Il est unanimement admis par les analystes sérieux, privilégiant uniquement les intérêts supérieurs de l’Algérie et non la distribution de la rente des hydrocarbures , qu’un changement de gouvernement et de ministres n’apporteraient rien de nouveau si l’on maintient le cap de l’actuelle gouvernance sans apporter plus de cohérence et de visibilité à l’actuelle politique socio-économique. Encore que des études de grands instituts de psychologie du travail américains montrent clairement- non pas pour les élus – mais pour les managers économiques ( PDG de grandes entreprises) ou des managers politiques (ministres) qu’au delà de cinq années, pour 75% de cas, 25% étant des femmes ou hommes exceptionnels- ils deviennent amorphes et incapables d’innovation, avec le risque de s’entourer d’une cour aussi stérile d’où le danger d’une inertie générale alors que le monde évolue, la maîtrise du temps étant le principal défi des gouvernants au XXIème siècle. C’est sous cette condition fondamentale que je propose cet aménagement institutionnel gouvernemental que j’ai déjà développé au niveau national et international déjà entre 2006/2008(voir sites www.google.fr et www.yahoo.fr).
I-LA CONDITION FONDAMENTALE D’UNE EFFICACITÉ GOUVERNEMENTALE : UNE GOUVERNANCE RÉNOVÉE
Comme analysé dans plusieurs contributions dans El Khaibar, depuis fin 2009 le gouvernement invoquant la crise économique prône le patriotisme économique. Mais n’y a-t-il pas confusion du fait de l’ancienne culture bureaucratique entre le tout Etat lorsqu’on sait que l’assainissement des entreprises publiques en Algérie a coûté au trésor public plus de 40 milliards de dollars entre 1971/2008 sans résultats probants, et un rôle plus accrue de l’Etat régulateur stratégique en économie de marché , différence de taille pour toute politique économique fiable devant tenir compte de cette dure réalité, malgré la crise mondiale, d’une économie de plus en plus globalisée Bon nombre d’institutions internationales avec des classements déplorables qui ne reflètent pas les potentialités énormes du pays, et d’experts nationaux ont tous souligné le poids de la bureaucratie, l’instabilité juridique et le manque de clarté dans les nouvelles dispositions du gouvernement algérien.
C’est dans cet esprit de changement de cade juridique perpétuel et suite aux décisions du gouvernement algérien courant 2009 de postuler 51 pour cent aux algériens dans tout projet d’investissement et 70 pour cent des parts algériennes dans les sociétés d’import étrangères qui explique la réaction européenne de Catherine ASHTON, commissaire européenne au commerce extérieur a déploré dans une correspondance officielle adressée au gouvernement algérien courant juin 2009 , que l’Algérie aurait violé les articles 32 , et 37 , 39 et 54 de cet Accord. Cette situation de changement perpétuel de cadres juridiques, qui d’ailleurs démobilise les cadres du secteur économique public montrent clairement la dominance de la vision administrative et non économique liée à l’absence de visibilité et de cohérence dans la démarche de la réforme globale, renvoyant au blocage systémique intiment lié aux aspects de gouvernance (Etat de droit notamment) du fait que l’on ne peut isoler la gouvernance de l’entreprise de la gouvernance globale.
En effet, l’Algérie est toujours en transition depuis 1986 vers l’économie de marché, qui doit se fonder sur des mécanismes concurrentiels dans tous les domaines cohabitant une gestion administrée toujours dominante avec des embryons de libéralisation et le risque de passage d’un monopole public à un monopole privé spéculatif du fait de la non mise en place d’une manière cohérente face au processus de mondialisation irréversible de mécanismes de régulation nouveaux de marché avec un rôle stratégique de l’Etat régulateur, comme en témoigne le poids de la bureaucratie, la corruption (renvoyant à la refonte de l’Etat), la léthargie du système financier, l’épineux problème du foncier et enfin, l’inadaptation du système socio-éducatif avec la dévalorisation du savoir et la dominance des emplois et salaires rente comme l’atteste la nouvelle grille des salaires de 2008, montrant clairement l’absence d’une véritable politique salariale fondée sur le travail et l’intelligence malgré des discours que contredisent les pratiques sociales.
II- UNE NOUVELLE ORGANISATION GOUVERNEMENTALE POUR PLUS DE COHÉRENCE
Cette réorganisation devient urgente pour des raisons d’économies de gestion et d’efficience gouvernementale. Car l’État doit réduire son train de vie, donner l’exemple de rigueur, éviter en cette période de crise des dépenses inutiles de prestige sans impacts véritables sur le devenir économique du pays et donc sur l’amélioration du pouvoir d’achat des citoyens. D’ailleurs un regroupement des ambassades, excepté pour des pays avec qui l’Algérie entretient d’importantes relations commerciales, devrait rentrer dans cette réorganisation. A ce titre, je suggère les pistes suivantes : au ministère de l’Intérieur et des collectivités locales les services de sécurité après une large concertation des différents segments, du fait de la sensibilité de ce secteur devant être organisé à part, devrait s’adjoindre aux collectivités locales, l’Aménagement du territoire et l’environnement avec deux secrétariats d’Etat. Cela suppose une autre organisation locale, notamment du rôle des walis par la création de pôles socio-économiques régionaux socio-économiques (régionalisation économique à ne pas confondre avec le régionalisme néfaste) impliquant tant l’administration, les élus, les entreprises, les banques, la société civile, les chambres de commerce et les universités supervisés par un superwali, poste politique avec des walis délégués avec le profil de manager ( économistes, ingénieurs, juristes , évitant de puiser toujours dans l’école nationale d’administration) devant donc revoir les codes communaux et de wilayas. Les directions de wilayas qui sont budgétivores devront être regroupées en adéquation avec ceux des ministères.
