lancement du leasing,

II- FONDEMENT DU FINANCEMENT PAR LE CRÉDIT-BAIL

Cette technique de financement externe à long et moyen terme s’est depuis largement répandue et la plupart des organismes de crédit dans le monde proposent aujourd’hui ce type de produit financier. Trop souvent la décision de crédit-bail est analysée comme une alternative location/achat, alors qu’elle devrait être étudiée, selon moi, sur le plan financier, comme une alternative à d’autres sources de financement.

En d’autres termes il ne s’agit pas d’une décision d’investissement, mais bien d’un choix de mode de financement des projets de l’entreprise. Cette technique de financement ne doit pas être confondue ni avec une location simple que le locataire peut interrompre moyennant un simple préavis, ni avec une location-vente car son intérêt réside dans la faculté du locataire à lever l’option ou à ne pas le faire, c’est-à-dire se rendre propriétaire du bien. Il peut choisir soit de restituer le bien à la société bailleresse, soit reconduire la location pour une nouvelle durée.

Le crédit-bail est défini dans le dictionnaire comme « une technique contractuelle par laquelle une entreprise, dite de crédit-bail acquiert, sur la demande d’un client (crédit-preneur), la propriété de biens d’équipement mobiliers ou immobiliers à usage professionnel, en vue de les donner en location à ce dernier pour une durée déterminée et en contrepartie de redevances ou de loyers ».

On retrouve historiquement cette pratique dans l’immobilier. Cette dernière achète ou fait construire un immeuble à usage professionnel ou individuel et en fournit la possession par un bail de longue durée à son cocontractant. Pendant toute la durée du contrat, c’est la société de crédit-bail jouant le rôle financement, qui reste propriétaire du bâtiment, l’entreprise qui l’utilise n’étant que la locataire des biens qu’elle a fait acheter ou construire, le crédit-bailleur n’étant pas responsable des actes commis par le crédit-preneur. La durée du « bail », étant liée à la durée économique de l’immeuble, cela explique que le contrat de crédit-bail immobilier est souvent supérieur 15/20 ans, tout en précisant pour ce cas, l’utilisateur paye en général la rente jusqu’à la clôture du contrat de crédit-bail.

Il s’agit en fait d’une sous traitance dans l’achat de biens et la gestion de prêts car le crédit-bail est souvent considéré comme un substitut de l’endettement tant des entreprises que des particuliers écartées des formes traditionnelles d’emprunt en raison de leur risque. En principe, selon les clauses d’option d’achat, le locataire a la possibilité d’acquérir le bien loué à la fin du contrat de crédit-bail, sur la base d’un prix prédéfini.

En crédit-bail, le bailleur supporte deux types de risques : le risque de valeur résiduelle qui est relatif au matériel, et le risque de crédit qui est lié à l’utilisateur. Le risque relatif au matériel repose sur : la qualité du fournisseur, appréciée à partir de la performance technique et de la fiabilité du matériel livré, de l’efficacité du service après vente, de la santé financière du constructeur et de sa présence sur le territoire national de l’utilisateur, les expertises financières analysant souvent le risque lié au matériel à partir des fluctuations de la valeur résiduelle du bien sur le marché résultant de l’usure physique ou d’une obsolescence imprévue ou de variations non anticipées des taux d’intérêt et du niveau général des prix. Car à la lumière des origines de la crise mondiale actuelle (crise des prêts hypothécaires) dont les ondes de chocs se font toujours sentir ( semi faillite récente d’ Abou Dhabi) , ce serait une erreur de se focaliser uniquement sur le risque attaché au matériel ou risque de valeur résiduelle en ignorant le risque de crédit. En effet, le bailleur peut être soumis à un risque de défaillance de l’utilisateur non négligeable, étant dans l’incapacité de rembourser.

III- LES CONSÉQUENCES PRATIQUES DU CRÉDIT LEASING

Aussi, certains auteurs ont mis en relief les similitudes entre les contrats de leasing et les obligations à hauts rendements et risques (junk bonds). Comme les expériences historiques notamment en Inde montrent que les micro- crédits à des taux d’intérêts plus élevés que celles des banques traditionnelles ont accru l’endettement des emprunteurs souvent « pauvres » qui se retrouvent dans un cercle emprunt remboursement, emprunt remboursement avec pour conséquence des suicides à répétition ne pouvant pas toujours rembourser.

