La mort intellectuelle de Mohamed Arkoun

Redaction

Updated on:

L’une des figures emblématiques de la philosophie algérienne, Mohammed Arkoun, a disparue. On a souvent parlé de l’ostracisme dont il a été victime parmi la classe intellectuelle algérienne même si celle-ci n’a jamais été vraiment diserte sur cette question. On peut épiloguer sur le fait qu’elle n’a jamais été ouverte sur les débats sur la réforme de l’Islam, la quête vaine de l’humanisme et une doctrine qui est restée si chère a ce penseur et qui est caractéristique de toute sa philosophie : l’Islamologie appliquée

Mais à y réfléchir, on peut désormais apporter un éclairage sur le bien fondé scientifique et épistémologique de l’Islamologie appliquée comme discipline à part entière dans le corpus philosophico-sociologique moderne. La réponse qui en sera donnée, expliquera sans aucun doute, pourquoi les idées de ce penseur n’ont pas été accueillies favorablement dans le monde intellectuel musulman, y compris dans son pays natal. Le mérite d’une telle approche est de chercher des raisons objectives et légitimes qui soient sous-jacentes au rejet des idées professées par Arkoun et de ne pas ainsi se torturer l’esprit par des préjugés toujours culpabilisants, accablants et manichéens faisant des intellectuels et des théologiens musulmans des esprits conservateurs, farouches, sectaires et hostiles à la réforme intellectuelle de l’islamologie traditionnelle. Même si ces raisons n’ont pas été évoquées de manière explicite, elles peuvent néanmoins être agissantes sous le voile des passions et des motivations profondes.

Il convient, de prime abord, de rappeler que l’Islamologie appliquée prétend assurer une relecture anthropo-historique de la religion, y compris du Coran en intégrant les interrogations scientifiques les plus récentes de la connaissance sociologique, linguistique et dialectique. Elle appelle à une réflexion sur la religion révélée conformément aux exigences de l’intelligence contemporaine. Un texte particulier de Mohamed Arkoun attire l’attention. Il porte comme titre « Comment lire le Coran ?». Ce texte est intéressant parce qu’il contient les idées-forces de l’islamologie appliquée, des idées qui sont le résultat d’une influence profonde de la pensée occidentale : parler du Dieu révélé conformément aux exigences de l’intelligence contemporaine ; insérer le fait religieux dans l’épistémologie moderne ; soumettre le Coran à un examen critique s’inspirant des principes philosophiques, anthropologiques et sociologiques modernes, reconnaitre dans le Coran, le langage de la structure « mythique » En un mot, soumettre le texte coranique aux mêmes expériences théologico-philosophiques vécues difficilement par le christianisme.

Mais ce programme intellectuel est critiquable suivant plusieurs ordres :

Il y a, en premier lieu, l’ordre logique : Les sciences et philosophies modernes, y compris les sciences sociales, ont pour fondements logiques, la rationalité et le réalisme. Comme le dit Gaston Bachelard, tout homme, dans son effort de culture scientifique, s’appuie sur deux métaphysiques : le rationalisme et le réalisme. Dans toute théorie, hypothèse ou conjecture, c’est soit l’une, soit l’autre. Le rationalisme est un vieil héritage qui n’a cessé de s’affermir, même en évoluant, pour devenir un fondement inébranlable de la méthode scientifique, tandis que le réalisme puise sa force, dans la nécessité d’une adaptation de notre pensée au monde extérieur. Dès lors, toute tentative de greffer la culture scientifique moderne dans le corps du savoir sacrée renfermé dans la révélation et la tradition islamiques est vouée à l’échec dans la mesure où cette culture sacrée repose sur des fondements très différents que sont la croyance et la foi. Il est du moins intéressant de remarquer que ces deux piliers de la révélation islamique sont irréductibles à ces deux fondements de la culture scientifique occidentale. La rationalité est une condition essentielle à l’intelligibilité des phénomènes de nature physique, sociale ou culturelle. La civilisation occidentale n’a cessé de s’y accrocher et de s’y inspirer depuis Descartes. Elle est nécessaire à la structuration et à la mise en œuvre de la pensée objective. La foi est tout sauf objective. Elle est émotive, passionnelle, psychologique mais surtout mystique. On est bien conscients que se sont là, des définitions empruntées de la culture scientifique et philosophique occidentale, mais nous n’avons pas d’autres concepts que ceux-là pour définir la foi. On pourrait dire qu’elle est, de ce fait, irrationnelle.

