Dinar Algérien en Baisse : L’Euro et le Dollar S’envolent sur le Marché Noir des Devises

Redaction

Dinar Algérien en Baisse : L'Euro et le Dollar S'envolent sur le Marché Noir des Devises

Le marché parallèle des devises en Algérie est un univers opaque, souvent imprévisible, où l’euro et le dollar jouent des rôles majeurs dans l’équilibre monétaire du pays. En dépit des tentatives des autorités algériennes pour contrôler ce phénomène, le marché noir continue de prospérer, influençant considérablement la valeur du dinar algérien (DZD). Au cours des dernières semaines, l’euro et le dollar ont connu une hausse importante, surprenant nombre d’observateurs après une période de relative stabilité. Un phénomène qui souligne à quel point ce marché est sensible non seulement à l’offre et à la demande, mais aussi aux spéculations des cambistes.

Le Retour de l’Euro : Une Hausse Surprenante

Une Relance Après une Période de Stabilité

Depuis le début de l’été 2024, l’euro, principale devise échangée sur le marché noir en Algérie, avait maintenu un taux relativement stable, oscillant entre 240 et 241 dinars algériens pour un euro. Une tendance qui semblait indiquer une forme de stabilisation dans un marché pourtant connu pour ses fluctuations erratiques. Pourtant, cette tranquillité apparente n’a pas duré.

Dès la fin du mois d’août, l’euro a recommencé à grimper. Alors que le 30 août 2024, la monnaie unique européenne s’échangeait à 242 dinars, son niveau atteint en février de la même année, elle a franchi une nouvelle étape le 8 septembre 2024 en atteignant 242,50 DZD pour un euro. Ce taux marque un retour à son record, témoignant d’une forte demande sur le marché parallèle. Ainsi, un montant de 100 euros équivaut désormais à 24.250 dinars algériens sur le marché noir, un chiffre qui pèse lourd dans le quotidien des Algériens.

Un Contexte Complexe : Spéculation et Demande Élevée

Mais pourquoi cette hausse soudaine après des mois de stabilité relative ? Plusieurs facteurs pourraient expliquer cette nouvelle dynamique. D’une part, la fin de la saison estivale, souvent synonyme de déplacements massifs de la diaspora algérienne et de touristes, contribue à une demande accrue de devises étrangères. Les algériens vivant à l’étranger profitent de la période estivale pour envoyer des euros à leurs familles ou pour changer leurs économies, alimentant ainsi le marché parallèle.

D’autre part, le marché noir des devises en Algérie est particulièrement sensible à la spéculation. Dans un contexte économique tendu, les cambistes parviennent à influencer les prix en jouant sur la perception de rareté des devises étrangères. Cela se traduit par des mouvements de hausse même lorsque les fondamentaux économiques ne justifient pas toujours une telle flambée.

Un cambiste anonyme, interrogé par Algerian Business, explique : « L’euro monte surtout parce que beaucoup de gens s’inquiètent de l’inflation en Algérie et préfèrent placer leur argent dans des devises plus stables. Avec l’incertitude économique, l’euro devient une valeur refuge. » Cette analyse, bien que succincte, met en lumière la fragilité du dinar face à des devises perçues comme plus sûres.

Le Dollar Américain : Une Légère Hausse qui Interroge

Un Renforcement Modéré mais Significatif

Parallèlement à la montée de l’euro, le dollar américain a également connu une légère hausse sur le marché noir algérien. Le 30 août 2024, un dollar s’échangeait contre 221,50 dinars algériens. Ce taux a légèrement augmenté pour atteindre 222 dinars le 8 septembre 2024, soit 22.200 DZD pour un billet de 100 dollars américains.

Bien que moins spectaculaire que la hausse de l’euro, cette progression reflète une tendance plus générale d’appréciation des devises étrangères face au dinar. Le dollar, traditionnellement moins utilisé que l’euro dans les transactions quotidiennes en Algérie, reste une monnaie prisée dans les échanges commerciaux internationaux, notamment pour l’achat de matières premières.

Les Raisons Derrière Cette Augmentation

Le rôle du dollar sur le marché parallèle est souvent sous-estimé, mais il joue un rôle central dans les transactions économiques internationales de l’Algérie. Avec l’économie mondiale toujours sous la menace de crises géopolitiques et de fluctuations des prix du pétrole, le dollar continue d’être une devise clé pour les importateurs algériens. La moindre variation du taux de change impacte directement le coût des marchandises importées, notamment celles en provenance des États-Unis ou dont les contrats sont libellés en dollars.

Un économiste basé à Alger, contacté par El Watan, souligne : « Le dollar est essentiel pour les importations en Algérie, particulièrement dans des secteurs comme les produits pharmaceutiques ou les technologies. La moindre variation à la hausse ou à la baisse a des répercussions sur l’ensemble de l’économie. » Cette observation est cruciale pour comprendre pourquoi même une légère hausse de cette devise peut avoir des conséquences importantes.

