Baisse de la dette publique algérienne et risque d’un retour à la case de départ en raison de l’inefficacité de la dépense publique.

Redaction

dette Le gouverneur de la banque d’Algérie a annoncé le 15 octobre 2009 que l’encours de la dette extérieure à moyen et long terme, (à ne pas confondre avec le montant de la dette extérieure annoncée par le Ministre des Finances le 22 octobre 2009 de 600 millions de dollars), a reculé à 3,9 milliards de dollars à fin juin 2009, contre 4,3 milliards de dollars à fin 2008 dans le sillage de la hausse légère des réserves de change qui ont atteint 144,32 milliards de dollars à fin juin 2009 contre 143,1 milliards de dollars à fin décembre 2008 et que la dette publique interne a été ramenée à 750 millions de dinars, la dette extérieure représentant 1% du PB en septembre 2009, 3,6% du PIB en 2007 contre 34,2% en 2003 et 58,3 % en 199l . Je propose une lecture objective en essayant d’être le plus simple possible sur un sujet technique, de ces deux déclarations

I- PROBLÉMATIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE

1.1- Qu’est-ce que la dette publique ?

Il s’agit d’éviter plusieurs confusions : première confusion, au sein de la dette publique on distingue la dette publique intérieure détenue par les agents économiques résidents de l’État émetteur et la dette publique extérieure détenue par des prêteurs étranger, ventilée entre la dette de court terme (un an ou moins), à moyen terme (jusqu’à dix ans) et à long terme (au-delà de dix ans). La dette publique interne quant à elle est, dans le domaine des finances publiques l’ensemble des engagements financiers pris sous formes d’emprunts par l’Etat, les collectivités publiques et les organismes qui en dépendent directement (les entreprises publiques, les organismes de sécurité sociale etc.). Dans le cas de la norme européenne de comptabilité nationale (SEC 95) elle est définie je cite « comme l’ensemble des unités institutionnelles dont la fonction principale est de produire des services non marchands ou d’effectuer des opérations de redistribution du revenu et des richesses nationales. Le secteur des administrations publiques comprend les administrations publiques, les administrations publiques locales et les administrations de sécurité sociale ». Ainsi la dette publique interne est le produit de l’accumulation des besoins de financement passés des administrations publiques, résultant des différences entre les produits (les recettes fiscales, en particulier) et les charges (notamment les dépenses budgétaires) de ces administrations. La dette augmente donc à chaque fois qu’un déficit public est financé par emprunt. D’une manière générale, d’une année sur l’autre, la dette diminue si le solde budgétaire est en excédent et si le solde budgétaire est en déficit, la dette augmente, le déficit budgétaire de l’année en cours s’ajoutant à la dette publique du passée.

Deuxième confusion, les normes comptables appliquées à la dette publique étant très différentes de celles retenues pour les entreprises, il s’ agit de distinguer la dette publique brute et la dette publique nette, le calcul de la dette publique sur le produit intérieur brut se calculant souvent en brut omettant de soustraire les actifs des administrations du passif , comme n’est pas pris en compte certains engagements des administrations en particulier les charges futures liées aux retraites des agents publics. Car dans le premier cas , l’État possédant souvent des actifs, à la fois financiers (actions, etc.) et physiques (terrains, etc.), qu’il faut soustraire à la dette brute pour obtenir la dette nette, l’on surestime la dette interne, de l’autre, la dette ne prenant en compte que les engagements financiers « explicites », et omettant les engagements dits « implicites », comme les retraites futures des fonctionnaires l’on a tendance à sous estimer la dette publique. En fait nous avons deux conceptions de la dette publique qui renvoient à la fonction de l’Etat dans le développement économique et social. La conception anglo- saxonne surtout américaine (d’où d’ailleurs les difficultés du président Barack Obama concernant la révision du système de santé) et européenne et surtout française. Dans le premier cas , les ménages s’endettent pour financer les dépenses qui ne sont pas socialisées par l’État ( désengagement de l’Etat de la sphère sociale au profit d’institutions privées privilégiant le système de capitalisation) avec une dette d’Etat relativement faible, ( le cas US étant une exception pour des raisons de la dominance du dollar et l’importance des interventions miliaires ) dans le second cas, les ménages ont un endettement limité, une épargne plus élevée et l’État est comparativement plus endetté, avec la prédominance du système de répartition , assurant des fonctions diverses comme la construction de logements sociaux ou l’éducation, qu’il finance en partie par endettement.

