Les Algériens ont rendez-vous avec leur mémoire au Musée d’art moderne et contemporain d’Alger. A travers des centaines de photographies superbement exposées, de la vidéo et du son, l’exposition «Les Photographes de Guerre. Les Djounoud du Noir et Blanc» fait revivre depuis mardi soir l’histoire de la guerre d’indépendance algérienne.
200 photographies aux formats variés tapissent les murs blancs du MAMA. Ce bâtiment à l’architecture arabo-mauresque conçu par un architecte français, récupéré par les Algériens en 1962 puis transformé en musée en 2007, accueille depuis mardi une exposition qui retrace la guerre d’Indépendance en images. Les clichés répartis sur trois étages dépeignent le combat pour la libération nationale à travers l’œil de photographes Algériens et étrangers. De la vie quotidienne des soldats à la liesse de la libération, en passant par les manifestations et le massacre du 17 octobre 1961, plusieurs aspects de la guerre sont présentés au regard des visiteurs.
La place de l’esthétisme
De par son thème, cette exposition aurait presque pu se tenir au musée de l’Armée. Mais ici c’est la force esthétique des prises de vues qui est mise en avant. Lors de la présentation de l’événement au centre de presse d’El Moudjahid, le directeur du musée, Mohamed Djehiche, avait expliqué que les photos livrent un message visuel qui doit susciter de l’émotion et interpeller le spectateur. «Nous avons donc été amenés à choisir des photos qui répondaient plus à la typologie de notre musée, des choix parfois cruels car ce qui nous intéressait c’était le cadrage, la composition…», avait-il précisé.
Les 200 clichés exposés ont été choisis par Lyès Meziani, le commissaire de l’exposition, parmi plus de 1 000 photographies récupérées aux archives nationales, au CNDPI (Centre national de documentation de presse et d’information) ou envoyées par des particuliers. Une fois la sélection effectuée, le photographe professionnel Rafik Zaidi s’est chargé de la restauration et de l’impression des photographies pendant près de deux mois. Une opération de longue haleine car il fallait «dépoussiérer les clichés, rafistoler ce qui était abîmé ou déchiré, arranger l’image et les contrastes, puis enfin imprimer les photos sur du papier de bonne qualité».
Parmi les œuvres exposées, la majorité provient de la production de 15 photographes connus (huit Algériens et sept étrangers) et une cinquantaine sont anonymes. La ministre de la Culture, qui était présente au vernissage de l’exposition, a souligné l’importance de la diversité de l’origine des photographes. «C’est dire que la révolution algérienne était vraiment un combat universel qui a touché les gens», a estimé Khalida Toumi.
La petite histoire dans la grande Histoire
Les photographes algériens exposés étaient tous des combattants pour l’indépendance. L’un d’eux, Mohand Lounes Bensaoula, un ancien moudjahid, est venu mardi soir pour présenter ses 22 clichés disposés sur les murs du MAMA. Sa fille, Rachida Bensaoula, également présente nous raconte l’histoire de cet homme, ancien combattant pour la libération de son pays, qui est aujourd’hui âgé de 82 ans. Orphelin de père, il rejoint le maquis à 17 ans. De 1956 à 1962 il combat dans la Wilaya III, zone II et région 4. En pleine période de guerre, il photographiait ce qui l’entourait puis développait les clichés dans des conditions difficiles. « Encore aujourd’hui, il prend tout le temps des photos. Pour des événements importants ou pour rien du tout », confie sa fille en souriant.
Au cours de sa visite de l’exposition, la ministre de la Culture lui rend également hommage : «Il était tout en même temps, soldat et photographe, parce qu’il a compris que le combat était aussi par les médias, la photo étant un média. Il a compris que la photo, témoignait, parlait».
Une exposition multimedia
Contrairement à son titre, «Les Photographes de Guerre. Les Djounoud du Noir et Blanc», l’exposition ne se limite pas à la photographie. Elle fait également la part belle aux autres médias. Plusieurs films sont projetés, dont «Yasmina» qui selon Khalida Toumi a «vraiment marqué un tournant quand il a été projeté aux Nations-Unies». «Les représentants des Etats aux Nations Unies, n’étaient plus les mêmes après avoir vu le film», a-t-elle ajouté.
L’exposition rend aussi hommage à Aïssa Messaoudi, la voix de l’Algérie libre combattante, qui grâce à la radio a permis d’établir un lien entre le FLN, l’ALN et le peuple algérien. Dans un coin du musée, en face d’une photo de deux maquisards écoutant la radio devant laquelle trône un poste d’époque, les visiteurs peuvent écouter la dernière émission de cette voix de l’Algérie libre combattante qui a été diffusée le 3 juillet 1962 depuis Tunis. Par le son, par l’image ou par la vidéo, cette exposition est une façon de revivre l’histoire pour ne pas l’oublier.