Mutadis Mutandis, les croyances, surtout celles qui se déploient dans le contexte de la révélation coranique s’opposent au réalisme scientifique car elles ne visent nullement une adaptation au monde extérieur, peuplé de percepts et de phénomènes (Natura Rerum) comme nous l’enseigne l’aristotélisme. Elles dévoilent plutôt toute la plénitude de l’Invisible (Al ghaib) et de l’Autre vie (dâr alakhira) qui sont les véritables objets de la foi. L’Islamologie appliquée vise en vain à transformer ces objets de la foi en phénomènes scientifiques, sociologiques et psychologiques qui sont entendus comme des dérivés tardifs des phénomènes étudiés par la science de la nature (après tout, la sociologie et la psychologie ne sont que des réplications de la physique dans l’étude de la société, des comportements sociaux et de la psyché humaine en les transformant et en les matérialisant en objets scientifiques), ce qui explique son échec.

Convient-il de rappeler, dans ce sillage, que cette opposition d’ordre logique ne signifie pas que la révélation coranique n’ait pas de prise sur le réel. Mais ce réel n’est pas empirique, il n’est pas ce que vise la science. Il n’est plus étudié depuis le renoncement à l’Ijtihad et l’apparition de ce qu’on pourrait appeler la « culture scientifique de résignation » d’obédience rationaliste et européocentriste qui est parvenue à mettre entre parenthèses la Bible et l’Ancien Testament au nom de la suprématie de la science et du monde matérialiste crée par Newton et a tenté de rééditer l’expérience avec le Coran. Cette culture de résignation met dans l’embarras quiconque voudrait étudier les êtres et les phénomènes cités par la révélation coranique et la tradition islamique. Pour résister contre cette culture destructrice et stérile, les théologiens musulmans n’ont eu d’autre choix que de se replier et de s’isoler pour défendre l’authenticité de la foi et les derniers sanctuaires sacrés de la religion que sont le système éthique, le credo universaliste basé sur la communauté et le système de valeurs.

Autre fait important : c’est parce qu’ils ont adopté les expériences réussies de la technologie occidentale en les dépouillant des préjugés culturalistes occidentaux et en préservant leur culture religieuse et leur vision du monde, même si elles sont superstitieuses, inintelligibles pour la science moderne et anachroniques, que des pays comme la Chine, l’Inde et le Japon se sont lancés sur la fulgurante voie du développement et du progrès. Malheureusement, c’est le contraire qui s’est réalisé dans les pays musulmans ou les avatars les plus douteux, les plus ésotériques et les moins efficaces de la philosophie et de la culture occidentales ont fait des ravages dans les milieux intellectuels musulmans. Les efforts de Mohamed Arkoun s’inscrivent dans le même sillage.

Ceci nous amène à parler de l’ordre de scientificité : dans sa relecture des textes sacrés, Mohamed Arkoun se dit préoccupé par la mise en place d’une méthode qui puisse libérer notre horizon intellectuel des vieux présupposés théologiques et philosophiques. Pour ce faire, il emprunte la voie suivie par la philosophie moderne, celle de Marx, de Nietzsche et de Freud. Ces trois philosophes ont assuré, selon lui, l’avènement de l’esprit objectif et le dépassement de la « conscience fausse » et prétendent ajouter au doute sur les choses, connue depuis Descartes et l’apparition du rationalisme (dont nous avions déjà examiné succinctement les limites dans le contexte de la pensée islamique et de son fondement, la révélation), un doute sur la conscience. C’est grâce à cette dernière que Arkoun se livre à une critique de l’Islamologie traditionnelle. « Ils reprennent, chacun dans un registre différent, le problème du doute cartésien […] Après le doute sur la chose, nous sommes entrés dans le doute sur la conscience » disait-il.
Ce processus intellectuel se heurte inexorablement à plusieurs obstacles philosophiques : – la consécration du doute rationaliste cartésien sur les choses du monde physique n’est pas chose acquise et définitive pour qu’on puise bâtir, sur ses traces, une philosophie critique encore plus radicale ayant pour nouvel objet, la conscience. Les progrès scientifiques du XXe siècle ont consisté essentiellement en une remise en cause des principes cartésiens. La révision intellectuelle rendue possible grâce à la science moderne ne s’est pas limitée aux notions d’espace et de temps et à la physique de la matière et de l’énergie, elle a même bouleversé le cœur même de la raison : la logique.

