Corruption, pots de vin, évasion fiscale… Avec plus de 173 milliards de dollars de capitaux évaporés au cours des trente dernières années, l’Algérie est l’un des pires élèves du continent africain en matière de fuite des capitaux à l’étranger, indique un rapport publié le 29 mai par la Banque africaine de développement.
L’Algérie est un paradis pour tous ceux qui transfèrent de manière totalement illégale leurs capitaux, avance en substance un rapport conjointement écrit par la Banque africaine de développement (BAD) et l’ONG américaine Global Financial Integrity (GFI). Rendu public le 29 mai à l’occasion des assemblées annuelles de la BAD, qui ont eu lieu à Marrakech jusqu’à hier, ce document, baptisé « Les flux financiers illicites et le problème des transferts nets de ressources en provenance d’Afrique : 1980-2009 », classe l’Algérie parmi les cinq perdants du continent, aux côtés du Nigeria, de l’Afrique du Sud et de l’Egypte. Avec 5,7 milliards de transferts illicites par an, ce sont plus de 173 milliards de dollars qui sont sortis d’Algérie de façon frauduleuse au cours des trente dernières années, estime le rapport de la BAD.
Et le constat est tout aussi alarmant pour le reste de la région. L’Afrique du Nord a ainsi cumulé quelques 415 milliards de dollars de transferts illicites, soit 31% du volume total des fuites de capitaux en provenance d’Afrique, selon les données disponibles pour cette période. A l’échelle continentale, les flux financiers illicites et non enregistrés se sont effectivement élevés à presque 1 350 milliards de dollars entre 1980 et 2009.
Un frein au développement
Ce fléau gangrène l’économie du continent et menace jusqu’à son développement, indique le rapport de la BAD et du GFI. « La fuite des ressources hors de l’Afrique au cours des trente dernières années, quasi l’équivalent du PIB actuel de l’Afrique, freine le décollage du continent », a souligné Mthuli Ncube, économiste en chef et vice-président de la Banque africaine de Développement, en marge de la présentation du rapport.
Quelles parades ?
Soulignant l’hypocrisie des pays occidentaux qui prônent la transparence et reçoivent ces fonds illicites, les débatteurs, qui ont pris part à la discussion suivant la présentation du rapport de la BAD, ont recommandé un renforcement de la réglementation et de la transparence afin de restreindre l’absorption des flux financiers illicites. Parmi les solutions envisagées, ils ont aussi appelé à demander des comptes aux nouveaux milliardaires qui s’enrichissent dans les pays africains.
De leurs côtés, la BAD et le GFI préconisent de demander aux banques et aux paradis fiscaux de fournir régulièrement à la Banque des règlements internationaux (BRI) des informations détaillées sur les dépôts, l’échéance et le pays de résidence des détenteurs de comptes. La BRI doit être autorisée à diffuser largement ces informations bancaires transfrontalières auprès des pays d’origine et de destination concernés, conseillent la BAD et le GFI.
Pour les pays riches en ressources naturelles, comme l’Algérie, la BAD et le GFI incitent enfin à créer des fonds souverains bien générés et à adhérer à l’initiative Open Budget, à l’initiative africaine concertée sur la réforme budgétaire (Cabri) et à l’Initiative de transparence des industries extractives (ITIE).