Ce film mythique primé à la critique internationale de Cannes en 1972, sorti en DVD début 2003 revient sur les grands écrans, restauré.
« Avoir 20 ans dans les Aurès » édifice du cinéma engagé, est le premier film français à décrire sans artifices les aspects les plus cruels de la guerre d’Algérie. Longtemps interdit et censuré, le film de René Vautier avait néanmoins circulé dans les ciné-clubs lycéens ou lors de projections privées. En 1971, après une longue grève de la fin, le réalisateur obtient gain de cause et perçoit enfin le visa de diffusion.
« J’ai toujours considéré une caméra comme une arme de témoignage. Mais ce n’est pas une arme qui tue. Au contraire, ça peut être un instrument de paix. C’est pour cela que je me suis bagarré pendant cinquante ans pour qu’il y ait des dialogues d’images, et tous les films que j’ai faits, je considère que ce sont des dialogues d’images. Le réalisateur prend parti. Il s’engage d’un côté, mais il donne aussi la parole aux gens d’en face. » déclare René Vautier, dans un entretien pour le site web Alternative Libertaire, juin 2004.
On comprend très vite pourquoi. La véracité des scènes ont été prouvées par près de « 5 témoins » et les passages à tabacs, scènes de viol et tortures sont monnaies courante.
Poignante et incisive, cette fresque historique relate l’histoire d’un jeune commando d’une dizaine d’hommes, avec à sa tête un lieutenant (Philippe Léotard) aussi façonné par la guerre qu’insensible.
Ces instituteurs Bretons antimilitaristes, au demeurant pacifistes, cèdent peu à peu à la sauvagerie. La deuxième partie du film se concentre sur la fuite d’un des soldat qui prend sous son aile un prisonnier. Une échapée interminable dans un paysage désertique qui renvoit à une Apocalypse proche.
« Avoir 20 ans dans les Aurès » laisse un goût amer et s’inscrit dans une longue thématique revisitée par le réalisateur. L’Algérie lui doit notamment les rares images d’archives des maquisards du FLN. Emprisonné, il continuera son combat en 1962 avec la création du Centre Audiovisuel d’Alger dont le projet se résumait à ces quelques mots « vers le socialisme par le cinéma, en dehors de toute censure. L’utopie en marche. »
Myriama Mokdahi