Algérie-Chine/ Deux partenaires, un bénéficiaire

Redaction

Les Algériens sont-t ‘ils d’incorrigibles naïfs ? Ces derniers jours, les médias nationaux, emboîtant le pas à nos  responsables gouvernementaux, ne tarissent pas d’éloges sur la qualité des relations économiques entre notre pays et la patrie de Deng Xiao Ping. Une relation « de long terme » nous explique t’on et  basée sur des «  intérêts partagés ». J’ai même entendu ce matin sur une chaîne publique nationale un chroniqueur économique nous expliquer sans rire que la Chine avait « investi 10 milliards de dollars en Algérie » (vous avez déjà vu une usine chinoise en Algérie ?).

Des relations « excellentes ».

L’ « excellence » des relations entre notre pays et la Chine est encore confirmée cette semaine par les annonces faites par le ministre du commerce M.Belaid Bakhti qui déclare que l’Algérie pourrait faire une entorse à la sacro-sainte règle de l’interdiction de l’endettement extérieur au profit de nos « amis chinois ». Selon le ministre, « il s’agit d’une exception que compte faire l’Algérie vu les faibles taux d’intérêt appliqués par la Chine et la qualité des relations entre les deux pays. Les discussions sont actuellement en cours avec la partie chinoise », a ajouté M.Bakhti, sans préciser le montant que l’Algérie envisage d’emprunter. Son collègue de l’industrie, M.Bouchouareb, n’a pas voulu être en reste et il annonce également la conclusion prochaine d’un accord pour la réalisation d’une usine de montage automobile dans notre pays. A vrai dire, les relations économiques entre l’Algérie et la Chine sont en effet « excellentes », mais excellentes pour qui ?

La Chine premier fournisseur  de l’Algérie

C’est le patron du FCE, M. Haddad qui relevait en début de semaine que le volume des échanges commerciaux entre les deux pays est passé à plus de 10 milliards de dollars US en 2014, contre 6,9 milliards de dollars US en 2011, soit un accroissement de 47%. La Chine est le premier fournisseur de l’Algérie depuis 2013, renforçant ainsi sa part dans les importations globales de l’Algérie à 14% en 2014 (8 milliards de dollars de produits importés). Ces importations ont augmenté ces trois dernières années de plus de 73%. Le président de la Chambre algérienne de commerce et d’industrie, M.Benamor, note de son côté  que “la Chine exporte beaucoup en Algérie, mais en revanche, elle ne nous achète rien ou quasiment rien. Elle est loin d’être le premier investisseur malgré la présence de 790 entreprises chinoises en Algérie.

Des dizaines de milliards de dollars de contrats publics

La Chine ne fait pas seulement de bonnes affaires commerciales avec l’Algérie. Les entreprises chinoises sont  également depuis plus d’une décennie les premières bénéficiaires des gigantesques programmes d’investissements publics lancés par le gouvernement algérien. Depuis les autoroutes et les aéroports jusqu’aux programmes de logements publics  en passant par le chantier de la grande Mosquée, les entreprises chinoises ont quasiment tout raflé en ne laissant que des « miettes » aux  concurrents. Des contrats qui se chiffrent sur la décennie écoulée à plusieurs dizaines de milliards de dollars. Ils  ne constituent bien sûr pas, contrairement à ce que semble penser les « économistes en herbe » qui officient sur les chaînes de radio publiques, des « investissements » réalisés par les entreprises chinoises qui déménagent leur bases de vie et rapatrient  la main d’oeuvre dès que le chantier est terminé. Ajoutons que ces contrats qui ont eu  la faveur des autorités algériennes depuis plus de 10 ans ont en outre la particularité  d’utiliser le plus souvent une main d’œuvre exclusivement chinoise ce qui renseigne sur le « transfert de savoir faire » qui s’effectue à l’occasion de leur réalisation.

Une relation économique à sens unique

Les autorités algériennes, qui ont pris conscience tardivement du caractère à « sens unique » de la relation avec le partenaire chinois, ont commencé à le lui faire savoir. C’était notamment l’objectif non officiel de la visite effectuée en Chine au printemps dernier, par le premier ministre, M.Abdelmalek Sellal.  Ce n’est donc pas un hasard si le président du Conseil chinois pour la promotion de la coopération Sud-Sud, M. Lu Xinhua, était cette semaine  en visite en Algérie. La Chine, « forte de ses 4 000 milliards de dollars de réserves de changes, est prête à financer des projets d’investissement en Algérie », a déclaré M.Lu lors d’une rencontre entre hommes d’affaires chinois et algériens qui s’est tenue samedi dernier à Alger. “Il faut aller au-delà du simple commerce a plaidé à cette occasion  M.Ali Haddad, estimant que l’Algérie doit constituer “un tremplin stratégique et dynamique pour aller vers l’Afrique”.

Les fonds d’investissements chinois bientôt en Algérie ?

Beaucoup de bonnes intentions donc. Mais notons quand même que nos amis chinois savent ce qu’ils font et gardent les pieds sur terre. Les financements des fonds d’investissement chinois qui gèrent une partie des immenses réserves de change du pays sont conditionnés par l’attribution des marchés aux entreprises chinoises et aux services et fournitures de biens chinois pour les besoins du projet. Sans stratégie de partenariat du coté algérien, le recours à ce type de financement fait donc augmenter les importations et accroît  notre dépendance technique et financière, si ces projets ne sont pas mis à profit pour capitaliser le savoir-faire.

Merci pour le  somptueux Opéra d’Ouled Fayet.

Une dernière remarque en forme de remerciement. La popularité du partenaire chinois dans notre pays, comme d’ailleurs dans  beaucoup d’autres  pays africains, a été entretenu au cours des dernières années par la générosité affichée par les autorités de ce pays et ses grandes entreprises qui n’hésitent pas à faire des présents spectaculaires au pays d’accueil. C’est ainsi que l’Algérie a bénéficié de la réalisation « à titre gracieux » de la salle d’Opéra d’Ouled Fayet. Que nos amis chinois en soient vivement remerciés. Mais n’est ce pas précisément  un proverbe de leur pays qui dit en substance : « Si tu veux aider un ami , apprends lui à pêcher plutôt que de lui offrir du poisson » ?

Hassan Haddouche