Cela renvoie donc à la nature de la politique socio-économique et aux analyses théoriques de la dette publique dont les principales sont les courants néo-classiques dits libéraux et néo- keynésienne dits interventionniste. Pour le second il y a importance de l’Etat régulateur mais toujours au sein d ‘une économie à dominance privée à travers une politique budgétaire ciblée (relance de la demande globale consommation et investissement), pour le premier l’autre il s’agit de privilégier la relance par l’offre par un désengagement de l’Etat . En réalité dans la pratique des affaires il y a synthèse entre ces deux approches posant sur le plan théorique et pratique la problématique de l’articulation des rôles respectifs et complémentaires de l’Etat et du marché , comme le montre la crise actuelle, bien qu’ en dehors de la crise, presque tous les gouvernements augmentant les dépenses publiques à l’approche des élections. Qu’en est–il pour l’Algérie ?

2.2-La dette publique algérienne

L’Algérie connaît un cadre macro-économique relativement stabilisé. En effet, il est indéniable que la politique monétaire suivi par le gouvernement algérien depuis 1996, date de l’ajustement structurel suite au rééchelonnement de 1994 ( cessation de paiement) a permis de contenir l’inflation , rappelant le taux d’inflation approchait les 30% en 1998 et a permis de le réduire à 4,5% en 2008, certainement supérieur à 5% en 2009 du moins selon les officiels, certaines institutions internationales donnant environ 12% dans une enquête sur la région MENA . Comme cela a permis de réduire l’endettement du pays où l’encours de la dette extérieure à moyen et long terme est inférieur à 4 milliard de dollars avec une baisse substantielle tant de la dette publique globale que du service de la dette et ce grâce au remboursement anticipé de la dette extérieur. Concernant la dette publique interne, selon les déclarations officielles reprises par l’agence APS, elle est passée de 1 780 milliards de DA à fin 2006 à 1 050 milliards de DA à fin décembre 2007 à 733 millions fin octobre 2008 et à 750 millions de dinars selon la déclaration du 22 octobre 2009 du Ministre des Finance. La dette interne est composée, de la dette courante (bon de Trésor) et des dettes dites d’assainissement,( plus de 40 milliards de dollars entre 1991/2007 et plus de 5 milliards de dollars entre 2008/2009 dont plus de 70% des entreprises publiques étant revenues à la case de départ selon le rapport 2008 du Ministère de l’investissement , étant déstructurées financièrement et les 30% restant ne s’insérant pas dans le cadre des valeurs internationales supposant donc une mise à niveau . Ces déficits ont été financés par prélèvement sur le Fonds de régulation des recettes, dont les ressources sont générées par les plus-values sur les produits de la fiscalité pétrolière lorsque le baril de pétrole dépasse par le passé 19 dollars et actuellement 37 dollars et qui a connu une augmentation, passant à 3 215 milliards de DA à fin décembre 2007 contre 2 931 milliards de DA à fin 2006. à 4280 milliards de dinars (42 milliards d’euros) soit 40% du PIB fin septembre 2009

II- RAISONS DE LA BAISSE DE LA DETTE ALGÉRIENNE ET RISQUE D’UN RETOUR A LA CASE DE DÉPART

2.1- Les raisons de la baisse de la dette publique algérienne

Cette situation financière a été permise depuis 2000 grâce au cours élevé des hydrocarbures (en rappelant que l’Algérie a environ 1% des réserves mondiales de pétrole et 3% en gaz devant donc aller vers l’épuisement ) et non pas grâce à la gouvernance interne et donc une politique socio-économique hors rente (1): pour preuve les exportations hors hydrocarbures entre 1996/2009 représentent moins de 3% du total dont plus de 70% de déchets ferreux et semi –ferreux. Ainsi, il faut éviter l’illusion monétaire, l’Algérie étant une économie rentière dépendante à la fois du cours du pétrole et du dollar et ce de 1963 à 2009.