Un Marché Parallèle Impossible à Prédire

La Fin de l’Été et le Rebond des Devises

L’une des caractéristiques les plus frappantes du marché noir des devises en Algérie est son imprévisibilité. Si la demande pour l’euro et le dollar augmente généralement pendant les périodes de vacances, notamment en été, la fin de cette saison ne marque pas nécessairement une accalmie. En effet, la demande reste soutenue tout au long de l’année, portée par des facteurs variés allant de l’épargne personnelle à l’achat de biens importés.

Le marché parallèle, bien qu’influencé par l’offre et la demande classiques, reste également fortement affecté par la spéculation. Contrairement aux marchés officiels où les taux de change sont dictés par des facteurs économiques mesurables, le marché noir est une zone grise où les cambistes dictent souvent les prix en fonction de leurs propres analyses et intérêts. Ce phénomène explique en partie la difficulté de prédire avec précision l’évolution des devises sur ce marché.

La Banque d’Algérie en Déphasage avec le Marché Noir

Si l’euro et le dollar montent sur le marché parallèle, la Banque d’Algérie affiche des cotations bien différentes. Selon les données de la banque du 6 septembre 2024, l’euro s’échangeait à 146,76 dinars algériens à l’achat et 146,82 DZD à la vente, bien loin des chiffres observés sur le marché noir. De même, le dollar américain était coté à 132,33 DZD à l’achat et 132,34 DZD à la vente.

Ces écarts entre les cotations officielles et les taux pratiqués sur le marché noir reflètent la disjonction entre les réalités économiques officielles et celles vécues par les Algériens au quotidien. Pour ceux qui dépendent du marché noir pour acheter des devises, que ce soit pour voyager, étudier à l’étranger ou financer des transactions commerciales, ces écarts sont devenus la norme.

Un étudiant algérien, préparant son départ pour des études en France, raconte à Algerian Times : « J’ai besoin de devises pour payer mes frais de scolarité à l’étranger, mais au taux de la banque, il m’est impossible d’obtenir suffisamment d’euros. Le marché noir est donc la seule option, même si cela me coûte plus cher. »

Les Conséquences sur l’Économie Algérienne

Une Inflation Sous-Jacente

L’impact de la dépréciation du dinar face à l’euro et au dollar est tangible pour les Algériens. Une devise nationale plus faible rend les produits importés plus chers, ce qui se traduit par une inflation des biens de consommation courante. Les prix des produits alimentaires, des médicaments et des équipements technologiques, souvent importés, augmentent, impactant directement le pouvoir d’achat des ménages.

En outre, la fluctuation des devises sur le marché noir rend plus difficile pour les entreprises locales de planifier leurs achats à l’international. Chaque hausse de l’euro ou du dollar augmente les coûts d’importation, et ces hausses sont inévitablement répercutées sur les consommateurs.

Une Réforme Monétaire en Suspens

Face à cette situation, la question se pose : que peut faire le gouvernement algérien pour stabiliser le dinar et réduire la dépendance au marché noir des devises ? Une des solutions souvent évoquées est la réforme du système bancaire pour faciliter l’accès aux devises étrangères à des taux plus compétitifs. Toutefois, la mise en place de telles réformes se heurte à des obstacles bureaucratiques et politiques.

Les économistes appellent également à une meilleure gestion des réserves de change du pays et à la diversification de l’économie algérienne, qui dépend encore largement des exportations d’hydrocarbures. Sans ces réformes structurelles, la pression sur le dinar et la montée des devises étrangères sur le marché parallèle risquent de perdurer.

Conclusion : Une Économie Algérienne Entre Deux Feux

Le marché noir des devises continue de prospérer en Algérie, alimenté par la demande croissante en euros et dollars, et encouragé par l’incertitude économique ambiante. Pour de nombreux Algériens, il reste la seule option pour accéder aux devises étrangères, malgré les risques et les coûts élevés qu’il implique.

Tandis que l’euro et le dollar grimpent sur le marché parallèle, la Banque d’Algérie affiche des taux de change bien inférieurs, creusant encore davantage l’écart entre les réalités économiques officielles et la vie quotidienne des citoyens. Face à cette situation, des réformes profondes s’imposent, mais elles nécessitent une volonté politique forte et une vision claire de l’avenir économique du pays.

La montée en flèche de l’euro et du dollar est un signe d’une fragilité persistante, d’une dépendance accrue aux devises étrangères et d’un besoin urgent de solutions durables pour renforcer la position du dinar sur la scène internationale. Reste à savoir si le gouvernement algérien parviendra à trouver un équilibre entre régulation économique et soutien à une population qui peine à suivre ces fluctuations monétaires.

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