Contribution. Ighil Boulkadi, un lieu de mémoire méprisé

Redaction

La proclamation du 1er novembre 1954 a été tapée par Laïchaoui, dans le  village d’Ighil Boulkadi, puis tirée à plus de cinq cents exemplaires sur une ronéo portative, au village d’Ighil Imoula. Mais qui connaît aujourd’hui le nom de ces hauts lieux historiques ?

Je cite un passage du remarquable ouvrage de Rabah Zamoum.

Quelques jours avant la fin du mois d’octobre, Ali Zamoum est appelé dans la région de Maatkas, au village d’Ighil Boulkadi. Sur place, il trouve Ouamrane qui lui remet deux feuillets dactylographiés, feuillets élaborés par les responsables du « CRUA », avec cette instruction ferme : « Rien ne doit filtrer avant le jour J ».  Le jour J est en effet, le 1er novembre 1954.

Aujourd’hui, les hommes de ces villages, qui ont payé de leur vie le lancement de la révolution algérienne, restent encore méconnus.  Des hommes, munis d’indigents fusils, ont transportés dans des cabas et des couffins, les tracts, dans toute l’Algérie, jusqu’au siège de l’O.N.U. Guettés par des balles en nombres plus meurtrières que les leurs, ils ont traversé les montagnes pour transmettre une parole de liberté. Leur vie était pliée sur des tracts, qu’ils dispersèrent dans le monde entier. Roger Wybot rappelle, ce jour même, au chef de cabinet de Mitterrand  alors ministre de l’intérieur, étonné des soulèvements en Algérie : « Je vous suggère de vous reporter à mon rapport de mars 1954. Tout ce qui arrive aujourd’hui y était annoncé, les chefs de la rébellion nommés, les effectifs, méthodes, intentions, plans analysés. »  On peut imaginer les représailles qui subirent les villageois après.

Un oubli s’est ouvert plus terrible qu’un gouffre lorsque, sur les routes de ces villages, sept gardiens du raccordement d’eau ont été tués en 2009, que des coupures régulières d’électricité, depuis déjà de nombreux mois, entraînent systématiquement la panne des appareils. Les nuits sans lumière de ce village sont sans doute, les signes de l’établissement définitif du règne de l’obscurantisme sur la guerre d’Algérie. Ces interruptions répétées sont-elles volontaires ? Malgré les pétitions,  le gouvernement algérien ne semble pas s’en inquiéter !

Ighil Boulkadi profondément révolutionnaire, dans sa mémoire, n’est plus qu’un village sans soins ni lumière.

 

Fadéla Hebbadj

 

Rabah Zamoum, SI Salah Mystère et Vérités, Casbah Editions.

Philippe Bernest, Roger Wybot et la bataille pour la D.S.T., Presses de la Cité, 1975.