Décryptage/ Industrie auto :  Mourad Oulmi (Sovac) critique les entreprises « qui ne respectent pas la loi » sur l’actionnariat.

Redaction

Le PDG de la SOVAC dénonce

 

Dans son intervention de ce matin , mardi 13 juin sur les ondes de la chaine 3 de la radio nationale, le PDG de SOVAC production Algérie, M. Mourad Oulmi a clairement tenu à faire une distinction entre ce qu’il appelle les « projets sérieux » dans le domaine du montage automobile et ceux qui, selon lui, ne le sont pas. On pense immédiatement à l’usine Tahkout de Tiaret.

Parmi les projets sérieux, Mourad Oulmi a mentionné explicitement le partenariat entre Renault et SNVI ainsi que celui entre le MDN et Daimler-Benz, sans oublier bien sûr celui que pilote Sovac en association avec le groupe Volkswagen. Les « autres projets » qu’il a évoqués sans citer de noms précis, ne présentent pas selon lui les mêmes garanties de sérieux.

Pour preuve Mourad Oulmi, toujours sans citer explicitement l’usine Tahkout, a tenu à relever que « certains projets » ne respectent pas les dispositions de la loi qui prévoit clairement que « le nouveau partenariat industriel est subordonné à une prise de participation du constructeur dans le capital social de la société de projet ». Ce qui est le cas des projets « sérieux » mentionnés par Mourad Oulmi mais pas pour l’instant de la Tahkout Manufacturing Company de Tiaret .

L’actionnariat : une question pas très transparente …..

Le développement d’une industrie de montage automobile dans notre pays renvoie à un enjeu relativement méconnu et encore peu médiatisé : celui de la nature de l’actionnariat des nouvelles entreprises créées au cours des dernières années et donc de l’identité exacte de leurs propriétaires. Une question pas forcement très transparente….

En Algérie, de nombreux partenariats, de nature en réalité assez diverse, ont été conclus ou sont encore en cours de négociation dans le but d’installer des usines de montage automobile.

Les débats médiatiques très animés des derniers mois se sont focalisés essentiellement sur la question du caractère « industriel » ou non des usines de montage déjà installées ou programmées à travers le prisme de leur « taux d’intégration ».

Une autre facette du processus en cours d’industrialisation de la filière automobile dans notre pays est resté relativement dans l’ombre et n’a pas pour l’instant donné lieu aux mêmes questionnements. Il s’agit du problème de la nature de l’actionnariat des entreprises nouvellement créées dans le secteur.

Le cahier des charges, qui fixe les conditions établies dans ce domaine par le ministère de l’Industrie vient de fêter son premier anniversaire. Il date d’avril 2016 et prévoit que le protocole d’accord ou l’accord de partenariat, doit préciser « le processus de maturation du projet, son planning ainsi que le rôle de chaque partie ». Il stipule également que «la production ou le montage de véhicules particuliers, dans le cadre d’un nouveau partenariat industriel est subordonné à une prise de participation du constructeur dans le capital social de la société de projet.

Renault ouvre une brèche

Le premier partenariat conclu en Algérie dans le domaine de l’industrie automobile est antérieur à l’élaboration de ce cahier des charges. Le 25 mai 2012, un « « memorandum of understanding » (protocole d’accord) a d’abord été conclu entre le groupe Renault et le gouvernement algérien pour l’« implantation progressive d’une filière automobile en Algérie ». Il ouvrait pour la première fois une brèche dans le front uni des constructeurs invités depuis plusieurs décennies à investir dans le montage automobile en Algérie. Cet accord de portée générale s’est concrétisé dès le 19 décembre 2012 par la signature d’un pacte d’actionnaires entre Renault, la Société Nationale de Véhicules Industriels (SNVI) et le Fonds National d’Investissement (FNI) en vue de la création d’une coentreprise (49% Renault, 34% SNVI et 17% FNI). Il a été suivi le 31 janvier 2013 par la création de la société « Renault Algérie Production ». Les travaux de construction de l’usine de Oued Tlelat ont démarré le 25 septembre 2013 et elle est entrée en production en septembre 2014.

Ce premier accord de partenariat est d’une facture très « classique » dans la mesure où il correspond à un modèle largement répandu depuis le début de la décennie en cours. Conclu dans le cadre du 51 /49, il associe, dans des conditions de relative transparence, des partenaires publics majoritaires à un partenaire étranger privé auquel a été confié le management opérationnel de la nouvelle joint-venture. Même s’il n’éclaire pas complètement sur le rôle des actionnaires algériens, qualifiés fréquemment de « sleeping partners » par certains commentateurs, le projet semble actuellement évoluer conformément à son planning et donner satisfaction à la fois au groupe Renault et au gouvernement algérien. En décembre dernier, à l’occasion de la dernière foire de la production nationale, le premier ministre a invité l’entreprise à « augmenter sa production et diversifier la gamme de ses modèles produits en Algérie ». Selon les déclarations des responsables de Renault Algérie, la production de l’usine de Oued Tlelat devrait atteindre 60 000 unités en 2017.

