Massey-Fergusson, Renault, Sanofi, Lafarge…. Les annonces qui n’ont pas manqué au cours des dernières semaines, permettront-elles de redessiner le paysage de l’investissement étranger en Algérie ?
« On n’a ramené que des aventuriers », la formule est attribuée à Réda Hamiani. Elle dresse en raccourci le bilan de la politique d’ouverture à l’investissement étranger inaugurée au début des années 2000.
La règle non écrite qui a consisté jusqu’ici dans le choix par les autorités algériennes d’un nombre réduit de partenaires privilégiés pourrait, de façon très bienvenue, être une des principales victimes de la nouvelle démarche adoptée par le gouvernement. Cette orientation a été illustrée au cours des années 2000 par l’importance prise par le groupe Orascom dans les flux d’investissement étranger en direction de notre pays.
À lui seul, le holding égyptien a représenté près de la moitié des investissements étrangers hors hydrocarbures réalisés en Algérie. Le groupe est présent non seulement dans la téléphonie mobile mais il a également pris une part importante au programme de développement de la pétrochimie algérienne en association avec Sonatrach, ainsi qu’à l’installation d’usines de dessalement d’eau de mer ou encore à la construction de la plus grande cimenterie du pays. Ce partenariat privilégié va vite se révéler comme un facteur de fragilité. La dégradation des relations entre les deux parties à partir de l’année 2008 – pour des raisons non encore élucidées et qui sont antérieures à un célèbre match de football – a plongé l’ensemble de la démarche d’ouverture dans une période de crise. Un cadre de l’ANDI commente : « c’est comme si on avait confié une sorte de gestion déléguée de l’investissement étranger à une seule entreprise». C’est une option qui a fragilisé notre démarche de partenariat. Elle sous estime l’effet de démonstration et d’entrainement que représente l’arrivée dans le pays des investisseurs de référence qu’elle a semblé s’ingénier à vouloir éviter ». Notre interlocuteur poursuit : « Notre politique d’ouverture à l’investissement étranger est, depuis 2009, à la recherche d’une nouvelle crédibilité. Les accords conclus avec Massey- Fergusson, Renault, Sanofi ou en préparation avec Lafarge, pourrait de ce point de vue constituer une avancée et un recadrage important.»
Priorité à l’industrie
Au chapitre de l’investissement étranger, si on laisse de côté le secteur des hydrocarbures, les années 2000 ont été, en simplifiant à peine, celles du téléphone mobile. La décennie a été bouclée par une année 2009 marquée par l’investissement forcé réalisé par les banques privées d’origine étrangère. Après le virage doctrinal opéré par les autorités algériennes, et concrétisé par la fameuse règle du 51/49, les principaux projets annoncés semblaient pour l’essentiel s’orienter de façon inquiétante vers le secteur de l’immobilier.
La nouvelle donne concrétisée par l’annonce au cours des derniers mois de nombreux projets industriels conclus notamment avec des partenaires français mais aussi américains ou arabes est elle de nature à relancer la dynamique de l’investissement étranger pour la canaliser vers le secteur industriel ? C’est en tout cas ce que semble espérer le nouveau gouvernement qui s’y emploie avec beaucoup de zèle et en a fait une de ses priorités.
C’est l’un des effets pervers les plus pénalisants de la règle du 51/49. L’observatoire méditerranéen Anima signalait dans son dernier rapport que les principaux projets approuvés depuis l’adoption de la nouvelle réglementation se concentrent d’abord sur le secteur de l’immobilier de luxe avec notamment les projets Dounya Park et Émiral dans la région d’Alger. C’est l’hypothèse d’une orientation préférentielle des investissements étrangers, et particulièrement des investissements d’origine arabe, vers un secteur de l’immobilier de luxe réputé spéculatif qui semblait se vérifier.
Le gouvernement Sellal parait vouloir redresser assez vigoureusement la barre en donnant très nettement la priorité à l’industrie. La sidérurgie semble avoir été le premier axe de cette réorientation des investissements avec l’extension prévue des capacités du complexe ArcelorMittal de Annaba et l’ambitieux projet conclu avec des partenaires qataris sur le site de Bellara. L’industrie mécanique avec les projets de Massey Fergusson et de Renault figure également en bonne place dans ces nouvelles priorités au même titre que le médicament ou encore les matériaux de construction.
Le partenariat au secours des entreprises publiques
La quasi-totalité des accords de partenariats conclus dans le cadre de la règle du 51/49 et médiatisés au cours des dernières années ont une autre caractéristique. Ils associent presque toujours un investisseur étranger à …une entreprise publique algérienne. C’était déjà le cas pour les premier accords signés en 2010 dans le secteur financier avec les attelages constitué entre AXA et la BEA ou encore celui qui associe la Macif à la SAA. Une tendance confirmée et renforcée par les associations entre Qatar Steel et Sider, Renault et SNVI ,Sanofi et Saidal, ou encore le couple Lafarge-GICA. La liste n’est pas exhaustive.
Au sein de ces différents partenariats, les associés algériens sont toujours majoritaires grâce souvent à l’entrée au capital du Fonds public d’investissement, tandis que le management des nouvelles entités a été systématiquement confié au partenaire étranger. La démarche s’apparente quelquefois à un véritable sauvetage des entreprises publiques ainsi que c’est par exemple le cas pour l’ensemble de l’industrie mécanique nationale. Le cas de la production de tracteurs avec un partenaire algérien en grande difficulté financière et une production vieillissante étant particulièrement illustratif.
Une démarche qui pour l’instant laisse entier le problème de la création d’une dynamique plus large qui associerait le secteur privé national et s’attaquerait résolument au frein que constitue pour beaucoup d’investisseurs étrangers, et en dépit des dénégations des pouvoirs publics, le cadre réglementaire actuel qu’il faudra bien réviser tôt ou tard.
Hassan Haddouche