Par Hassan Haddouche
Même si l’annulation du projet de loi de finances complémentaire (LFC) pour 2013 provoque ces derniers jours des inquiétudes légitimes au sujet du bon fonctionnement des institutions gouvernementales, cette décision que le premier ministre vient de confirmer risque de s’avérer finalement une très bonne nouvelle pour la santé de nos finances publiques.
Ceci pour une raison très simple : la « routine » des lois de finances additionnelles a essentiellement servi au cours des dernières années à alimenter une véritable fièvre dépensière de l’Etat algérien.
On comprendra mieux le contexte dans lequel intervient cette décision si on se rappelle que les dépenses de fonctionnement de l’Etat sont en pleine explosion depuis plus de 6 ans. Entre 2007 et 2012, elles ont pratiquement été multipliée par 3 en passant de 22 à 65 milliards de dollars. Curieusement, alors que les lois de finances initiales adoptées en début d’année étaient en général assez « sages » sur le chapitre de la dépense, ce sont les lois de finances complémentaires qui ont souvent été l’instrument privilégié du dérapage financier de l’Etat.
L’exemple le plus typique et le plus récent dans ce domaine est celui de l’année 2011, où, dans le sillage des émeutes de janvier et dans le but de satisfaire les augmentations de salaires réclamées par les fonctionnaires, une LFC élaborée précipitamment a carrément augmenté de 600 milliards de dinars – plus de 8 milliards de dollars – les dépenses de fonctionnement prévues en début d’année.
Une pause des dépenses confirmée en 2013 ?
Pour la première fois depuis l’avènement de cette boulimie de dépenses, la loi de finance initiale pour 2013 avait tenté de ramener les dépenses courantes à un « niveau plus acceptable » notamment grâce à la fin des opérations du versement des rappels sur les salaires de la Fonction publique.
Il n’empêche que le parlement a encore approuvé pour 2013 des dépenses de fonctionnement de près de 60 milliards de dollars – environ 4400 milliards de dinars – qui prennent en charge notamment la création de plus 52.000 nouveaux postes dans la Fonction publique. Au printemps dernier Karim DJOUDI répétait encore :
Il faut qu’il y ait aujourd’hui une prise de conscience sur le fait que nous avons besoin d’une approche beaucoup plus prudente en matière de dépenses notamment celles de fonctionnement et surtout celles relatives aux salaires de la Fonction publique où nous avons atteint le plafond.
Malheureusement, quelques semaines plus tard, l’agitation sociale, notamment dans le sud du pays, commençait à inquiéter fortement les dirigeants algériens qui semblaient décidés à y répondre de façon classique, dans le cadre d’une LFC préparée à la veille de l’été, par une injection massive de dépenses publiques, notamment à travers la création annoncée de dizaines de milliers d’emplois de fonctionnaires. On parlait notamment de l’embauche de 10.000 policiers… Que serait-il alors resté de la baisse d’environ 10% des dépenses de fonctionnement pour l’ensemble de l’année en cours, comme annoncée vertueusement en début d’année par le ministre des finances ?
L’abandon du projet de LFC est donc une bonne nouvelle, qui pourrait n’être qu’un sursis puisque le premier ministre annonce, que toutes les mesures prévues au titre de la LFC 2013 seront finalement inscrites dans le projet de loi de finance pour 2014. Il est vrai que l’année prochaine sera marquée par une échéance politique capitale, qui risque de se révéler peu favorable à la mise en œuvre d’une politique budgétaire rigoureuse .
En attendant, voila pour une fois un retard qui est bon à prendre. Réjouissons-nous car 2013 devrait être le premier exercice budgétaire depuis longtemps (et peut être aussi avant longtemps ?) à ne pas enregistrer un nouveau dérapage du train de vie de l’Etat.