La musique métal a été victime ces jours-ci d’une véritable campagne de dénigrement médiatique. La chaîne islamo-conservatrice El Bilad TV a diffusé un reportage tendant à faire croire au public que les métalleux sont des « adorateurs du Diable ». Une véritable polémique s’en est suivie et les réseaux sociaux se sont emparés de ce sujet pour démystifier les mensonges propagés par cette campagne médiatique haineuse. Pour les lecteurs d’Algérie-Focus, Redouane Aouameur, l’une des figures de proue de la musique métal algérienne revient sur les dessous de cette polémique et dévoile le véritable visage, si méconnu, de cette musique dans notre pays.
Propos recueillis par Abdou Semmar
Algérie Focus: Parlez-nous d’abord de vous et de votre carrière en tant que chanteur de métal ?
Redouane Aouameur: J’ai débuté en tant que bassiste avec le groupe Neanderthalia en 93, puis j’ai formé le groupe Litham avec deux autres membres de Neanderthalia en 1996. J’étais le bassiste vocaliste du groupe. En 2004, j’ai formé un autre groupe qui s’appelait Carnavage. En 2008, j’ai rejoint le groupe Devast en tant que vocaliste, et en 2010, je me suis mis à la guitare et au chant avec mon groupe actuel que j’ai formé et qui porte le nom de Lelahell.
La musique métal existe-elle en Algérie depuis longtemps ? Est-elle populaire ? Quel est son public ?
Le métal existe en Algérie depuis le début des Années 90, avec des groupes comme Rascass, Neanderthalia, Litham…, et a trouvé refuge dans les enceintes universitaires. Il était très populaire à la fin des années 90 et le début 2000. Il y avait même « Eldjamra » le clip de Litham, qui passait en prime-time à la télévision nationale, et des interviews qui faisaient la une des journaux. C’est vrai que ces dernières années, elle est devenue moins populaire, car il nous est très difficile de faire des concerts en Algérie, par manque d’infrastructures adéquates et surtout, un manque de considération de la part des organismes culturels étatiques qui ne voient plus d’intérêt à intégrer cette musique dans leur programmation.
Le public est varié. Autrefois, il était constitué en majorité de lycéens et d’étudiants, mais maintenant comme la plupart de ces fans ont grandi, on y trouve de tout !
Comment cette musique et ses fans sont considérés en Algérie ? Quels sont les préjugés dont vous êtes le plus victimes ?
Les métalleux en Algérie sont appelés les hardos. En général, ils sont considérés comme des drogués, des fous ou bien des marginaux! Mais ce n’est pas du tout le cas car la plupart des jeunes qui venaient à nos concerts, il y une vingtaine d’années, ou qui faisaient partie des groupes d’antan, sont maintenant des cadres ou des chefs d’entreprises !
Récemment, une chaîne de télévision, El Bilad TV en l’occurrence, a diffusé un reportage où elle vous réduits à des adorateurs du diable ! Quelle était votre réaction ? Qu’en avez-vous réellement pensé ?
Au début quand le teaser était diffusé sur le Net, on a contacté le directeur de la chaîne à maintes reprises. Au téléphone, il nous a dit qu’il n’avait pas encore vu le reportage et qu’il allait nous rappeler. Après on s’est aperçu que ce reportage était très amateur. Il tournait autours d’un jeune musicien d’un groupe de métal qui s’est fait piéger par la journaliste d’El Bilad TV. Malheureusement, le niveau de ce reportage était vraiment bas, car tout était mélangé : métal, satanisme, franc-maçonnerie, sionisme, sorcellerie ! Les auteurs de ce reportage télévisé n’ont même pas pris la peine de se documenter juste un peu pour connaitre le vrai contenu et l’origine de cette musique.
Comment comptez-vous riposter pour défendre vos valeurs et votre musique ?
On va tout simplement continuer à pratiquer cette musique comme on l’a toujours fait, sans tomber dans leur piège !
Qu’est-ce qui explique, d’après vous, les craintes et l’ignorance que suscite votre musique
En premier lieu, c’est tout une culture et un mouvement qui existe depuis plusieurs années et qui vient de l’Occident. En second lieu, le son puissant de cette musique est souvent incompris par le commun des mortels. Et enfin l’image «mystique» du métal génère, malheureusement, des préjugés