Amnesty International a présenté ce mercredi 25 février son bilan annuel de la situation des droits humains en Algérie et dans le monde. Pour l’ONG internationale, la situation en Algérie reste une « préoccupation sérieuse ».
Il y a eu, certes, quelques « avancées ». Notamment dans le domaine de la protection des droits de la femme où les autorités nationales se sont distinguées en 2014. Promesse électorale du Président Abdelaziz Bouteflika, candidat à sa propre succession en avril dernier, la loi sur la création du fonds de pension alimentaire pour les femmes divorcées ayant à la garde des enfants est officiellement entrée en vigueur janvier dernier. L’Etat algérien a réparé une autre injustice, en févier 2014 : les femmes violées par des terroristes au cours de la décennie noire sont désormais reconnues comme victimes du terrorisme et indemnisées, en vertu du décret exécutif publié le 4 février 2014 au Journal Officiel. « C’est la première fois que les autorités reconnaissent les violences sexuelles subies durant les années 1990 », a savouré Hassina Oussedik, directrice de Amnesty International (AI) Algérie, au cours de la présentation à la presse, ce mercredi 25 février au Sofitel d’Alger, du bilan annuel de la situation des droits humains en Algérie et dans le monde.
Interdit de manifester
Il n’en reste pas moins que la situation des droits humains en Algérie demeure une « préoccupation sérieuse ». Pas plus tard qu’hier, la marche pacifique anti-gaz de schiste, organisée par l’Instance de concertation et de suivi de l’opposition (ICSO), a été empêchée par les forces anti-émeute, déployées en grand nombre dans le centre d’Alger. Réunis pour l’occasion, les anciens Premiers ministres, Ali Benflis et Ahmed Benbitour, et les leaders des partis membres de la Coordination Nationale pour les Libertés et la Transition Démocratique (CNLTD), Mohcine Belabbas du RCD, Sofiane Djilalli de Jil Jadid, Mohamed Dhouibi d’Ennahda et Abderrazak Makri du MSP ont été encerclés, bousculés voire malmenés, pour certains d’entre eux, par les hommes du général Hamel, place Audin.
Une scène, étrangement familière, qui rappelle la répression des manifestations à Alger du mouvement citoyens Barakat, opposé au 4è mandat de Bouteflika, pendant la dernière élection présidentielle. Les protestants étaient arrêtés par les policiers, avant même d’avoir pu s’exprimer, puis relâchés quelques heures après. Une façon de bloquer le « débat contradictoire », essentiel en temps d’élection, estime la directrice d’Amnesty International Algérie. « Toute personne a le droit d’exprimer librement ses opinions c’est pourquoi nous demandons la levée de l’interdiction de rassemblement à Alger », a exigé Hassina Oussedik, au cours de la conférence, en référence au décret de 2001.
La liberté de réunion est entravée, de la même façon, dans le reste de l’Algérie. Le 20 avril dernier, alors que la Kabylie célébrait le 34è anniversaire du Printemps berbère, des policiers ont recouru à la violence à Tizi Ouzou, tirant même des balles en plastique. Atteint par ces projectiles, le jeune Lounis Aliouat a perdu un œil, rappelle Amnesty International dans son rapport. Plus récemment, les 8 militants de Laghouat, qui ont écopé d’une peine de 6 mois de prison ferme et 6 mois avec sursis, payent le lourd tribut d’avoir manifesté à l’extérieur du tribunal de justice en soutien avec leur ami, membre du collectif des chômeurs de Laghouat, arrêté, selon eux, de façon arbitraire. Ils observent depuis l’annonce de leur jugement une grève de la faim.
Paradoxe
Dans son rapport, Amnesty International épingle aussi les obstacles à la liberté d’association, dont l’ONG est elle-même victime en Algérie. Comme un grand nombre d’associations algériennes, le bureau algérien d’Amnesty International, qui a déposé un dossier de mise en conformité en janvier 2014, conformément au nouveau cadre légal, n’a toujours pas obtenu son agrément. « Jusqu’à aujourd’hui nous n’avons reçu aucune réponse concernant notre demande d’agrément malgré les courriers que nous avons envoyés au ministère de l’Intérieur », a expliqué Hassina Oussedik. Bien que « hors-la-loi », Amnesty International continue d’être tolérée et reçue par les dirigeants algériens. « Les autorités ne respectent pas elles-mêmes la loi qu’elles ont fait adopter. Nous n’avons pas encore d’agrément mais dans le même temps nous avons récemment été reçus au ministère de la Justice, où nous avons eu un échange fructueux », s’étonne la responsable de AI.
Persévérant, le bureau algérien d’Amnesty International ne compte pas relâcher ses efforts pour obtenir son agrément et œuvrer en toute légalité. Il conseille ainsi aux autres associations dans la même situation de « maintenir constamment la pression » sur les pouvoirs publics pour espérer améliorer leur situation et celle des droits humains dans le pays.