Comme c’est en accordant la priorité à la connaissance que les politiques publiques apporteront des réponses à la pauvreté, à la fois rurale et urbaine, et surtout à l’évolution du chômage par la création d’emplois et d’activités génératrices de revenus, en particulier pour les groupes vulnérables, notamment les femmes et les jeunes, je préconise un grand ministère de l’Education nationale et de la recherche scientifique (la revalorisation des compétences) avec trois secrétariats d’Etat techniques. Le ministère des Finances devrait être couplé avec le ministère du Commerce avec deux secrétariats d’Etat et le ministère des Investissements avec ceux du tourisme et l’artisanat, de l’Industrie, de la PMI /PME tout en lui rattachant les Mines, segment stratégique de la relance industrielle, (deux secrétariats d’Etat techniques, tourisme et l’industrie). Le défi majeur du XXIème siècle étant celui de l’eau, dont celui du dessalement de l’eau de mer ( en espérant pour ces unités une intégration de certains de ses composants ce qui est possible) dont la base est le gaz , au ministère clef celui de l’Energie, il y aurait lieu de lui adjoindre celui des Ressources en eau tout en impulsant l’industrie pétrochimique mais en partenariat avec les firmes internationales qui contrôlent la commercialisation et ce au sein des avantages comparatifs mondiaux, ce segment avec la crise actuelle traversant une crise sans pareil,et ce pour des questions de rentabilité, le marché national étant limité , ministère stratégique avec trois secrétariat d’Etat dont un secrétariat chargé des hydrocarbures, un secrétariat d’Etat chargé de l’eau et le dernier chargé de l’électricité et des énergies renouvelables pour préparer l’après pétrole. Quant au ministère du Travail, logiquement il devrait intégrer celui de la Formation professionnelle, de l’Emploi et de la Solidarité nationale avec trois secrétariats d’Etat. Pour celui de la santé, il devrait inclure toutes les caisses de sécurité sociale. Devraient également être regroupés le ministère des Postes et des nouvelles technologies, de la Culture et celui de l’Information, pouvant exister un porte-parole au niveau du gouvernement pour l’information officielle avec deux secrétariats d’Etat. L’agriculture et la pêche formeraient un tout (avec deux secrétariats d’Etat) ainsi que les Transports, Travaux publics et l’Habitat (trois secrétariats d’Etat). Quant aux structures de la Jeunesse et des sports, celui de la Promotion de la condition féminine, de la protection de l’enfance, ils devront faire l’objet d’un traitement particulier. Il est entendu que l’organisation des ministères de la Défense , des Affaires Etrangères et de la Justice devraient rester tel quel durant cette phase transitoire. Les différentes agences chargées de l’investissement qui se télescopent et qui sont loin d’avoir répondus aux attentes des pouvoirs publics malgré de nombreux avantages accordés, (ANDI – emploi des jeunes etc.) devront être rattachés à un seul ministère pour plus de cohérence.
Concernant la privatisation/participation en panne , pilier des réformes, qui permettrait à la fois d’éviter un retour à l’organisation ministérielle des années 1970/1980 et serait un signe fort pour la communauté internationale et les investisseurs potentiels, qui actuellement se livrent à des actes marchands et des investissements non porteurs à moyen et long terme misant pour leur paiement sur l’importance des réserves de change, je propose de créer à l’instar des pays qui ont connu une réussite, évitant qu’un ministre soit juge et partie (délits d’initiés), une grande Agence des participations/privatisation relativement autonome, ayant une mission transitoire composée d’experts de haut niveaux, soit l’égide de la Présidence de la République.
