Le monumental chanteur et poète kabyle, Slimane Azem, aura sa placette à Paris. C’est à l’initiative de l’association Ameslay, et la CBF, ainsi qu’à la mairie du 14em arrondissement que ce grand hommage, à la mémoire de Dda Slimane a été rendu possible.
L’événement aura lieu le 11 octobre prochain au 14ème arrondissement, près de la place de Catalogne, rue Vercingétorix, où sera baptisée la placette Slimane Azem. La décision de cette dénomination d’une place portant le nom de ce grand chanteur kabyle est venue suite à une délibération de la marie du 14éme. La proposition de l’association Ameslay est adoptée à l’unanimité par le conseil de cet arrondissement, tenu le 9 décembre 2013.
Ainsi donc, l’auteur de la tonitruante chanson « Algérie mon beau pays, je t’aimerai jusqu’à la mort » est célébré en France, alors qu’il subit un déni de mémoire qui ne dit pas son nom dans son propre pays, 31 ans après sa mort, survenue le 28 janvier 1983. Un déni qui ne l’a pas quitté depuis l’indépendance du pays, en 1962, lorsqu’il fut forcé à l’exile pour des raisons politiques.
L’association Ameslay, à l’origine de cette nomination d’une placette au nom de Slimane Azem, à Paris, compte faire de cette journée un vibrant hommage à ce grand artiste, le 11 octobre prochain au 14éme arrondissement de Paris. Beaucoup d’activités sont prévues à cette occasion. Le président de cette association créée en 2012, Zoubir Ghanem, contacté par algerie-focus.com, nous dira que ce projet s’inscrit dans un programme tracé par son association pour rendre hommage à plusieurs artistes. « Il s’agit d’un projet que nous avons appelé « Prenons place ». L’idée étant de dire que malgré les millions de berbères vivant en France et étant français pour la majorité d’entre eux, les espaces publics portent peu de nom de personnes issues de cette culture. Taos Amrouche a été la première à voir cela se concrétiser, Slimane Azem maintenant. Mais il y a encore beaucoup de personnes que nous aimerions proposer. Slimane Azem est une icône pour plusieurs générations, il est un rassembleur exceptionnel. C’est le plus grand poète kabyle du XXème siècle. Il a passé de nombreuses années de sa vie à Paris, c’est un juste retour des choses que la ville de Paris lui rende cet hommage », explique-t-il. Une page Facebook, dédiée spécialement cet événement est dores et déjà créée.
Un artiste hors normes, une vie d’exil.
Né le 19 septembre 1918 à Agouni Gueghrane, à Tizi Ouzou, Slimane Azem a rejoint la France en 1937. A Paris, il travaille comme aide électricien au métro en 1940. Une rude période de sa vie qui le marqua, et qui l’inspira dans l’une de ses chansons. Avec sa chanson « Agur » ou l’étoile, Slimane Azem chanta le drapeau national durant la guerre de libération nationale, une chanson qui a été interdite par les autorités coloniales, au même titre que «efferɣ ay ajradh tamurt-iw», laquelle lui a valu des poursuites judiciaires par la police française.
Il enregistra son premier disque chez la célèbre compagnie Pathé-Marconi en 1951. Le succès rencontré avec ce premier disque intitulé «A Muh a Muh» ne cessent de grandir au file du temps. A une époque où les tabous frappèrent la société kabyle, les chansons de Slimane Azem brisèrent l’interdit et s’écoutaient sans complexe dans les foyers. L’admiration et le respect que lui voue son public dépassent le poids des traditions. Slimane Azem, puisant ses chansons dans le riche patrimoine kabyle, fera parler des animaux dans ces fables pour distiller des messages politiques très critiques envers la dictature algérienne. Les thèmes de ses chansons reflètent aussi les dures conditions de vie de l’exil, mais aussi son amour pour son pays natal, l’Algérie.
Premier disque d’or algérien
Surnommé le « Brassens de Kabylie», Slimane Azem, est devenu la figure de proue de la chanson d’exil. Interdit d’antenne dans son pays d’origine, les milliers de fans de ce grand chanteur, l’écoutaient sur les ondes de Radio Paris dans sa tranche réservée à la culture kabyle. En 1970, et grâce à son succès grandissant, il fut le premier chanteur Algérien à obtenir un disque d’Or avec la célèbre chanteuse Nouara, ce qui ferait de lui l’un des chanteurs les plus écouté en hexagone. En Algérie, il est banni des médias officiels par le système dictatorial, notamment par la chaîne 2 (chaîne kabyle). Il a été, néanmoins, diffusé sur les ondes de la chaîne 3, à la faveur d’une émission du talentueux animateur Mohamed Ali Allalou dans les années 80.
Slimane Azem a rendu l’âme de la manière qu’il redoutait. Il est décédé dans son dur exil, un certain 28 janvier 1983, à Moissac, en France. La ville qui l’a adopté durant ses longues années d’exil forcé. Un exil qui l’a fait longtemps souffrir, loin de sa terre ancestrale qui l’a vue naître, et qu’il chérissait plus que tout. Une terre qu’il n’a jamais cessé de chanter, de son vivant, avec ses tripes.
Arezki IBERSIENE