La nouvelle vie de Lalla Bouna, la lumineuse qui veille sur Annaba

Redaction

Un voyage à Annaba ne serait rien sans dire bonjour à Lalla Bouna, la basilique de Saint Augustin, la doyenne des monuments historiques de la ville. Catholique dans un pays musulman certes, mais historique pour l’Algérie, et surtout pour Annaba.

« Saint Augustin ? Qu’est-ce que c’est ? Ah tu veux dire Lalla Bouna, ou la basilique ? » A Annaba, la basilique est connue et méconnue. Ce patrimoine pourtant étonnant détonne dans ce paysage sauvage qui accueille les visiteurs dès l’entrée d’Annaba. Sur les hauteurs de la ville se niche cet édifice construit dans les années 1880 et consacré le 29 mars 1900. La Basilique rongée par les siècles a été récemment rénovée pour offrir un nouvel habit à la belle dame de pierre, veillant sur la cité balnéaire, et ce samedi 19 octobre elle sera inaugurée après 6 années de travail. La basilique représente tout un patrimoine historique, religieux et architectural, dans lequel la rencontre entre l’Orient et l’Occident est mise en avant. Que sont devenus ces siècles de l’histoire algérienne gravée dans la pierre ?

Une basilique au carrefour de l’Orient et de l’Occident

Lalla Bouna est un lieu de culte et de curiosité à Annaba. Photo Collectif Makkouk
Lalla Bouna est un lieu de culte et de curiosité à Annaba. Photo Collectif Makkouk

Erigé sur la colline d’Hippone suite à la requête du cardinal Lavigerie, ce édifice qui abrite des reliques et le message de Saint Augustin sert de lieu de culte et de curiosité. Aurelius Augustinus, dit Saint Augustin, est une figure importante du catholicisme. Fils de Patricius et de la berbère Monique,  il est né à Taghaste, devenu aujourd’hui Souk Ahras, et a fondé le premier monastère d’Afrique. A l’image du métissage de Saint Augustin et de son parcours mêlant toutes les civilisations, la basilique a adopté un style byzantin. Les couleurs blanches et roses des murs de l’édifice et la belle lumière d’Annaba illuminent ce lieu de quiétude et de spiritualité. L’autel central baigne et resplendit de cette lumière presque divine. La lueur du soleil méditerranéen et la pureté des vitraux, représentant des scènes de la vie de Saint Augustin, instaurent une ambiance chaleureuse et douce, à l’image de la ville qui l’abrite.

Tous les vendredi matins, la messe est donnée pour la petite communauté catholique d’Annaba, composée essentiellement d’expatriés européens, ou d’étudiants subsahariens. Des catholiques qui prient le vendredi ? Cela peut paraître surprenant, non ? Pas nécessairement pour le Père Ambroise Tshibangu qui officie au sein de Lalla Bouna. « Êtes-vous déjà allé demander à Dieu quand est-ce qu’il donne ses audiences ? », plaisante-t-il. En réalité la Basilique a voulu s’adapter au rythme algérien, pour que les croyants chrétiens aient leur jour du seigneur au même moment que les autres. Le reste du temps ce sont les badauds qui la visitent. « Dès que quelqu’un me rend visite à Annaba, je l’emmène voir Lalla Bouna. Elle est importante pour la ville de Annaba », explique un visiteur rencontré sur le parvis du lieu de culte. Ils sont de plus en plus  nombreux à dire bonjour à leur belle basilique, et d’autant plus depuis la réalisation d’une nouvelle route, permettant d’y accéder. Toute sa lumière vue d’en bas attise la curiosité, et il arrive même que des personnes de confession musulmane souhaitent assister à la messe pour comprendre la pratique des catholiques d’Annaba. Des visites qui émeuvent le prêtre de la Basilique : « c’est merveilleux cette rencontre de deux cultures, de deux religions, qui se fait dans le respect absolu », estime-t-il.

Hippone n’a ressuscité que partiellement…

Dix années auront été nécessaires pour restaurer la Basilique d'Annaba. Photo Collectif Makkouk
Dix années auront été nécessaires pour restaurer la Basilique d’Annaba. Photo Collectif Makkouk

Mais de manière générale, « elle a toujours attiré beaucoup de monde, même avant sa rénovation », explique le Père Ambroise Tshibangu. « Mais une chose m’étonne, c’est que des personnes ayant vécu 50 ou 60 ans ici, viennent la visiter pour la première fois. Et d’un côté ça ne me surprend pas, lorsque je vois l’état des ruines romaines en bas de la Basilique », se désole-t-il. En effet, si la Basilique s’est embellie grâce à plusieurs mécènes, (les mêmes que ceux qui ont participé à la restauration de Notre Dame d’Afrique à Alger) à quelques mètres de là les « Vestiges d’Hippone », des ruines romaines datant du Ve siècle, sont presque laissés à l’abandon. Tout un amphithéâtre envahi par les mauvaises herbes  est devenu un foyer d’insécurité, où des jeunes Annabis squattent et font fuir les touristes. Le site n’est même pas classé au titre de patrimoine de la ville et aucune autorité n’entretient le lieu. La richesse de ce théâtre antique qui a survécu à des millénaires est devenue invisible, le savoir-faire de bâtisseurs de l’antiquité est devenu un tas de pierre qui sert de repaire à certains « hististes ».

La Basilique reste ainsi la rescapée des vies antérieures d’Annaba, Bône, ou Hippone. Malgré un niveau de vétusté avancé, elle est parvenue à renaître de ses cendres grâce à des travaux de restauration de grande envergure. Même s’il fallut 10 ans de négociations pour effectuer les travaux, rappelle le père qui officie à la Basilique.

La Basilique d'Annaba est inaugurée ce samedi 19 octobre. Photo Collectif Makkouk
La Basilique d’Annaba est inaugurée ce samedi 19 octobre. Photo Collectif Makkouk

Elle survit au temps qui passe et cette année elle fête son bicentenaire, à cette occasion elle s’offrira un nouvel orgue. Le géant de cuivre envoyé en France pour être également rénové, était la dernière étape de la mue de Lalla Bouna. Les notes du nouvel orgue ajouteront une nouvelle solennité pour célébrer la naissance d’un nouvel édifice.