Cette révolution n’a été rendue possible que grâce à une intellectualisation profonde de la connaissance, une intellectualisation presque mystique et non à un renoncement superficiel aux apparences de notre perception. Ce puissant élan de l’intelligence traduit une participation à l’être nouménal. Pour en avoir une idée claire, il suffit de rappeler la controverse entre les deux esprits les plus vastes que l’Occident ait produits au cours du siècle dernier. Afin de combattre la nature probabiliste du monde subatomique, Albert Einstein disait à Niels Bohr, le père de la mécanique quantique, « Dieu ne joue pas aux dés ». Ce dernier lui rétorque « ce n’est pas à vous de montrer à Dieu ce qu’il doit faire. »
Les difficultés intellectuelles engendrées par les concepts d’espace et de temps absolus ont amené Newton à insérer un chapitre spécial, le fameux General Scholium, à la fin de ses Principia. En voici des extraits : « Le Dieu suprême est un Être éternel et infini, omnipotent et omniscient ; sa durée va de l’éternité à l’éternité ; sa présence de l’infini à l’infini ; il gouverne toutes choses et connaît toutes choses qui sont ou peuvent être créées. Il n’est pas l’éternité ou l’infinité, mais il est éternel et infini ; il n’est pas la durée ou l’espace, mais il dure et il est présent ; il dure pour toujours et il est présent partout et, du fait qu’il existe toujours et partout, il constitue la durée et l’espace. Dieu ne subit rien du mouvement des corps, les corps n’éprouvent aucune résistance de la part de l’omniprésence de Dieu . »

Ce raccourci d’histoire scientifique nous rappelle que ce n’est pas par l’entremise d’une systématisation du doute cartésien que la connaissance a atteint l’horizon indépassable et sublime que nous admirons aujourd’hui, mais plutôt grâce à une interrogation profonde, presque énigmatique et à des convictions spirituelles solides. Cette réalité montre que la systématisation du doute cartésien n’aboutit à rien et voilà que Mohamed Arkoun l’utilise sans hésiter pour considérer que les exégèses traditionnelles appliquées au Coran n’ont fait qu’ériger une « conscience fausse » du vrai et du faux, de l’absolu et du relatif, du bien et du mal et pour reconnaitre dans le langage du Coran, un langage de structure mythique.

Tournons-nous maintenant vers cette notion d’esprit objectif. Marx, Nietzche et Freud qui ont inauguré la philosophie postmoderniste n’ont pas véritablement assuré l’avènement de l’esprit objectif. Ils ont simplement mis le feu dans la citadelle philosophique en faisant entrer l’Occident dans une crise philosophique, politique et psychologique profonde dont il n’est pas sorti vraiment victorieux. Après avoir assuré l’avènement de la raison dialectique appliquée au rôle de l’économie dans l’histoire, Marx a plongé les sociétés occidentales dans une lutte implacable des classes qui s’est soldée par des reversements apocalyptiques des rapports de force, ce qui a amené au pouvoir des régimes sanguinaires et dictatoriaux. Nietzche a introduit une sorte de réflexion métaphilosophique sur « l’au-delà du bien et du mal », sur « la volonté de puissance » et sur « l’antichristianisme ». Mais cette métaphilosophie a fourni des prétextes et une légitimité intellectuelle au mouvement Nazi et à l’athéisme radical, même si ces conséquences ont été produites de manière indirecte. Le Surhomme ou Übermensch de Nietzsche devait remplacer l’homme faible crée par la culture judéo-chrétienne et consacrer le triomphe de la seule chose créative et noble qui n’est plus pour Nietzsche, le bien ou le mal, mais la volonté de puissance.
Quant à Freud, il a révélé l’existence de ce vaste monde qu’est l’inconscient. Mais après avoir fourni une explication profonde des relations entre l’inconscient et le conscient, il a fini par verser dans une culpabilisation outrancière de l’homme en lui attribuant une pulsion de mort.

