Il pleut sur la ville, telle qu’une chape de plomb, un ciel noir couvre Alger. Le bruit du tonnerre, l’éclair, déchirent les ténèbres, décor d’un hiver précoce. Avec la chute des premières pluies, l’inquiétude surgit au souvenir de ce raz de marée qui en un espace de temps engloutit Bab el oued et bien d’autres quartiers de la capitale. Comme à la accoutumée, la commune a fait semblant de faire nettoyer les avaloirs des eaux de pluies. Il suffit d’y regarder de près pour voir qu’aucun nettoyage sérieux n’a été fait, en l’absence de suivi. Qui va s’en préoccuper, quand d’autres questions, plus budgétivores peut-être retiennent davantage l’attention de l’administration.
Il est temps de doter le pays d’un calendrier des tâches répétitives, périodiques à faire. Un programme national des activités à réaliser au niveau de chaque structure, si petite soit-elle, outil de mesure des performances de tous et de chacun. J’étais plongé dans mes ruminations en attendant mon tour pour prendre un taxi collectif.
Il est encore permis de rêver, sans folie, à des choses simples, rudimentaires quoi, au minimum vital. Un voyage dans le temps. Avant 1970, aux arrêts de bus, il était affiché l’horaire des rotations de chaque ligne desservie par la RSTA. Les rues de la capitale étaient nettoyées à grande eau. Le téléphone à la station de taxi carillonnait à l’appel d’un client. La circulation était fluide. Tout avait une saveur, les saisons ne se bousculaient pas, les gens mangeaient les produits saisonniers. L’école algérienne à l’époque formait des citoyens. Chacun assumait convenablement ses tâches dans le monde du travail, sans « tchipa » !
Un taxi arrive, je m’engouffre avec d’autres ! L’algérien étonne par sa facilité de nouer une discussion, avec le premier venu, pendant quelques instants, le temps d’un trajet, effectué ensemble au gré du hasard. Ces échanges de propos surprennent par la densité des problèmes évoqués, de leur diversité, image révélatrice de la société, et de ses aléas. L’anonymat facilite le débat. Le thème central est la « hogra », l’injustice aux formes multiples.
L’anecdote de Safia qui est devenue Sophie, malgré les tests DNA tenaille le chauffeur de taxi, avec un accent typiquement de l’ouest du pays. Il fait part de sa colère et son incompréhension qu’un enfant est livré à un étranger ! Sarko est honni. Il serait responsable de pressions exercées dans cette affaire! A ce drame, il en cite d’autres, qui illustrent cette règle de deux poids et de deux mesures. L’équité dans ce monde reste une chimère pour les faibles. La bureaucratie étouffante, le tablier bleu en dernière minute, exigeraient plusieurs pages pour décrire les affres subies par le citoyen.
Un économiste pourrait évaluer les coûts de cette mesure sur la tablier, tenant compte, le nombre d’élèves, l’absentéisme des parents pour cet achat…etc. La dérision, l’humour, avec lesquels les sujets sont abordés, rendent plus léger les malheurs vécus. Faut-il accepter avec fatalisme ce quotidien, fait de problèmes de tous genres, attendre avec un semblant de sérénité le soulagement d’une mort qui nous délivrera ?
A.Bensaid, un lecteur d’Algerie-Focus