Les promoteurs des entreprises créées dans le cadre des dispositifs aidés, Ansej, Angem et Cnac, de la wilaya de Tizi-Ouzou en situation d’échec accuse les pouvoirs publics d’en être responsable. Ils se sont constitués en collectif de wilaya réclamant des dispositions à même de donner un second souffle à leurs entreprises asphyxiées. Ils envisagent d’élargir leur mouvement à tout le territoire nationale.
Les bénéficiaires des dispositifs Ansej (Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes), Angem (Agence nationale de gestion du micro-crédit) et Cnac (Caisse nationale d’assurance chômage) de la wilaya de Tizi-Ouzou en situation de difficultés dénoncent « un harcèlement judiciaire sans précédent » et se disent « humiliés » par les autorités concernées, apprend-on de membres du collectif de wilaya les regroupant.
« A travers la wilaya, pas moins de 200 PV de saisie de matériels ont été adressés ces derniers mois à des bénéficiaires n’ayant pas honoré l’échéancier de remboursement des crédits contractés, ce qui a provoqué des maladies graves chez les destinataires à la réception du document. Il en est ainsi d’un cas à Tadmaït où l’entrepreneur en difficultés a été victime d’un AVC, tandis qu’un autre souffre depuis de diabète. Et la plupart des PV datent de six mois, ce qui est contraire à la loi car leur délai d’exécution est de quelques jours seulement. Le promoteur en difficultés se trouve ainsi harcelé et menacé en permanence, sans que l’on procède à la saisie du matériel, ni qu’il puisse rembourser sa dette. C’est déprimant!' », dénonce Karim Lembrouk, président du Collectif d’appui à la micro-entreprise (CAME), une association de wilaya regroupant lesdits bénéficiaires. M. Lembrouk souligne que ce nombre ne concerne que les promoteurs ayant approché l’association et que « plusieurs centaines d’autres sont dans le même cas ». Et de dénoncer l’instauration d’un « forfait annuel d’impôts s’élevant à six millions de centimes dont doivent désormais s’acquitter ces entreprises ». « Or, explique-t-il, le montant des impôts à payer était jusque-là calculé en fonction du chiffre d’affaires ».
« 9500 entreprises Ansej en situation de pré-contentieux. L’Etat responsable de l’échec »
Qualifiant ce « harcèlement » et ces procédures d’ « arbitraires », le président du CAME estime que la responsabilité de l’ « echec » de ces entreprises incombe aux « pouvoirs publics qui n’ont pas su instaurer un climat d’affaires adéquat et favorable à leur évolution ». « La bureaucratie et les pièces exigées dans le dossier de soumission aux marchés publics, telle ‘la qualification’, entre autres, anéantissent les chances de ces petites entreprises en voie de lancement de s’en voir attribuer », explique-t-il, avant de faire savoir que pour le seul dispositif Ansej, pas moins de 9500 entreprises sont en situation de « pré-contentieux » (échéance arrivée à terme sans que le prêt ne soit remboursé, NDLR), citant une « source sûre » au niveau de l’antenne de Tizi-Ouzou. Aziz Allal abonde dans le même sens, en affirmant que « le quota des marchés publics prévu par la loi au profit de ces entreprises n’est pas respecté dans les faits ».
« La baisse des recettes pétrolières à l’origine du harcèlement »
Nos interlocuteurs estiment donc que le timing de cette campagne d’ « harcèlements » et d’ « intimidations » qui s’abat sur les promoteurs en difficultés n’est pas innocent. Ils soupçonnent « une campagne orchestrée au plus haut sommet de l’Etat dans le sillage de la dégringolade des prix de pétrole, afin de faire face au manque à gagner dans le budget de l’Etat ».
Le CAME s’élargit
Ils ne comptent toutefois pas se laisser faire. Mieux, pour défendre leurs « droits » le collectif multiplient les rencontres ces jours-ci afin d’élargir leur mouvement à travers la wilaya. Fort déjà de ses 250 adhérents, le CAME a ainsi organisé, hier samedi, une assemblée générale dans la commune de Tizi-Gheniff afin de se structurer et de sensibiliser les entrepreneurs en difficultés de la région à la nécessité de s’unir et de lutter. Environ 200 promoteurs locaux y ont pris part, selon M. Allal.
Vers un collectif national
Le collectif ne compte pas s’arrêter là. Ses initiateurs envisagent même d’élargir leur mouvement à tout le territoire nationale autour de quelques revendications principales. Il s’agit notamment, d’après nos interlocuteurs, de « l’arrêt immédiat des poursuites judiciaires, la prolongation du délai de remboursement des crédits contractés, la facilitation de l’accès aux marchés publics et l’instauration d’un environnement de travail favorable au développement et à l’évolution de ces entreprises aidées ».
Quid de l’effacement des dettes?
Se dirige-t-on vers la revendication de l’effacement pur et simple des dettes contractées et accumulées par ces promoteurs? M.M. Allal et Lembrouk soulignent que, pour le moment, leurs doléances se limitent essentiellement à celles sus-citées. Le président du CAME n’écarte toutefois pas d’en faire la revendication, si les pouvoirs publics ne garantissent pas les conditions indispensables à la réussite de ces entreprises. D’autant, estime-t-il, que « l’Etat algérien a déjà eu recours à cette procédure ». « On a déjà effacé les dettes des fellahs, alors pourquoi pas nous? », rappelle-t-il, tout en nuançant qu’ « à priori, cette revendication n’est pas à l’ordre du jour ».