Ce risque de défaillance est d’autant plus prévisible avec l’apparition et le développement des opérations de gré à gré sur les marchés financiers, le risque de crédit, résultant de l’incapacité de la contrepartie à effectuer les paiements contractuels, présente trois composants :

– la probabilité de défaillance de la contrepartie ; le taux de recouvrement de la créance en cas de défaillance de la contrepartie et enfin l’exposition au risque de crédit mesurée par le montant de la perte de défaillance, différence entre la valeur de remplacement du contrat et le montant que l’on espère récupérer. Cela a des incidences opérationnelles sur la tenure des comptabilités d’entreprisses qui utilisent ce mode de financement, les normes comptables internationales européennes (IAS/IFRS) stipulant expressément que la valeur actualisée des paiements minimaux dus par le locataire est au moins égale à la valeur de l’actif loué, signifiant sur le plan comptable dans le bilan que moins de dettes apparaîtront au passif , donnant un ratio de solvabilité du fait que le crédit-preneur peut enregistrer les loyers dans sa comptabilité comme des charges d’exploitation, le résultat avant impôt diminuant ainsi d’autant les impôts.

Le système est particulièrement utilisé pour les véhicules et le matériel informatique et industriel, notamment parce que ce type de contrat permet d’inclure des garanties de maintenance et le financement de la TVA. Ainsi, la norme IAS 17 établit comment comptabiliser le crédit-bail prévoit le crédit bail comme une immobilisation corporelle avec pour contrepartie une dette financière au passif du bilan la comptabilisation s’effectuant à la plus faible valeur entre la juste valeur (de marché) et la valeur actualisée des paiements minimaux du contrat, les amortissements et intérêts devant être comptabilisés. Quelles sont les incidences du crédit leasing ?

Le leasing permet aux firmes à faible taux d’imposition de vendre des déductions fiscales à des bailleurs à taux d’impôt élevés qui sont mieux à même de valoriser les avantages fiscaux ; une partie des économies fiscales ainsi réalisées est reversée à l’utilisateur sous forme de baisse de loyers ;

le leasing opérationnel et le crédit-bail donnent au bailleur une protection importante en cas de défaillance de l’utilisateur ;

une firme à haut risque se finance ex ante plus facilement par leasing que par émission d’obligations existant une relation négative entre coûts de défaillance et utilisation du leasing » (fin de la citation) ;

Etant un contrat entre l’offreur et le demandeur et comme tout contrat en cas de non respect cela peut entraîner des conflits latents avec ce que les financiers appellent des coûts d’agence, étant liés aux opportunités d’investissement, aux actifs corporels, au contrôle de la firme et à sa dimension ;

on n’instaure pas le financement par leasing comme une baguette magique car l’important est une législation adéquate couvrant toutes les probabilités en cas de litiges ;

du fait de l’importance que le crédit bail revêt au plan économique, le législateur doit lui consacrer plusieurs articles aussi bien dans la loi bancaire, dans le code de commerce que dans les lois de finances (mesures d’encouragement fiscales notamment).

IV- CONCLUSION : ÉCONOMIE RENTIÈRE ET CRÉDIT/ BAIL

En conclusion, en Algérie la rente des hydrocarbures voile la mauvaise gestion à tous les niveaux : l’effacement tant de la dette extérieure qu’intérieure n’est pas due à une bonne gouvernance et à la création du surplus par le travail, mais aux recettes exceptionnelles des hydrocarbures et qu’en sera t-il de l’efficacité du crédit bail en cas de défaillances des utilisateurs puisque ce seront en général les banques publiques déjà confrontées à d’importantes créances douteuses pour des crédits normaux , qui activeront en majorité si on décide d’ étendre ce mode de financement. Cela ne renvoie t-il pas pour son efficacité à une meilleure gouvernance et à une visibilité et cohérence dans la démarche de la réforme globale ? Qu’en sera- il des prêts bonifiés qui répondent à une logique politique et non économique ?

Le financement par leasing peut-il s‘appliquer efficacement au sein d’une économe dualiste où prédomine la sphère informelle controlant40%de la masse monétaire en circulation avec une intermédiation informelle où existe déjà un le leasing informel à des taux d’usure ? Ne risque-t-on pas en cas d’une chute des recettes des hydrocarbures de découvrir la triste réalité d’un endettement excessif tant des ménages que des entreprises notamment les PMI/PME ayant une couverture financière limitée, qui ne pourront pas respecter les contrats du leasing dont le taux de location est souvent supérieur au taux d’intérêt normal ?

Qu’en sera-t-il surtout pour les ménages dans l’immobilier qui représente la plus grande part de l’endettement et non la consommation de biens finaux, endettement pouvant être accéléré avec la détérioration du pouvoir d’achat ? Et l’essentiel, ce système de financement permettra-il de passer d’une économie rentière à une économie productive ? Aussi je ne saurai trop insister sur l’urgence de définir clairement la technique de financement par crédit-bail en distinguant nettement les étapes suivantes et d’adapter la législation à cette nouvelle situation afin d ‘éviter des litiges interminables au niveau des tribunaux : la conclusion du contrat de crédit-bail ;-l’exécution du contrat de crédit-bail ;-la garantie du contrat de crédit-bail et la fin du contrat de crédit-bail.

Docteur Abderrahmane MEBTOUL, Expert international Professeur d’université en management stratégique