Al-Jazeera se lance à la conquête des Etats-Unis

Redaction

Al Jazeera USA Qatar

Le groupe qatari Al-Jazeera lance ce mardi sa nouvelle chaîne d’information aux Etats-Unis, promettant de révolutionner le journalisme télé et de surmonter les réticences du public américain.

Un sacré défi. Qu’Al-Jazeera se promet de remporter grâce à un porte-monnaie bien garni, un agenda ambitieux et une brochette de reporters célèbres. La chaîne qatarie, qui vient de perdre son directeur, sera reçue dans un premier temps par 40 millions de foyers à travers le pays. Bien loin de la force de frappe des trois géants américains de l’information en continu que sont CNN, MSNBC et Fox News. Si elle prévoit de démarrer avec un taux d’audience relativement faible, Al-Jazeera America compte s’étendre davantage et frapper un grand coup.

Du direct et des reportages

Al-Jazeera America prévoit de diffuser chaque jour 14 heures de direct, des documentaires et débats, ainsi qu’à chaque heure pleine un bulletin sur les dernières nouvelles de la journée. La chaîne ne diffusera en outre pas plus de six minutes de publicité par heure, comparé à 15 minutes pour la plupart des autres chaînes.

Al-Jazeera America veut faire la différence sur la diffusion de reportages approfondis et long format, un aspect souvent négligé par les grands groupes télévisés comme l’explique à l’AFP Ehab Al Shihabi, directeur général par intérim d’Al-Jazeera America :

Nous savons que les Américains veulent une couverture en profondeur des sujets d’actualité qui comptent pour eux. Ils veulent plus de reportages impartiaux et moins de prises de position, c’est exactement ce que fait Al-Jazeera.

Le principal défi de la chaîne ne sera pas tant éditorial que marketing : il va lui falloir se refaire une virginité sur le sol américain.

Rassurer le public américain

Des experts soulignent que le groupe doit se préparer à une bataille difficile sur le terrain de l’audience. Le fait d’appartenir à la famille souveraine du Qatar est un handicap. L’histoire de la chaîne au Moyen-Orient en est un autre. Al-Jazeera est en effet connue pour avoir diffusé dans le passé des messages vidéo d’Al-Qaïda ou d’Oussama Ben Laden.

Aux Etats-Unis, certains conservateurs estiment que le groupe est encore aujourd’hui anti-Occident. Cliff Kincaid, directeur du lobby Accuracy in Media, accuse :

Al-Jazeera a déjà joué un rôle dans la radicalisation de musulmans à l’étranger en vue de transformer les Américains en cibles de terroristes.

Mais Ehab Al Shihabi veut croire que les Américains se détacheront de cette image une fois qu’ils auront visionné les programmes proposés :

Nous investissons actuellement massivement en publicités et en stratégie de marque (…) Je suis sûr qu’en peu de temps Al-Jazeera va devenir populaire.

Des stars de la télé US recrutés

Pour s’assurer de son succès, Al-Jazeera America n’a pas hésité à s’offrir des personnalités du journalisme télé. Chez CNN, elle a recruté Soledad O’Brien et Ali Velshi. Sheila MacVicar, ancienne ABC et CNN, rejoint aussi la chaîne. Au total, 850 personnes ont été embauchées pour travailler dans 12 bureaux à travers les Etats-Unis. Et 70 dans le monde. Ehab Al Shihabi s’en félicite :

Cela va permettre à Al Jazeera America d’avoir les meilleures sources d’informations. Nous aurons des reportages venant de partout dans le monde. Nous allons couvrir des zones que personne ne couvre ou qui ne sont pratiquement pas couvertes. Nous allons donner moins d’importance aux célébrités et aux politiciens. Nous allons nous concentrer sur le terrain au plus près du grand public. Nous nous devons de mettre en avant les voix de l’opinion et du consommateur.

Joie Chen, ex-journaliste de CNN et CBS, autre grand nom récupéré par Al-Jazeera, dit avoir été attirée par la chaîne pour « la qualité du travail accompli » :

Nous voulons raconter les histoires qui ne sont pas suffisamment couvertes, nous voulons parler aux communautés qui ne sont pas assez suivies.

L’ancien présentateur de NBC John Seigenthaler voit lui Al-Jazeera comme une chaîne fournissant « un peu plus de fond, un peu plus de perspective, un peu plus de contexte, bref ce que l’on recherche dans le journalisme ».

Le plus grand groupe mondial ?

Le quartier général d’Al-Jazeera America sera à New York. A Washington, Al-Jazeera récupérera les studios autrefois occupés par ABC, à quelques blocs de la Maison Blanche et du Congrès. Des équipes seront aussi postées à San Francisco et Los Angeles pour le programme consacré aux sciences et technologies.

David Shuster, journaliste embauché par les qataris autrefois présentateur sur MSNBC, dit y voir une « énorme opportunité » en raison des larges ressources dont dispose le groupe. A ses yeux, Al-Jazeera est en train de devenir le plus gros groupe de télévision au monde. David Doss, vice-président d’Al Jazeera America, préfère faire preuve de modestie :

C’est une gigantesque start-up et, comme toute start-up, nous allons nous heurter à des choses auxquelles nous n’avions pas pensé. Mais il y a des paris que nous avons pris qui vont être payants. Techniquement, nous aurons peut-être quelques obstacles. D’un point de vue éditorial, aussi. Mais je suis ici car la promesse de faire un excellent travail est exceptionnelle.

Après les Etats-Unis, Al-Jazeera rêve de se lancer en France. Le Qatar a déjà mis un pied dans le paysage audiovisuel français via ses chaînes Bein Sport.

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