Pas question « pour l’instant » de toucher à la règle du 51/49. Le ministre de l’industrie, Chérif Rahmani, ainsi que le premier ministre l’ont répété en chœur ces derniers jours. En fait on sait maintenant qu’il s’agit d’un véritable « tabou présidentiel » dont la remise en cause serait considérée comme une sorte de crime de lèse majesté. Les opérateurs économiques nationaux ont beau critiqué une mesure inefficace et contre productive. Les partenaires étrangers peuvent toujours, via les chancelleries et les innombrables déclarations de leurs ministres en visite à Alger, déplorer un frein puissant à l’investissement dans notre pays. Le FMI peut regretter les occasions d’investissement manquées par l’économie algérienne dans un contexte de crise européenne et de délocalisation tous azimuts. On a bien compris le message des membres du gouvernement… on en reparlera après 2014. Dans l’intervalle le gouvernement Sellal fait ce qu’il peut et il obtient, il faut bien le dire, dans un contexte contraignant, quelques résultats depuis le début de l’année 2013 .
Un impact négatif
Les évolutions des dernières années ont confirmé, logiquement, l’impact négatif de la décision prise par les autorités algériennes dés la fin de l’année 2008 à la fois sur le niveau et sur l’orientation des flux d’investissements étrangers en direction de notre pays. Ce sont les très officiels rapports de conjoncture de la Banque d’Algérie qui ont annoncé successivement des investissements directs étrangers, hydrocarbures compris, en baisse sensible. On est passé de 2,2 milliards de dollars en 2010, à 1,8 milliard en 2011 et 1,7 milliards en 2012. A titre de comparaison la Tunisie ,en pleine turbulence politique, fait nettement mieux que nous avec un PIB qui est trois fois inférieur. La Banque d’Algérie souligne en outre, que les IDE continuent d’être orientés principalement vers “les industries extractives” qui restent très largement en tête des bilans, suivi par l’industrie manufacturière et le “secteur de la construction”.
Les investisseurs arabes préfèrent l’immobilier
Le bilan du 51/49 ne se mesure pas seulement en volume , il est aussi sensible dans l’orientation sectorielle des investissements . Dans le domaine de l’investissement étranger , si on laisse de côté le secteur des hydrocarbures, les années 2000 avaient été, en simplifiant à peine, celles du téléphone mobile. A la fin de la décennie, la parenthèse de l’investissement forcé des banques étrangères a gonflé artificiellement les chiffres de 2009. Après le virage doctrinal opéré par les autorités algériennes, la probabilité de voir le nouveau cadre juridique de l’investissement étranger provoquer une réaction d’attentisme des investisseurs, était confirmée par la diminution sensible du nombre et du montant des projets déclarés entre 2009 et 2012.
Des projets qui pour l’essentiel semblaient ces dernières années s’orienter de façon préférentielle… et inquiétante vers un secteur de l’immobilier de luxe réputé spéculatif. C’est l’un des effets pervers les plus pénalisants de la règle du 51/49. L’observatoire méditerranéen Anima signalait dans un récent rapport que les principaux projets approuvés depuis l’adoption de la nouvelle réglementation se concentrent d’abord sur le secteur de l’immobilier de luxe avec notamment les projets Dounya Park et Émiral dans la région d’Alger.
La fin des partenaires “privilégiés” ?
Depuis la fin de l’année 2012, le gouvernement Sellal tente de redresser la barre dans un contexte difficile. La règle non écrite qui a consisté jusqu’ici dans le choix par les autorités algériennes d’un nombre réduit de partenaires privilégiés pourrait, de façon très bienvenue, être une des principales victimes de la nouvelle démarche adoptée par les autorités algériennes. Cette orientation a été illustrée au cours des années 2000 par l’importance prise par le groupe Orascom dans les flux d’investissement étranger. À lui seul, le holding égyptien a représenté près de la moitié des investissement étrangers réalisés en Algérie. Le groupe est présent non seulement dans la téléphonie mobile mais il a pris également une part importante au programme de développement de la pétrochimie algérienne en association avec Sonatrach, ainsi qu’à l’installation d’usines de dessalement d’eau de mer ou encore à la construction de la plus grande cimenterie du pays. Ce partenariat privilégié va vite se révéler comme un facteur de fragilité. La dégradation des relations entre les deux parties à partir de l’année 2008 a plongé l’ensemble de la démarche d’ouverture dans une période de crise. Un cadre de l’ANDI commente : « c’est comme si on avait confié une sorte de gestion déléguée de l’investissement étranger à une seule entreprise». C’est une option qui a fragilisé notre démarche de partenariat. Elle sous estime l’effet de démonstration et d’entraînement que représente l’arrivée dans le pays des investisseurs de référence qu’elle a semblé s’ingénier à vouloir éviter ». Notre interlocuteur poursuit : « Notre politique d’ouverture à l’investissement étranger est , depuis 2009, à la recherche d’une nouvelle crédibilité. Les accords conclus, ces derniers mois , avec Massey- Fergusson, Renault, Sanofi ou en préparation avec Lafarge , pourrait de ce point de vue constituer une avancée et un recadrage important ».
Priorité à l’industrie
La nouvelle donne concrétisée par l’annonce au cours des derniers mois de nombreux projets industriels conclus notamment avec des partenaires français mais aussi américains ou arabes est elle de nature à relancer la dynamique de l’investissement étranger pour la canaliser vers le secteur industriel ? C’est en tous cas ce que semble espérer le nouveau gouvernement qui s’y emploie avec beaucoup de zèle et en a fait une de ses priorités.
Le nouvel exécutif parait vouloir redresser assez vigoureusement la barre en donnant très nettement la priorité à l’industrie. La sidérurgie semble avoir été le premier axe de cette réorientation des investissements avec l’extension prévue des capacités du complexe ArcelorMittal de Annaba et l’ambitieux projet conclu avec des partenaires qataris sur le site de Bellara. L’industrie mécanique avec les projets de Massey Fergusson et de Renault figure également en bonne place dans ces nouvelles priorités au même titre que le médicament ou encore les matériaux de construction .
Le partenariat au secours des entreprises publiques
La quasi-totalité des accords de partenariats conclus dans le cadre de la règle du 51/49 et médiatisés au cours des dernières années ont une autre caractéristique. Ils associent presque toujours un investisseur étranger à… une entreprise publique algérienne. C’était déjà le cas pour les premier accords signés en 2010 dans le secteur financier avec les attelages constitué entre AXA et la BEA ou encore celui qui associe la Macif à la SAA. Une tendance confirmée et renforcée par les associations entre Qatar Steel et Sider, Renault et SNVI ,Sanofi et Saidal, ou encore le couple Lafarge-GICA. La liste n’est pas exhaustive.
Au sein de ces différents partenariats, les associés algériens sont toujours majoritaires grâce souvent à l’entrée au capital du Fonds public d’investissement, tandis que le management des nouvelles entités a été systématiquement confié au partenaire étranger. La démarche s’apparente quelquefois à un véritable sauvetage des entreprises publiques ainsi que c’est par exemple le cas pour l’ensemble de l’industrie mécanique nationale. Une démarche qui pour l’instant laisse entier le problème de la création d’une dynamique plus large qui associerait le secteur privé national et s’attaquerait résolument au frein que constitue pour beaucoup d’investisseurs étrangers, et en dépit des dénégations des pouvoirs publics, le cadre réglementaire actuel.
Hassan Haddouche