Les 12è Rencontres cinématographiques de Béjaïa connaissent un très bon succès cette année. Le directeur de ce festival, Abdenour Hochiche, rencontré à la cinémathèque de Béjaïa, mardi soir, se dit très satisfait du déroulement de ces journées. Entretien.
Propos recueillis par Arezki IBERSIENE
On est déjà à la troisième journée des Rencontre cinématographique de Béjaïa. Quelle évaluation faites-vous du déroulement de ces journées ?
Quand je fais un bilan, même à mi-chemin, j’ai l’habitude de commencer par ce qui est négatif. Je dis ça, je balise et je passe à autres choses. Et le négatif, comme toujours, c’est l’aspect technique. Il y’a toujours des problèmes récurrents, et ça s’est du aux installations obsolètes au niveau de la cinémathèque. Ça c’est important, il faut le relever, le dire et le redire à chaque fois et faire en sorte que ça change et que ca évolue. Parce qu’il y’a un effort qui est fait, par une association et c’est dommage qu’il soit balayé d’un revers de main parce qu’il y’a des problèmes techniques. Ça c’est l’aspect qui nous laisse un peu sur notre faim pour ce troisième jour.
Sinon, pour le reste, les projections ont eu lieu. Trois soirées de suite nous avions fait salle comble. J’insiste sur le fait qu’on fasse des salles comble en soirée, parce que quand quelqu’un vient à 14h on peut supposer que c’est quelqu’un qui vient de passage et qui vient dans une salle. Mais quelqu’un qui vient à 20h c’est-à-dire que c’est quelqu’un qui est sorti de son travail, il est rentré chez lui, et qu’il en est sorti pour aller dans une salle de cinéma. C’est une pratique socioculturelle qu’il faudrait prendre en considération. Ça me fait vraiment plaisir de savoir que les gens, après des heures de travail, viennent dans une salle de cinéma. C’est un indicateur important pour les gens qui veulent travailler un peu sur la relève du secteur de la culture et de la fréquentation des lieux de culture. C’est possible, il faut juste faire du travail, communiquer et faire de la promotion.
Par ailleurs, je suis content qu’il y ait des réalisateurs qui accompagnent leurs films, et qui ne rechignent pas à rencontrer le public. Je suis aussi content que le public soit là, pour discuter des films, et je parle au nom de toute mon équipe. Je suis content qu’il y ait des rencontres le matin, au niveau de la cafétéria du théâtre, ou les gens continuent à discuter du cinéma. C’est-à-dire qu’on est entrain d’ancrer, petit à petit, malgré ces 12 ans, quelque chose dont nous avons rêvé et qu’on s’est fixé comme objectif ; à savoir créer une plateforme d’échange et de débats et de réflexion autour du cinéma, ici à Béjaïa et par ricochet en Algérie.
Dans toutes les villes du pays, les Algériens n’ont pas cette habitude d’aller au cinéma voir des films, le soir. Comment est-ce que vous avez réussi à faire sortir tout ce beau monde la nuit, pour voir des films ici à Béjaïa ?
Avant de mettre cette séance de soirée, on a longtemps réfléchi. Mais le problème c’est qu’on s’est aussi mis à réfléchir à la place des gens. Au début, on s’est dit, non, les gens ne peuvent pas venir à 20h, et puis, à un moment donné, on s’est rendu compte du ridicule de notre réflexion. C’est ridicule de penser à la place des gens. On s’est dit : « mettons des séances à 20h ». On l’a fait, et on a vu que les gens étaient là ! Au début c’était une présence timide, mais maintenant la salle est comble à 20h.
Il faut dire aussi que c’est une période estivale. Les gens peuvent encore sortir. Il fait un temps doux, la ville est petite et le soir il n’y a pas beaucoup de circulation. Il y a moins de problèmes de stationnement.
Les journées cinématographiques vont se poursuivre jusqu’à samedi. Un mot pour les cinéphiles de Béjaïa ?
Je leur dis que le premier sponsor des Rencontres est le public. Parce qu’on a tendance à parler d’argent, de moyens etc. Mais imaginons une manifestation qui a beaucoup d’argent, des milliards, mais on vient dans une salle, on la retrouve vide. Qu’est-ce que ça veut dire ? Pour nos Rencontres on a de petits moyens. C’est extraordinaire d’avoir 80 personnes dans la salle, à 14h, au moment ou les gens vont au travail, à l’école, il faut chaud, ils peuvent aller aussi à la plage. A 20h on n’a eu 300 personnes trois jours de suite et là, on se dit, voilà notre sponsor. C’est le public qui nous sponsorise. C’est le public qui nous dit, allez-y, nous somme derrière vous. Je dis merci à ce public, merci d’avoir cassé une certaine pensée qui veut que les gens ne consomment pas la culture et tous les clichés. Sans la présence de ce public, on serait rentré chez nous.