Volkswagen partenaire (très) minoritaire de Sovac Production SPA

Le constructeur automobile Volkswagen a annoncé le 27 novembre 2016 l’officialisation d’une joint-venture avec la SOVAC, le concessionnaire de sa marque en Algérie, pour le lancement au deuxième semestre 2017 d’une usine d’assemblage de véhicules. « Cette décision représente pour nous, une avancée logique dans la perspective de faire croître la vente de nos véhicules en Algérie. Le groupe Volkswagen a opté pour cette participation dans le capital de SOVAC Production, compte-tenu du partenariat long et rentable qui nous uni depuis des années.» a déclaré à cette occasion M. Joseph Baumert responsable de la production et de la logistique chez Volkswagen.

Aux termes du premier pacte d’actionnaire conclu dans le secteur entre une entreprise privée algérienne et un constructeur étranger, la nouvelle entreprise ne s’appellera pas Volkswagen Production Algérie mais Sovac Production SPA et aura une capacité de montage de départ de 100 véhicules par jour. Elle produira, outre les marques Volkswagen, des SEAT et des Skoda ainsi que vient de le confirmer son PDG M. Mourad Oulmi.

L’actionnariat de la nouvelle entreprise n’affiche pas les mêmes conditions de transparence que le projet précédent conclu avec Renault. On sait que Volkswagen a bien pris une participation minoritaire dans la joint-venture. Les détails du montant de son engagement financier n’ont pas été donnés. Le groupe allemand a déjà précisé, qu’il fera de « gros apports pour la formation des ressources humaines et le développement technologique ». L’identité précise des actionnaires algériens limitée, ou non, aux propriétaires du groupe Sovac n’est pas non plus connue.

Hyundai reste hors du capital de la Tahkout Manufacturing Company

La création de la Sarl Tahkout Manufacturing Company (au capital social de 100 000 000 DA) s’est effectuée en un temps record au cours de l’année 2016. Le tours de table de la nouvelle entreprise est composé exclusivement de personnes physiques répondant au nom de Tahkout et de la Sarl CIMA matériels automobiles (Compagnie Industrielle de Matériel Automobile). La participation du constructeur, en l’occurrence Hyundai, n’apparaît pas parmi les associés comme l’exige le cahier des charges publié en Avril 2016. L’usine, installée à Tiaret, doit produire dans une première phase pas moins de 30.000 véhicules/an pour élever sa capacité à 100.000 unités par an d’ici 5 ans. Ce projet, inscrit dans le cadre d’un partenariat entre ce groupe privé et le constructeur coréen Hyundai vise un taux d’intégration atteignant les 40% dans les cinq années qui suivront la mise en production de l’usine.

Dans une déclaration reprise par plusieurs médias nationaux, un cadre coréen de l’entreprise confirmait voici quelques mois que « l’usine est détenue à 100% par TMC mais que la qualité est garantie par Hyundai Motors ». Le même cadre coréen ajoutait que « lorsque nous entrerons en CKD avec la fabrication de la tôle, coque du véhicule, et peinture de la carrosserie, Hyundai entrera en 51/49 ». Il indiquait également que « le premier véhicule CKD devrait sortir en avril 2018, précisant qu’il s’agira de la dernière génération de l’Accent ».

Avec Peugeot, les « discussions continuent ».

L’installation du constructeur français à « la marque au lion » en Algérie  devait faire l’objet de la signature d’un accord au mois d’Avril 2016, lors de la « réunion de haut niveau Algérie-France » qui, comme on s’en souvient, n’a pas vraiment connu un franc succès. Elle a finalement été reportée pour des raisons inconnues.

Les choses n’ont pas beaucoup avancé depuis cette date. « Le projet ne sera réalisé que si Peugeot accepte nos conditions » déclarait le 5 janvier dernier Abdeslam Bouchouareb, à la chaîne de télévision Ennahar TV. Quelles conditions ? Le Ministre ne les précise pas. De nouveau interrogé sur le projet Peugeot par la radio nationale le 12 mars dernier , M. Bouchouareb a eu cette réponse : « Les discussions continuent entre les différentes parties. Dès que les positions se rejoignent, nous l’annoncerons. Mais pour l’instant, on n’est pas encore dans ce cas ».

Pendant ce temps, les dirigeants du constructeur automobile français PSA répètent à qui veut l’entendre qu’ils « ont accepté toutes les conditions posées par les autorités algériennes ». Peugeot a lancé une offensive médiatique en Algérie pour tenter de faire avancer son projet. Pas moins de 100 000 véhicules de quatre modèles (Pick-up, 208, 301 et Citroën C-Elysée) devraient sortir à terme de l’usine qui doit employer plus de 1000 personnes et être installée également dans la région d’Oran. La production sera, dans une première étape de 25.000 véhicules avant d’être portée à 75.000 unités annuelles en 2020. Peugeot  annonce de surcroit qu’il ne ramènerait pas moins de 7 équipementiers internationaux dans ses bagages. Une vingtaine de sous-traitants locaux seraient également prévus.

On connait donc les propositions de Peugeot mais pas les « conditions » de l’Algérie que M. Bouchouareb n’a pas jugé utile de porter à la connaissance de l’opinion nationale. Pourquoi tous ces mystères ? Le taux d’intégration réclamé à terme par les autorités algériennes n’est manifestement pas en cause. S’agirait-il d’une question d’actionnariat ? Deux partenaires privés algériens, parmi lesquels figure le groupe Condor, sont associés au projet de Peugeot en Algérie. Ils restent à l’heure actuelle remarquablement discrets sur l’évolution de ce dossier bien qu’ils en soient les actionnaires majoritaires au terme de la loi algérienne.

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