La nouvelle constitution légalisant un régime présidentiel (il n’ y a plus de chef de gouvernement mais un premier ministre), il serait souhaitable outre de redynamiser les institutions de contrôles politiques (parlementaires) et techniques dont la Cour des comptes qui relève selon les textes en vigueur de la présidence car les effets de l’inspection générale des finances relevant d’un Ministère étant forcément limités. A cet effet, il y a lieu impérativement de prévoir la création de grands départements au niveau de la présidence de la république composés des meilleurs éléments, chargés de la conception et du suivi du programme présidentiel, les Ministres étant chargés d’exécuter. Et surtout avec l’effritement du système d’information, avec des données contradictoires d’un Ministère à un autre,( voir rapport du FMI de décembre 2007 transmis au gouvernement algérien sur l’incohérence des données algériennes) la priorité devant être donnée au département de la planification et de la prospective, ici aussi étant aberrant qu’il puisse relever d’un département ministériel , car les plus grands planificateurs sont les firmes internationales. Il est entendu que seront présents en Conseils des Ministres pour plus d’efficacité du les Ministres et non les secrétaires d’Etat en plus des responsables de départements concernés par les dossiers
III –POUR UNE CULTURE POLITIQUE PARTICIPATIVE COMME MOYEN DE MOBILISATION
Car nous avons deux options : soit satisfaire les appétits partisans par une redistribution passive de la rente avec la création de 30 ou 40 ministères sans efficacité réelle qui s’entrechoquent avec des confits de compétences, ou privilégier une bonne gouvernance et efficacité gouvernementale allant vers plus de rigueur budgétaire en ces moments de crise mondiale, de réformes, condition d’un développement durable. Ce dernier repose sur le travail et l’intelligence afin de redonner une lueur d’espoir, surtout à une jeunesse désabusée en conciliant l’efficacité économique et la justice sociale dans un univers dominé par la mondialisation où toute Nation qui n’avance pas recule. En effet, la condition de l’amélioration sociale passe par un retour à la croissance hors hydrocarbures qui restera tributaire, outre de l’élément fondamental de bonne gouvernance et de la revalorisation du savoir, d’un certain nombre de conditions : la réhabilitation de l’entreprise, la levée des contraintes d’investissement passant par la refonte urgente du système financier, fiscal, douanier, domanial (foncier) et une détermination plus grande par une vision plus cohérente de la réalisation du programme des réformes . Sur le plan sociopolitique déterminant, cela passe par une véritable décentralisation, la production d’une culture politique participative, une communication institutionnelle efficiente et l’élaboration d’un nouveau consensus social et politique (ce qui ne signifie aucunement unanimisme, signe de la décadence de toute société) permettant de dégager une majorité significative dans le corps social autour d’un véritable projet de société.
La réussite est avant tout non celle d’un homme seul (une seule main comme dit l’adage ne saurait applaudir fusse t-il le président de la République ), mais celle d’une équipe compétente soudée (de véritables managers sachant tant gérer qu’à l’écoute des populations) animée d’une profonde moralité avec une lettre de mission à exécuter dans les délais et des coûts internationaux les projets mis en œuvre. Car la situation actuelle montre clairement (sauf à ceux qui vont dans l’autosatisfaction déconnectés des réalités sociales), une très forte démobilisation populaire due à ces signes extérieurs de richesses souvent non justifiées, la détérioration du niveau et genre de vie de la majorité de la population malgré des réserves de change dépassant les 144 milliards de dollars US fin août 2009 dues à des facteurs exogènes, n’étant pas signe de développement , grâce en grande partie aux hydrocarbures. Et comme le démontre les moins de 2 % des exportations hors hydrocarbures entre 2006/2008, un taux de croissance relativement faible tiré essentiellement par les dépenses publiques en récession (plus de 5 % entre 2004/2005, 1,8 % en 2006¸ moins de 3 % en 2007 et inférieur à 4 % en 2008/ 2009 , non proportionnel aux dépenses monétaires, les 80% des segments hors hydrocarbures étant eux mêmes tirés par la dépense publique, le programme de soutien à la relance économique étant passé de 55 milliards de dollars en 2004, à 100 fin 2005, à 140 fin 2006 et allant vers 200 milliards de dollars fin 2009. Comme suite logique de la mauvaise gestion généralisée des tensions sociales, le taux de chômage officiel ne reflétant pas la réalité car nous assistons à la dominance des emplois rentes pour une paix sociale fictive.
IV – CONCLUSION ÉVITER LA VISION PÉRIMÉE
L’Algérie doit s’adapter aux enjeux de la mondialisation, l’espace euro méditerranéen et arabo-africain étant notre espace naturel, surtout que la crise mondiale actuelle préfigure d’un bouleversement géo stratégique et économique, Cette adaptation est inséparable d’un Etat de droit et de la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle, de l’économie de marché concurrentielle humanisée liant efficacité économique et cohésion sociale , loin de tout monopole, du respect du droit de l’homme, de la promotion de la condition féminine, l’Algérie qui ayant toutes les potentialités pour devenir un pays pivot, conditionné par plus de réformes maîtrisées grâce à l’Etat régulateur , pour une dynamisation de la production et exportations hors hydrocarbures . Car il est maintenant admis tant les observateurs internationaux et nationaux sérieux que le développement de l’Algérie est bloqué avec une concentration excessive du revenu au profit d’une minorité rentière , que l’on voile par des dépenses monétaires sans se préoccuper des impacts et de l’activisme. A vouloir perpétuer des comportements passés, l’on ne peut aboutir qu’à une vision périmée. Le risque de névrose collective et d’une déflagration sociale est justement là.
Docteur Abderrahmane MEBTOUL Professeur d’université en management stratégique
Le 23 septembre 2009, pour algerie-focus.com