Après plus de 10 ans d’interruption en raison de la politique de désendettement, la reprise de la coopération entre l’Algérie et les institutions financières internationales est en cours.
Quelques mois après la Banque africaine de développement (BAD), en décembre dernier, la Banque Européenne d’Investissement(BEI) sera-t-elle le prochain partenaire international sollicité pour participer au financement des infrastructures économiques algériennes ?
Le Premier Ministre, Abdelmadjid Tebboune, a reçu samedi dernier le vice-président de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) en charge de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), Romain Escolano, qui effectuait une visite de travail en Algérie.
L’entretien a permis d’évoquer « l’état d’évolution des relations qui unissent l’Algérie et cet important partenaire dont la collaboration remonte à plus de trois décennies », souligne la même source. ». Depuis sa création, la BEI a investi 2,1 milliards d’euros en Algérie en soutien à des projets dans les secteurs de l’énergie, de l’eau, du transport routier et de l’industrie, rappelle de son côté la banque de l’UE.
Une coopération interrompue depuis plus de 10 ans
Un partenaire « traditionnel » et important donc, mais avec lequel le communiqué du premier ministre oublie pudiquement de mentionner que les relations étaient interrompues depuis plus d’une décennie.
C’est donc très logiquement que le vice-président de la BEI a fait part à son hôte du « souhait » de cette institution de « promouvoir de nouvelles voies de travail et de coopération avec l’Algérie ainsi que de sa disponibilité à apporter toute son expertise dans le domaine de l’accompagnement à la réalisation des grands projets ».
En réponse, M. Tebboune, tout en saluant « l’intérêt porté par cette importante institution au développement de l’Algérie », a appelé à la recherche « d’opportunités susceptibles de permettre un saut qualitatif dans le domaine de la coopération financière, particulièrement dans le montage des projets relevant des secteurs appelés à jouer le rôle de leviers de la croissance économique, notamment les PME-PMI. »
« Un projet à la hauteur des attentes de l’Algérie »
La reprise de la coopération avec la BEI était dans l’air depuis plus d’une année. Au printemps 2016, M. Román Escolano évoquait déjà des contacts en cours avec les autorités algériennes. Dans un entretien accordé au site «econostrum.info», le vice-président de la BEI indiquait que même si les autorités algériennes «poursuivent jusqu’à présent une politique de non recours à l’endettement extérieur, il existe aujourd’hui une volonté des deux parties de changer les choses». Román Escolano, qui confirmait l’existence de négociations entre les deux parties, précisait « nous restons en communication en permanence avec les autorités algériennes. » Il affichait la disponibilité de la BEI en affirmant que « des changements » pourraient intervenir courant 2016. Le responsable de l’institution de financement européenne ajoutait que « la BEI connaît bien le pays et les interlocuteurs », ce qui pourrait faciliter davantage « l’entente sur un projet à la hauteur des attentes de l’Algérie ».
Un petit accord pour commencer
Pour l’instant la coopération reprend tout doucement et de façon très modeste. C’est ainsi qu’un premier accord axé sur la sécurité routière, a été signé entre l’Algérie et la BEI. L’institution de financement à long terme de l’UE va financer une étude sur les normes de sécurité du tronçon de l’autoroute Trans-maghrébine (reliant les pays du Maghreb) dans la partie algérienne.
Intitulée Audit de Sécurité Routière, l’étude « concernera plus particulièrement l’autoroute Est-Ouest entre les frontières respectives Est-Ouest de l’Algérie, ainsi que les pénétrantes des grandes wilayas, dont celles d’Oran et de Bejaia, soit un tronçon global d’environ 1500 km s’étendant sur toute la côte méditerranéenne », indique le communiqué de la BEI qui précise que l’étude en question prendra en compte les besoins de tous les usagers de la route « afin d’identifier en amont les questions de sécurité de cet axe ainsi que des tronçons en service, et ainsi proposer des solutions optimales de gestion et de circulation ».
« Je suis très heureux de signer ce partenariat avec l’Algérie sur un secteur aussi important que le transport et la sécurité routière a déclaré M. Roman Escolano lors de la cérémonie de signature organisée jeudi dernier à Alger. La BEI est avant tout une banque d’investissement et de conseil, aussi mettrons-nous toutes nos compétences et notre expertise acquises en Europe comme dans la région pour mener avec succès cet audit de sécurité routière. Notre objectif est de renforcer la sécurité des usagers sur ces grands axes routiers qui sont essentiels au développement économique d’un pays et d’une région, comme à la vie quotidienne de ses habitants. »
La Banque de l’UE
Peu connue en Algérie en raison de la politique de désendettement mise en œuvre au cours de la décennie écoulée qui a eu pour effet « collatéral » de geler la coopération internationale, la BEI est généralement considérée comme le « bras financier » de l’Union européenne. Première institution financière multilatérale au monde par le volume de ses prêts et de ses emprunts, son activité est axée à plus de 90 % sur l’Europe, mais elle soutient aussi les politiques européennes de coopération extérieure. La BEI se procure l’essentiel des fonds qu’elle prête en émettant des obligations sur les marchés internationaux des capitaux. Son excellente cote de crédit lui permet d’emprunter à des « conditions avantageuses dont elle peut dès lors faire bénéficier ses clients » selon les responsables de cette institution. La BEI finance des projets de développement dans 140 pays hors Union Européenne (UE). Elle octroie des financements à des projets aussi bien publics que privés dans les pays avec lesquels l’UE est lié par un accord de coopération ou de partenariat. Ces projets portent essentiellement sur les secteurs des transports, de l’énergie, de l’industrie et des routes.
Une forte présence au Maghreb
La BEI est très présente au Maghreb, avec 6,7 milliards d’euros d’engagement déjà consacrés à la région et des formes d’investissement qui se sont fortement diversifiées au cours des dernières années. En Tunisie, la volonté affichée par les dirigeants de l’Union Européenne d’apporter leur soutien au pays dans le sillage du « printemps arabe » s’est traduite par plus d’1 milliard d’euros de financement à la Tunisie sur la période 2011- 2014 avec l’objectif annoncé d’un niveau de soutien de 500 millions d’euros par an.
C’est au Maroc que l’engagement de la BEI est le plus important avec des investissements réalisés dans le secteur autoroutier, des énergies renouvelables et des infrastructures stratégiques qui ont un effet concret sur l’évolution de l’économie marocaine (Tanger Med, industrie automobile…). Outre cette « intervention historique » dans le financement des infrastructures, la BEI oriente aujourd’hui beaucoup de ses interventions dans la région vers la formation du capital humain et l’appui aux PME. Elle vient de signer voici quelques mois, un accord de coopération avec la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) marocaine avec l’objectif d’améliorer l’accès au financement pour les PME.