La politique de désendettement accélérée mise en œuvre par les autorités algériennes depuis 2004 a eu pour conséquence une réduction sensible de la coopération avec les institution financières internationales.
Entre l’Algérie et la Banque mondiale, les relations sont quasiment au point mort depuis le milieu de la décennie écoulée. Sur le site internet de la Banque, au chapitre de la coopération avec l’Algérie, le même et unique projet encore actif s’affiche depuis des années. Il s’agit d’un accord portant sur l’amélioration du système national de statistiques agricoles conclu avec le ministère de l’agriculture en août 2009. Sinon, plus rien de signé depuis 2002 et les nombreux axes de coopération définis au début de la décennie écoulée qui ont notamment permis d’orienter et de préparer l’action du gouvernement dans les domaines sensibles des transports ou de la gestion des ressources en eau.
Une situation qui contraste vivement avec les pays voisins pour lesquels la coopération avec la Banque mondiale semble au contraire tourner à plein régime. C’est le cas au Maroc ou l’on dénombre pas moins de 14 projets en cours d’exécution sans compter la dizaine d’autres qui se sont achevés au cours des 2 dernières années. Les domaines de coopération sont multiples et couvrent un spectre qui va de l’énergie , avec le projet de centrale solaire de Ouarzazate ou un appui à l’Office National de l’Electricité, jusqu’à la réforme de l’administration publique en passant par l’éducation, la santé ,l’agriculture, la politique de développement de l’eau, les routes et la gestion des déchets urbains.
La Tunisie fait encore mieux avec plus d’une vingtaine de projets actifs et conclus rien que depuis 2009. Là aussi, les domaines de l’assistance technique concernent l’éducation, la santé , l’eau, l’énergie , la gestion des déchets ou encore le financement des PME et le développement des exportations. La révolution de jasmin n’a pas enrayé le processus mais a contribué à le réorienter vers une série de projets adoptés depuis 2011 et consacrés à la gouvernance , au financement des PME et à l’emploi des jeunes diplômés.
L’impact financier de cette coopération n’est pas négligeable puisque pour la Tunisie par exemple, il s’est traduit par des financements d’un montant cumulé proche de 1 milliard de dollars au cours des 5 dernières années, y compris un prêt de 500 millions de dollars dégagé en 2011, dans le sillage du changement de régime, pour financer des besoins budgétaires à court terme plutôt que des projets de développement.
Une application dogmatique de la politique de désendettement
La raison de l’interruption quasi complète de la coopération entre la Banque mondiale et l’Algérie tient à une raison très simple qui est la politique de désendettement tous azimuts adoptée par les autorités algériennes à partir de 2003- 2004. Mise en œuvre sans nuances, elle a provoqué une série de dégâts collatéraux au premier rang desquels figure la tarissement presque complet de la coopération avec les institutions financières internationales. La Banque mondiale n’est pas la seule concernée et des institutions comme la Banque Africaine de Développement ont également vu leurs activités se réduire et leurs représentations en Algérie réduites à leur plus simple expression. Seules les assistances techniques conclues dans le cadre du programme MEDA de l’Union européenne ont échappé à cette lame de fond en raison de l’absence d’endettement lié aux actions mises en œuvre.
Quelques spécialistes, en réalité assez peu nombreux, se sont émus au cours des dernières années des freins imposés à la coopération avec des institutions disposant d’un savoir-faire et d’une expérience considérable en soulignant notamment son caractère paradoxal dans un contexte ou, au cours de la décennie écoulée, l’Algérie mettait en œuvre des programmes d’investissements colossaux sans pouvoir toujours les accompagner de la maturation , des évaluations et des actions de suivi nécessaire. Certains d’entre eux n’hésitent pas à considérer, à l’image d’un banquier privé, que « les économies réalisées en désendettement auprès des institutions financières internationales ont sans doutes été payées cash en frais d’étude facturés par des partenaires privés dans le cadre des contrats d’équipement réalisés au cours de la dernière décennie ».
Un nouveau cadre de partenariat
C’est sans doute ce qui a poussé, dans la période la plus récente, le gouvernement algérien a réfléchir à des moyens de débloquer la situation. Sous la supervision du ministère des finances, une équipe algérienne constituée de représentants des secteurs ayant marqué le besoin de recourir à l’expertise de la BM a été constitué « dans le respect des priorités affichées dans le programme de développement du Gouvernement ». Cette nouvelle démarche a débouché sur la mise en place d’un cadre de partenariat stratégique (CPS) entre l’Algérie et la Banque mondiale pour la période 2011-2014. Ce programme, qui se distingue des « formes classiques auxquelles l’Algérie recourait dans le passé » en tant qu’emprunteur auprès de la BM, permettra au pays d’inaugurer « une nouvelle forme de coopération » avec une institution qui fournira, à travers ses experts « des appuis techniques, sur la base d’une expérience avérée dans les domaines d’appui sollicités.»
Dans le but de contourner l’obstacle constitué par l’interdiction de l’endettement, le programme sera « financé entièrement par les ressources budgétaires nationales à travers un instrument novateur qui est l’Assistance Technique Remboursable (ATR) ».
Cet instrument « innové conjointement avec la BM, répond aux exigences de l’Algérie qui a opté pour une gestion prudente de sa dette et ne recourt plus aux financements extérieurs, conformément à la politique de désendettement adoptée depuis 2004 » précise le ministère des finances.
Des objectifs ambitieux
Sans doute pour rattraper le temps perdu, le nouveau cadre de partenariat annoncé par les autorités algériennes est extrêmement vaste. Il s’appuie sur trois domaines d’intervention principaux dont le premier porte sur le renforcement de la croissance par la diversification de l’économie, y compris la modernisation du secteur financier, la mise en œuvre des stratégies de développement agricole et rural, l’amélioration du climat de l’investissement, en particulier pour les PME et l’accompagnement et le développement du secteur des télécommunications.
Le deuxième volet concerne la promotion d’un développement durable et la réduction des disparités territoriales par le biais d’une assistance technique appuyant la mise en œuvre d’initiatives de protection environnementale, ainsi que l’appui technique à des initiatives gouvernementales visant à réduire les disparités territoriales.
Le troisième domaine d’intervention vise enfin rien moins que , le renforcement des institutions de planification économique, de suivi et d’évaluation en fournissant notamment un appui technique aux institutions gouvernementales des différents secteurs pour renforcer leurs capacités de planification, suivi et évaluation ainsi que leur capacité statistique et leur savoir-faire en termes d’évaluation de l’impact des programmes publics.
Hassan HADDOUCHE