Cette évolution inquiétante a amené certains philosophes à qualifier ces exégèses interprétatives de l’économie, de l’éthique et de la psyché de pseudo-scientifiques, voire de non scientifiques. Karl Popper trace une ligne de démarcation nette entre les sciences et les pseudosciences en utilisant le critère de réfutabilité : ne sont scientifiques que les théories réfutables et « falsifiables ». L’inconscient, la volonté de puissance et la lutte des classes sont des concepts difficiles à réfuter. De ce fait, elles ne peuvent être scientifiques. La science ne vise pas un savoir certain et définitif, elle ne vise tout au plus que des conjectures qui ont suffisamment résisté aux tests de l’expérience. Il est vrai que ces trois « maîtres du soupçon radical » ont crée un hiatus entre l’idéal de scientificité et la philosophie occidentale.

Il faudrait donc s’interroger sur le bien fondé d’une relecture des textes sacrés de l’Islam sur la base de ces philosophies effrayantes de la « rupture » et du « soupçon » qui se sont déployées dans des contextes intellectuels spécifiques à l’Occident et qui sont étrangères et inapplicables à une critique de l’Islamologie traditionnelle.

L’ordre symbolique

Dans sa lecture linguistique du Coran, Mohamed Arkoun décèle une structure langagière symbolique. C’est le corollaire du langage mythique. «Il faut en finir avec la dérision du paradis d’Allah peuplé de houris lascives et où coulent les rivières de vin, de miel. La traduction aggrave ici les dangers d’une évocation qui recourt à des images concrètes. Celles-ci ne prennent toute leur force sus citatrices et leurs valeurs suggestives que si on les rattache aux structures de l’imagination poétique chez les bédouins. »
Aucun musulman n’est prêt à renoncer aux évocations du Paradis et de l’Enfer comme images concrètes et réalités physiques de l’au-delà sous le prétexte qu’il est simplement extasié par leur symbolisme. Par ailleurs, la linguistique symbolique à laquelle notre philosophe s’attache tend précisément à priver les concepts de la révélation de leur universalisme. Le recours à des notions approximatives comme l’imagination bédouine tend précisément à réduire la portée des idées universelles contenues dans le Coran par une contextualisation historique et une délimitation de l’horizon temporel.
Dans son étude de la structure mythico-symbolique de la révélation, Arkoun commet souvent une confusion entre le christianisme et l’Islam. Lorsqu’il parle du symbolisme de la conscience de faute, du symbolisme eschatologique et du symbolisme de la vie et de la mort, il reprend les lignes directrices de la philosophie théologique appliquée à la Bible. Après tout, le christianisme n’est que la synthèse entre le judaïsme, la philosophie grecque et la civilisation romaine, ce qui lui donne des caractéristiques épistémologiques propres faites de dialectique, d’analogie et de thèses et d’antithèses. Rien de tel dans l’Islam dont les axes thématiques sont la révélation et la tradition prophétique. Les influences aristotéliciennes de l’époque des Abbassides n’ont été que de courte durée et la réforme intellectuelle d’Al Ghazali leur a portée un coup fatal dès le haut Moyen Age.