Pour rappel sur les 5/6% de taux de croissance hors hydrocarbures entre 2004/2009, et certainement encore pour de longues années, invoqué souvent par les officiels, 80% des segments dont le bâtiment, travaux publics, hydraulique sont irriguées indirectement par la rente des hydrocarbures restant aux entreprises créatrices de richesses pouvant vivre sur leur autofinancement moins de 20% à la participation du produit intérieur brut. Certes, les recettes pétrolières/gazières selon le gouvernement pourraient atteindre 40 milliards de dollars au cours moyen de 70 dollars le baril, le prix de cession du gaz étant indexé sur celui du pétrole avec une baisse de 50% environ par rapport à 2008, qui s’ajoutent aux réserves de change et l’Algérie ne devrait donc pas connaître de problèmes de financement pendant au moins trois années, et ce sous réserve de la stabilisation du dollar et de l’inflation mondiale, ayant également des répercussions sur la valeur des importations algériennes (60% en euros) et sur la valeur des réserves de change libellées en dollars.

C’est qu’à la déflation actuelle au niveau mondial, le risque avec l’envolée des dépenses publiques( bulles budgétaires) est le retour à la stagflation (hausse des prix, chômage, récession) en cas d’inefficacité de ces dépenses publiques et la non reprise de l‘activité par le secteur privé productif . Pour le dollar qui représente toujours environ 60% des transactions mondiales, il vient de dépasser la barre symbolique depuis le 20 octobre 2009 à 1,50 dollar un euro, fluctuant depuis quatre mois entre 1,41 et 1,48 dollar un euro ayant perdu plus de 50% de sa valeur depuis 2000, certains instituts stratégiques mondiaux prévoient sa dépréciation à plus de 1,60 dollar un euro. Cependant, cette situation de relative aisance financière et de la stabilisation du cadre macro-économique et de la réduction de la dette publique doit être replacée dans son véritable contexte .C’est une condition nécessaire mais non suffisante autant qu’avoir des réserves de change dues essentiellement comme en Algérie à des facteurs exogènes. Rappelons le syndrome hollandais (beaucoup d’argent, corruption généralisée, et absence de création de richesses durables) Les expériences historiques montrent clairement que le cadre macro-économique stabilisé est éphémère sans de profondes réformes micro économiques et institutionnelles qui seules permettent une croissance durable ce qui m’amène à traiter de l’effet de la dépense publique.

2.2- La faible efficacité de la dépense publique

Les mêmes causes provoquent les mêmes effets. Or l’on ne s’est pas attaqué aux causes originelles de la dette publique et le risque est de revenir à la case de départ. Si l’on excepte la mauvaise gestion de certaines entreprises publiques qui accaparent une partie importante du financement public, il ne faut jamais oublier l’administration et les services collectifs dont les infrastructures qui également accaparent une autre fraction actuellement plus importante. Pour cela, rappelons que le programme de soutien à la relance économique selon les différents conseils de gouvernement est passé successivement de 55 milliards de dollars fin 2004, à 100 milliards de dollars fin 2005 ( le justificatif était des enveloppes additionnelles pour les hauts plateaux et le Sud) puis fin 2006 à 140 milliards de dollars et sera certainement clôturé fin 2009 à plus de 200 milliards de dollars, montant auquel il faudra ajouter les nouveaux programmes inscrits entre 2009/2013 de plus de 100 milliards de dollars. Il est intéressant d’analyser le rapport de la banque mondiale concernant justement ce programme publié en septembre 2007 et remis aux autorités algériennes toujours d’une brûlante actualité (2).

Selon ce rapport, au delà des données statistiques qui peuvent être trompeurs , il faut replacer la faiblesse des impacts des transports et des infrastructures qui lui sont liées, à la mauvaise performance des dépenses d’investissement en Algérie étroitement liée aux carences en matière de gestion des dépenses publiques. Les déficiences observées dans son processus budgétaire et les goulets d’étranglement institutionnels ont systématiquement entraîné une mauvaise exécution des programmes d’investissement. Toutes ces insuffisances aboutissent à une mauvaise programmation, à la surestimation des dépenses et à de longs retards dans l’exécution des projets. Parmi les carences importantes observées, on peut citer : l’existence d’un décalage entre la planification budgétaire et les priorités sectorielles ; l’absence d’interventions efficaces dues à un morcellement du budget résultant de la séparation entre le budget d’investissement et le budget de fonctionnement (récurrent) ; des passifs éventuels potentiellement importants, des écarts considérables entre les budgets d’investissement approuvés et les budgets exécutés ; et des longs retards et des surcoûts pendant l’exécution des projets, ce qui témoigne de la faiblesse de la capacité d’exécution des organismes d’exécution. De très importants dépassements de budget ont été constatés au niveau de différents projets.

