« Il reste à recouvrer environ 5000 milliards de dinars » d’impôts, a déclaré récemment le ministre des Relations avec le Parlement, Mahi Khelil. Lors de son passage sur les ondes de la chaîne 3 de la radio nationale, le ministre a mis l’accent sur « les arriérés des quatre dernières années ». Cependant, il n’a à aucun moment précisé en quoi consiste ce manque à gagner faramineux ni parlé d’évasion fiscale.
Or, pour l’économiste Belkacem Boukhrouf, il s’agit bel et bien d’évasion fiscale. L’expression d’arriérés fiscaux n’est, à ses yeux, qu’ « un habillage politique » qui cache mal « une défaillance de notre système fiscal ». « Techniquement, l’Etat algérien n’est pas prêt à assumer sa mission d’agent fiscal », analyse l’économiste, qui relève « un bouleversement de notre système de commerce international durant ces quatre dernières années provoqué par l’instauration du crédit documentaire et la mise en place du nouveau code d’investissement ». « Cela a contraint les entreprises à contourner les règles et a incité les agents économiques à recourir au ‘savoir détourner’ « , explique-t-il.
Au cours de son intervention, M. Khelil a insisté sur la nécessité de recouvrer ces 5000 milliards d’ « arriérés », soit environ 50 milliards de dollars, qui devraient permettre « de suppléer la diminution des prix du pétrole« . L’Etat peut-il donc atteindre cet objectif? « Je ne pense. En partie, peut-être, mais pas la totalité. Car, l’Etat ne dispose pas des moyens techniques et humains nécessaires. Cela dépend également de la volonté des acteurs économiques », tranche M. Boukhrouf. Et d’ajouter: « Pour ce faire, il faut qu’il y ait une volonté politique. Alors, la question qui se pose c’est de savoir si le pouvoir est prêt à bouleverser les équilibres au sommet de l’Etat en bousculant les lobbies économiques ».
Le gouvernement semble justement conscient des risques de déstabilisation du régime qu’il encourrait s’il osait s’attaquer à cet ordre établi. Preuve en est les déclarations du ministre des Relation avec le Parlement lors de la même émission radiophonique. Pour élargir l’assiette fiscale et permettre au Trésor public de recouvrer ses 5000 milliards de DA de créances fiscales, le ministre a, en effet, estimé qu’ « il faut des décisions courageuses » et qu’ « il faut aussi inciter les importateurs » à faire « une importation utile ». Pour l’économiste, « un tel niveau de déperdition fiscal signifie que notre économie est très vulnérable ». A ce rythme, « l’Etat, alerte M. Boukhrouf, ne sera même pas capable d’assumer ses fonctions régaliennes ».