L’ordre cosmogonique

La science depuis les Grecs a été préoccupée par la question de la création du monde. Depuis le Timée de Platon et l’idée du Cosmos jusqu’à la théorie du Big Bang, l’origine de l’univers et les lois qui gouvernent son évolution ont mobilisé toutes les forces créatives et pensantes de l’Occident. Mais cet important investissement intellectuel s’est démarqué de toute spiritualité et il s’est réduit à l’état présent à un technicisme difficile à cerner. Le mot Dieu n’apparait plus dans le jargon scientifique occidental se rapportant à la genèse du Monde, ce qui est problématique pour le croyant. Platon a évoqué dans le Timée à l’aube de la pensée humaine, le Dieu suprême qui après avoir formé dans un cratère un mélange du Même et de l’Autre (le permanent et le changent) en forme l’Ame du Monde, perdurante et mobile à la fois. Les deux cercles du Même et de l’Autre qui, par leurs révolutions circulaires, déterminent les mouvements du monde sublunaire. Cette évocation spirituelle rappelle qu’il est très difficile de parler de Création sans évoquer le Créateur, être suprême par excellence qui est à l’origine de tout ce qui vit et de toute vie.
Cet état de fait explique la facilité avec laquelle l’Islam a assimilé le platonisme. Ce dernier a connu durant le Moyen Age un succès inégalable en Occident comme en Orient parce qu’il associe sa cosmogonie et sa mécanique céleste à la théologie. Il montre aussi que la volonté de comprendre l’origine du Monde n’est pas irréductible avec la croyance que ce monde a été créé par Dieu.

Toutefois, le monothéisme ne repose pas uniquement sur cet axiome du Dieu-créateur. Il lui ajoute l’idée de la transcendance de Dieu, selon lequel le monde a été crée du néant et que Dieu est au-delà du monde. Le deuxième axiome énonce que toutes choses au monde ont été créée par Dieu dans un but utile. On peut mesurer toute la plénitude et le sens profond de cet axiome dans le verset 20 de la Sourate la Génisse « C’est Dieu qui vous a donné la terre pour lit et élevé la voûte des cieux pour abri; c’est lui qui fait descendre l’eau des cieux, qui par elle fait germer les fruits destinés à vous nourrir. Ne donnez donc point d’associés à Dieu. Vous le savez ».

Ces deux axiomes qui sont également consacrés dans l’Ancien Testament sont remis en cause par la science moderne de manière énigmatique et difficile à comprendre. Depuis Darwin et bien avant lui, la pensée scientifique occidentale considère que les êtres et les substances de la nature sont le résultat de l’évolution, une évolution aveugle dictée par les lois de la nature pour ce qui concerne la matière inanimée (étoiles, planètes, substances chimiques et physiques) et l’adaptation au milieu naturel pour les espères animales et végétales. Ce qui est encore plus symptomatique de la dé-spiritualisation de la science moderne, c’est la place de plus en plus importante prise par les notions de hasard et de probabilités dans les théories les plus élaborées sur l’origine et l’évolution de l’Univers. Le scientifique moderne ne peut pas et ne veut pas comprendre les axiomes de la religion révélée. Par conséquent, l’ordre cosmogonique sous-jacent à la science est irréductible sans être supérieur à l’ordre cosmogonique de la religion. Dans le Coran, les idées sur l’expansion de l’Univers et sur la matière diffuse de nature gazeuse qui s’est formée juste après le Big Bang (Sourate la fumée) sont bel et bien consacrées mais l’idée-force est la création divine de l’Univers du néant et non sa formation spontanée sans causalité. Cette dernière assertion est le verdict irrémédiable de la cosmogonie scientifique moderne.

Au-delà de l’islamologie appliquée et de la théologie critique, Mohamed Arkoun a professé la promotion de l’humanisme en Islam. Mais l’humanisme est profondément ancré dans la spécificité de la civilisation et l’histoire de l’Occident. L’héritage historique de la renaissance auquel il appartient contient également des choses monstrueuses : un regain d’intérêt pour la sorcellerie, la magie et les démonologies. Les succès de librairie de l’époque n’ont pas été les œuvres de Copernic et de Galilée mais les Démonologies de Porta et Cardan. Même les savants ont été contaminés par cette bacchanale ésotérique qui ne s’explique que par la destruction du théocentrisme et de l’aristotélisme qui ont policé, durant tout le Moyen Age, les sociétés européennes. Cette juxtaposition historique n’a pas été accidentelle : il y a quelque chose de commun entre l’ésotérisme et l’humanisme : une vision du monde où tout gravite autour de l’homme et rien que lui. Cette vision s’est perpétuée en Occident et elle est inapplicable à l’Islam.

H. Rafik