Ce lundi 22 juin, la compagnie Alliance Assurances, première compagnie privée algérienne cotée en bourse, présentait à la presse ses résultats pour l’année 2013. L’occasion également de débattre sur les dysfonctionnements du marché financier algérien.
Bilan de 10 ans d’activités
Lundi matin, dans la salle de réception de l’hôtel Saint-Georges, le président directeur général d’Alliance Assurances, Hassen Khelifati, présentait publiquement les résultats de sa compagnie pour l’année 2013. Cette présentation publique est une obligation pour toutes les entreprises cotées en bourse, mais Mr. Khelifati a souligné que sa société était la seule à se plier à cette obligation. Il a également souligné que, bien qu’elles aient été invitées, les autorités de régulation financière n’étaient pas présentes pour cette troisième matinée d’information.
« Après dix ans d’existence, il est important de prendre du recul, de faire le bilan et de procéder à un assainissement, » a déclaré Mr. Khelifati. « On passe à Alliance Assurances version 2, » a-t-il ajouté, visiblement ravi de bons résultats de sa société.
De fait, les chiffres de l’activité pour l’année 2013 sont impressionnants. Et ce malgré la concurrence internationale et l’environnement complexe de l’économie algérienne. Le résultat net de la société s’élève à 367 millions de dinars, soit une croissance de 58%. Plus encore, le taux de croissance du chiffre d’affaires est plus élevé que le taux de croissance du secteur, ce qui signifie que la compagnie gagne des parts de marché. Alliance Assurances est aujourd’hui la deuxième entreprise algérienne d’assurances, avec 4,5% de parts de marché.
La compagnie cultive donc l’ambition de devenir l’assureur privilégié des Algériens. Pour cela, elle met en œuvre une stratégie de proximité et de qualité, et propose des campagnes de communication ciblées. Alliance Assurances s’est également adaptée au développement de la 3G. Elle propose désormais à ses clients de géolocaliser ses agences, et envisager de mettre en place la télé-déclaration pour les accidents et les sinistres. « La population est de plus en plus connectée, » a déclaré Khelifa, « et nous devons nous adapter à ce changement de la demande. En plus, c’est un formidable gain de temps pour l’Algérie ! »
Perspectives et défis pour l’avenir
Pas question pourtant de se reposer sur ses lauriers. Alliance Assurances est aujourd’hui confrontée à de nouveaux défis, notamment celui de la transformation du marché. Alors que le secteur des assurances était jusqu’à présent tiré par la croissance du marché de l’automobile, les ventes de véhicules se tassent. Les experts estiment que le marché va se stabiliser à hauteur de 200/250 000 véhicules vendus par an. Alliance Assurances doit donc trouver de nouvelles niches, et proposer de nouveaux produits et services.
Parmi les nouvelles niches disponibles, Alliance Assurances envisage d’investir le secteur de l’habitation. « On estime qu’en Algérie il y a seulement 200 à 300 000 logements assurés, sur un total d’environ 6 millions, » a expliqué Khelifati. La compagnie développe donc actuellement une offre pour l’habitation, disponible d’ici peu.
Alliance Assurances souhaite également développer ses relations avec chacun des trois publics qu’elle vise. Après avoir fait « le deuil du service public, interdit aux entreprises privées », la compagnie s’adresse, en effet, au secteur privé des PME/PMI, au secteur des professionnels et au secteur des particuliers.
« Nos actionnaires souffrent et nous souffrons avec. Mais c’est comme ça, c’est l’Algérie »
Mais toutes ces améliorations ne seront pas suffisantes sans des réformes structurelles. « Ce dont Alliance Assurances a besoin », a expliqué Khelifa, « ce sont des reformes structurelles, pour que le secteur des assurances soit plus dynamique et que l’on mette un terme à certaines pratiques qui lui font du mal ». « Si on ne fait pas ces réformes, on va le payer très cher dans quelques années, » a encore ajouté le PDG.
Le problème principal auquel est confronté Alliance Assurances aujourd’hui esst le fonctionnement de la Bourse d’Alger. En 2010, la compagnie était la première compagnie privée cotée en bourse. À l’époque, l’introduction en bourse était un choix considéré comme stratégique, a souligné Khelifa. « Nous voulions aussi contribuer à dynamiser le marché financier algérien », a-t-il ajouté. « Mais nous avons aujourd’hui tous les inconvénients de l’entrée en bourse, sans en avoir les avantages, » a déploré le PDG. « Nos actionnaires souffrent et nous souffrons avec, » a-t-il encore ajouté. « Nous avons le sentiment d’être pris en otages par un système de cotation infernal. »
La Bourse d’Alger, un système dysfonctionnel
Ce système de cotation, quel est-il ? Normalement, le cours en bourse d’une action reflète à tout moment la performance de l’entreprise cotée. Mais en Algérie, ça n’est pas le cas. Comme l’a souligné Khelifa, Alliance Assurances a une rentabilité de plus en plus élevée au fil des années, mais son cours en bourse s’est déprécié. Cela est dû au mécanisme de fixing adopté par la Bourse d’Alger, emprunté au système financier néerlandais. Le fixing est un système de cotation qui s’oppose à la cotation continue : les actions sont évaluées une à deux fois par jour, en fonction de l’offre et de la demande sur le marché. Or, selon Khelifa, « ce mécanisme n’est pas adapté à l’Algérie car il contribue à renforcer la dichotomie entre la rentabilité d’une entreprise et la valeur de son action ». Il a donc qualifié la situation actuelle d’anormale et de dangereuse.
Alliance Assurances réfléchit donc aux différentes options qui s’offrent à elle. « Nous commençons sérieusement à penser à d’autres options, pour nous en sortir, » a expliqué Khalifa, ajoutant que le retrait de la Bourse était « une option parmi d’autres ».
Mais le PDG semble encore prêt à se battre pour la construction d’un marché financier algérien. « Le plus important, c’est d’avancer, » a-t-il assuré, « parce qu’on pense que l’Algérie mérite d’avoir un marché financier efficace. » Il a ajouté que sa société avait « lancé une réflexion à ce sujet », mais qu’elle avait besoin du soutien des institutions pour progresser. « Il faut la volonté de tous les acteurs pour construire un marché financier, » a-t-il expliqué.
De fait, les autorités politiques et financières ne semblent pas véritablement impliquées dans la construction d’un marché financier fonctionnel et efficace. En particulier, les intermédiaires en opérations de bourse (IOB) ne jouent pas leur rôle et ne contrôlent donc pas les dysfonctionnements du marché. Khelifa a donc directement interpellé les autorités, les exhortant à exprimer clairement leur position. « Si la construction d’un marché financier n’est pas une priorité des autorités, c’est leur droit, mais il fait qu’elles nous le fassent savoir, » a-t-il déclaré.