De nombreuses décisions de projet ne sont pas fondées sur des analyses socioéconomiques. Ni les ministères d’exécution, ni le ministère des Finances n’ont suffisamment de capacités techniques pour superviser la qualité de ces études, se bornant au contrôle financier effectué par le ministère des Finances, le suivi technique (ou physique) exercé par les entités d’exécution étant inconnu ou au mieux insuffisant. Les résultats des projets et programmes ne font pas l’objet d’un suivi régulier. Il n’existe aucune évaluation a posteriori permettant de comparer ce qui était prévu avec ce qui a été réalisé et encore moins de comparer les coûts -avantages. Dans ce rapport, il est clairement explicité que les enjeux institutionnels et de gouvernance contribuent largement à limiter les impacts économiques et sociaux limitant l’effet de la dépense publique, renvoyant à la mauvaise gestion généralisée.

III- CONCLUSION : CERNER LES VRAIS ENJEUX STRATÉGIQUES

L’essentiel est bien cerner les vrais enjeux futurs de l’économie algérienne qui sont des problèmes de développement, comment passer d’une économie de rente à une économie productive donc comment enclencher une production et exportation hors hydrocarbures, passant nécessairement par une plus grande cohérence et visibilité dans la politique économique, éviter l’instabilité juridique et donc une gouvernance rénovée.

Car, n’oublions pas qu’existent deux rapports contradictoires, qui certes sont fonction du couple vecteurs prix/coût futur,( on peut découvrir des dizaines de gisements mais non rentables) celui de l’AIE d’août 2009 qui prédit un épuisement des ressources en pétrole en Algérie dans 16 ans et celui du premier ministre Ahmed Ouyahia qui dit 25/30 ans. Or 30 ans c’est demain l’Algérie étant indépendante depuis 47 ans sans que l’on ait préparé l’après pétrole. Car , se pose cette question centrale suite au rapport du fonds Monétaire International du 02 octobre 2009 inquiétant pour l’Algérie et malgré une dépense publique de 200 milliards de dollars l’Algérie 2004/2009 n’aura qu’un taux de croissance 2,1% en 2009 , 3,7% (prévision aléatoire) en 2010 contre une moyenne inférieure à 3% entre 2006/2008 remettant en cause les prévisions gouvernementales de création de trois millions d’emplois entre 2009/2013,nécessitant un taux de croissance de 6/7% sur cinq années , ce qui est selon les évaluations du FMI, une impossibilité économique.

Et le rapport du 04 octobre 2009 du PNUD où l’Algérie vient d’être rétrogradée à propos de l’indice du développement humain beaucoup plus fiable que le PNB par tête d’habitant de la 100ème place en 2008 à la 104 ème place. Aussi, quel est l’avenir de no enfants s’il n’y plus d’hydrocarbures. Méditons l’expérience indonésienne dont le pays est devenu depuis 2007 importateur net lors qu’il était un grand producteur mais qui a eu l’intelligence de préparer l’après hydrocarbures. Dès lors se pose question fondamentale pour l’avenir de l’Algérie : pétrole bénédiction ou malédiction et l’urgence de poser les véritables problème à savoir l’approfondissement de la réforme globale pour un véritable développement hors hydrocarbures.

Docteur Abderrahmane MEBTOUL Professeur d’Université – Économiste Expert comptable


(1)-Voir – interview du Docteur Abderrahmane MEBTOUL à la télévision iAl Djazeera : « situation financière et économique de l’Algérie et perspectives » Interview diffusée le 20 octobre 2009(disponible en arabe/anglais sur le site djazeera.net.

(2) Rapport de la banque mondiale « revue des dépenses publiques en Algérie » 200 pages septembre 2007notamment le chapitre V intitulé « remédier aux insuffisances des infrastructures pages 67/91