Entretien avec le producteur Bachir Derrais. « Ouvrons le champ audiovisuel »

Redaction

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Derrais Il n’y a pas de concurrence et c’est cette même concurrence qui va résoudre tous les problèmes, préconise-t-il dans l’entretien qui suit. Ecoutons-le.

Algerie-focus.com : quel regard portez-vous sur le cinéma Algérien ?

Bachir Derrais : Il n’y a pas de cinéma. Il y a des films par ci par là mais cela demeure le fruit de coproductions franco-algériennes. Il n’y pas de films Algériens à proprement parler car cela fait belle lurette que nous n’avons pas produit de films. Aujourd’hui, on ne peut pas réaliser des films algériens avec l’argent Algérien. L’argent qu’accorde actuellement le ministère de la culture ne suffit pas pour faire un film. Il n’y a aucune autre source de financement en dehors du Fdatic et de la télévision. A eux deux, ils ne suffisent pas pour faire un film car ils ne donnent pas assez d’argent. Les réalisateurs se retrouvent obligés d’aller chercher l’argent, ailleurs, en Europe notamment.

Les bailleurs de fonds européens dictent certains réaménagements aux réalisateurs, une certaine réorientation, pas vrai ?

Oui ! Pour certains qui manquent de personnalité mais ce n’est pas systématiquement le cas. Personnellement, je n’ai pas eu de problèmes de ce genre.

Alors dites-nous combien de films avez-vous coproduit avec les Européens ?

J’ai coproduit une dizaine de films avec des producteurs français et à aucun moment les producteurs avec qui je travaillais ne m’ont demandé à changer le scénario.

Combien, d’après-vous, d’argent faudra-t-on débourser pour réaliser un film 100% Algérien ?

Dix milliards de centimes. Le Fdatic et la télévision réunis donnent actuellement 2, 5 milliards de centimes. Si on n’a pas dix millions DA, on ne peut pas réaliser un film.

On dit qu’il n’y pas beaucoup d’idées…

Oui, oui ! Il n’y pas de bons scénarios. Et pour obtenir de bons scénarios, il faut disposer de beaucoup d’argent. Un bon scénario coûte, aujourd’hui, de cinq à cent milles euros. L’argent du Fdatic ne suffit même pas à financer le scénario. D’où le recours, pour certains gens, à l’écriture du scénario par eux même. Le scénariste est un métier à part entière, pourtant !

C’est-à-dire ?

Aux États-Unis, par exemple, il y a peu de réalisateurs qui écrivent des scénarios.

Donc, selon vos propos, un scénariste doit suivre une formation ?

Un scénariste, c’est du talent, il n’y a pas que la formation. Il y a de l’expérience, c’est un métier, la base même du film. En Algérie, on ne donne pas de moyens et les réalisateurs ne pouvant payer des scénaristes rédigent eux même leur scénarios et les scénarios sont malheureusement faibles.

Peut-on dire que nous avons de véritables scénaristes ?

Mais on n’est pas obligé de prendre des scénaristes d’ici car quand on a les moyens, on prend des étrangers qu’ils soient arabes, français, anglais et/ou italiens.

Mais pas Algériens ?

Le problème du scénariste est de régler la structure du film et c’est au réalisateur, ensuite, que revient la tache de filmer. Le problème ne réside pas dans la culture ou la langue mais bien plus dans l’écriture d’un bon scénario.

Le pays ne dispose donc pas de scénaristes du au manque de formation ou bien n’a-t-on pas su les détecter, les valoriser, et leur offrir l’opportunité de montrer leur savoir faire ?

Non ! On ne peut pas confirmer s’il n’existe pas du tout de scénaristes en Algérie. Il y en a certainement et je pourrais même avancer qu’ils n’ont pas montré leur travail. Ils ont le talent mais comme vous dites, il faut les détecter. Normalement dans tous les pays du monde, il y a de l’argent pour l’écriture sauf chez nous. Si tel en sera le cas, il y aura ceux qui vont émettre le souhait d’écrire des scénarios. Il faut dire aussi que le monde du cinéma en Algérie est un milieu fermé, de pistonnés. Il n’y a que les gens installés à Alger qui ont le droit de travailler. C’est pareil pour les acteurs qui ne travaillent pas s’ils ne résident pas dans la capitale.

Quelle est la solution, d’après vous ?

Il n’y a pas de solutions. La seule solution est celle qui consiste à ouvrir le champ audiovisuel au privé, de créer des chaînes de télévision. Il n’y a pas de concurrence et c’est cette concurrence qui va résoudre tous les problèmes.

Comment expliqueriez-vous votre réussite professionnelle malgré les difficultés ?

On galère, on galère mais on ne lâche pas. Tous les films que j’ai produits l’étaient dans la galère. Et on fait des choses de qualité. On met du temps pour faire des films trois à quatre ans en moyenne mais loin de toute médiocrité.

Entretien réalisé par Rabah DOUIK