Après avoir été le crédo du gouvernement pendant près de 3 ans entre 2008 et 2010, la politique d’endiguement des importations a cédé la place brutalement à une nouvelle flambée des achats de l’Algérie à l’extérieur depuis février 2011. L’emballement des importations, véhicules en tête, semble cependant commencer à inquiéter sérieusement les pouvoirs publics.
Au mois de mars dernier, la Banque d’Algérie avait déjà souligné le record historique de 48 milliards de dollars établi par les importations algériennes en 2012, en hausse de plus de 8 %, et tirée par des importations de véhicules en pleine explosion. On pensait dans les milieux spécialisés, on espérait dans les milieux gouvernementaux, que la tendance allait se calmer en 2013. Et bien pas du tout …c’est même tout le contraire qui s’est produit depuis le début de l’année. Les statistiques des douanes, qui sont encore toutes chaudes, indiquent que les importations ont encore augmenté au rythme considérable de 19% au cours de 3 premiers mois de l’année en cours. Avec près de 13 milliards de produits importés rien qu’au premier trimestre, L’Algérie est en route vers une facture d’importation qui va crever largement le plafond des 50 milliards de dollars en 2013. Principales responsables de cette situation ? Toujours des importations de véhicules qui volent de records en records et sont en augmentation de 41% au premier trimestre. Plus de 150 000 véhicules importés en 3 mois pour une facture de 2 milliards de dollars !
Un scénario catastrophe
Pour le gouvernement algérien, la baisse sensible des excédents financiers procurés par la rente pétrolière qui vient d’être relevé au titre de l’année 2012 par la Banque d’Algérie avaient été un premier signal d’alerte.
Les résultats du commerce extérieur au premier trimestre 2013 indiquent en outre, que cette tendance est en train de s’amplifier et pourrait se traduire par la disparition pure et simple de ces excédents financiers dès la fin de l’année en cours.
Les évolutions récentes de notre commerce extérieur donnent ainsi de plus en plus de crédit aux scenarii d’avenir les plus sombres évoqués par nombre d’experts nationaux. Au premier rang d’entre eux ,et pour ne citer que cet exemple, le think tank Nabni prévoyait dans un rapport publié au début de l’année 2013 que « les réserves de change de l’Algérie (près de $190 milliards fin 2012) commenceront à baisser à partir de 2016 quand la croissance non contenue des importations et la baisse des exportations d’hydrocarbures nous mèneront à des déficits commerciaux structurels. Ces réserves de change risquent de s’épuiser autour de 2024, ce qui nous obligera à nous endetter pour financer nos déficits commerciaux ». Pour Nabni, si les importations continuent à croître cette tendance nous ramènerait à des niveaux de dette extérieure comparables à ceux atteints au début des années 1990 et qui nous ont forcés à l’époque à entreprendre des ajustements très douloureux sur le plan social. Sans un hypothétique renouveau de notre potentiel d’exportation d’hydrocarbures, cette perspective peu réjouissante est malheureusement probable si rien n’est fait. Une alternative à l’explosion de l’endettement extérieur serait alors une baisse drastique des dépenses de l’Etat, un plan d’austérité coûteux, une dévaluation du dinar pour juguler les importations, et une baisse brutale des subventions énergétiques. Ce scénario désastreux pourrait survenir dès le milieu des années 2020 .
L’allocation touristique , première victime collatérale
C’est probablement la prise de conscience toute récente de cette menace par le gouvernement algérien qui pourrait être à l’origine d’un virage économique important marqué par le retours à une plus grande rigueur financière. L’augmentation prévue de l’allocation touristique, une mesure dont le coût annuel est estimée à environ 2 milliards de dollars, a été sans doute la première victime collatérale de ce nouveau contexte financier et psychologique au sein de l’exécutif algérien. Karim Djoudi vient d’annoncer qu’elle n’est plus à l’ordre du jour… Cette première mesure pourrait n’être que le signe avant coureur de beaucoup d’autres, en matière de contrôle du commerce extérieur notamment.
Le virage évoqué et souhaité par de nombreux économistes et responsables algériens reste cependant fortement tributaire du contexte politique. L’éloignement de la perspective d’un nouveau mandat du Président Bouteflika en 2014 pourrait ne pas être étranger à la remise en cause des largesses financières généralement associées à cette échéance politique. A contrario l’hypothèse d’un nouveau mandat d’un Président « flambeur » au style et aux convictions populistes très en phase avec l’euphorie provoquée au sein d’une grande partie de la population algérienne par près de 15 années de croissance des recettes pétrolières ne fera que nous rapprocher des échéances les plus sombres.