Lamia Safiedine dans « A corps et à cris »: « s’unir quelques soient nos langages corporels »

Redaction

Le spectacle « A corps et à cris », de la compagnie de la chorégraphe contemporaine libanaise Lamia Safiedine, clôturait l’avant-dernière soirée de la 6ème édition du Festival Culturel International de la Danse Contemporaine à Alger. Une création hybride de quatre danseurs venant d’horizons très différents : modern-jazz pour la Française Fanny Coulm, contemporain pour le Turc Utku Bal et hip-pop pour le Français Boubacolors. Interview croisée de ces quatre danseurs qui ont fait vibrer le Théâtre national d’Alger hier soir.

Algérie Focus : Depuis combien de temps préparez-vous ce spectacle et comment vous êtes vous rencontré ?

Lamia Safiedine : En réalité, on se connaît tous depuis longtemps ! Fanny était mon élève, Bouba et moi sommes prof dans la même académie et j’ai rencontré Utku l’année dernière. En fait ce spectacle existe depuis un moment mais je l’ai remis à jour avec les Révolutions arabes. Je pense que pour résoudre le problème du Monde Arabe, les révolutions ne suffisent pas si 90% de la population est hors de la culture. Et surtout les jeunes, car c’est eux qui commencent à faire des révolutions, ne serait-ce qu’à travers Facebook et après ils disparaissent. D’où l’importance de la culture et de d’y faire participer la jeunesse du Monde Arabe. « A corps et à cri » est un spectacle qui dure normalement 1h15, mais pour le festival on l’a réduit à une demi-heure. On a choisi des points pour garder la cohérence du spectacle.

A.F. : De quoi parle-t-il exactement, pourquoi le mélange de toutes ces danses ?  

L.S. : « A corps et à cri » est un spectacle autour d’une rencontre qui peut se passer dans une ville comme New York, Alger, Paris, dans le métro ou n’importe quel lieu public. Nous montrons qu’au départ on se croise mais sans s’écouter, on s’ignore, on est indifférent au corps de l’autre. Il faut qu’il y ait un problème, une guerre – une fois il y a eu une grève énorme à Paris et tout le monde s’est entraidé –  pour que notre humanité se réveille. Et c’est en liant les différentes danses qu’on a décidé d’exprimer cette idée. C’est avec toutes ces rencontres que l’on peut s’unir, quelque soient nos langages corporels, jazz, hip pop, contemporain arabe.

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Uktu Bal et Fanny Coulm s’entraînent avant le spectacle

A.F. : Est-ce que chacun de vous avait déjà travaillé avec des danseurs d’autres styles avant ce spectacle ?

L.S. : Oui, bien sûr, nous sommes tous les quatre des chorégraphes. Mon idée c’est que la danse est citoyenne du monde. On ne doit pas rester dans les recoins de nos petites nationalités, origines ou autre. Moi j’ai vécu en Afrique, au Brésil ; Uktu a vécu sur plusieurs continents ; Bouba a traversé les océans, même si c’est peut être le plus français de nous quatre ! La danse est interculturelle.

Bouba : Oui bien sûr, j’ai travaillé avec des compagnies de danse africaine, de danse orientale, de classique, etc. C’est important pour un danseur d’aller vers d’autres horizons. Aujourd’hui j’ai 40 ans et je danse encore !

A.F. : Dans quel pays avez-vous déjà jouer ce spectacle ?

Bouba : Il a déjà pas mal tourné, Maroc, Italie…

L.S. : En France, la programmation est plus dure à ce niveau là. Je me rends compte que dans les pays arabes et d’autres pays d’Afrique, on est plus facilement accueilli, parce qu’on propose un spectacle interculturel. Alors qu’en France, lorsqu’ils font des spectacles de « musique du monde », ils n’acceptent que de programmer des danses relatives à chaque pays l’une après l’autre, sans les mélanger. Par exemple, lorsqu’ils ont organisé un événement sur la Route de la Soie, ils voulaient des danses typiquement indiennes et n’ont  pas accepté mon spectacle indo-arabe.

A.F. : Lamia, c’est votre deuxième participation au Festival International de Danse Contemporaine d’Alger. Aviez-vous la même troupe quand vous êtes venues l’année dernière ?

L.S. : Non, c’était la même compagnie mais je suis venue en solo l’année dernière, avec un spectacle intitulé Lilith, sur la problématique de la femme. On peut dire que ce spectacle était aussi en rapport avec les Révolutions arabes. A travers le mythe biblique de Lilith, j’ai voulu montrer que toutes les femmes sont libres par nature, et que leur objectif est de retrouver cette liberté.

A.F : Uktu, Bouba et Fanny, aviez vous déjà danser en Algérie auparavant ? Si non, quels sont vos premières impressions depuis votre arrivée ?

Fanny : Non, je n’étais jamais venue.

Uktu : Je suis déjà venu en Algérie pour un défilé pour l’Ambassade de Turquie. C’est la deuxième fois que je viens. On a été très bien accueilli, et l’organisation du Festival est très professionnelle.

Bouba : Comme Fanny, c’est ma première fois en Algérie. Ça m’a fait vraiment plaisir quand j’ai appris qu’on allait danser ici parce que j’ai beaucoup voyagé mais jamais en Algérie ! Mes impressions ? Depuis notre descente de l’avion jusqu’à maintenant, on ne nous a pas quitté, l’accueil est très chaleureux, ça me touche beaucoup !

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Bouba en répétition sur la scène du TNA

A.F. : Bouba, cette première impression vous a donné envie de revenir en Algérie ?

Bouba : C’est drôle que vous posiez cette question, car en réalité, j’ai même un projet que j’aimerais monter en Algérie. Je donne des cours de hip pop à travers le monde entier, et je souhaiterais aussi pouvoir le faire en Algérie. Je cherche actuellement des contacts pour essayer de concrétiser cette envie. A bon entendeur !

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