La balance des paiements en « état de choc » par Hassan Haddouche

Redaction

On est frappé de stupeur par la rapidité et la brutalité avec laquelle se réduit notre excédent commercial sous l’effet à la fois de la baisse des exportations en quantité et en valeur et d’une hausse toujours aussi irrésistible des importations.

La Balance des paiement de notre pays  est « en état de  choc ». C’est ce que vient d’annoncer le gouverneur de la Banque d’Algérie. Malgré un prix du pétrole qui est resté élevé – à près de 109 dollars en moyenne au cours des 6 premiers mois de l’année – notre balance des paiements est désormais officiellement déficitaire et les réserves de change ont commencé à diminuer. « Le compte courant de la balance des paiements extérieurs a enregistré un déficit de 1,2 milliard de dollars au premier semestre de l’année en cours, alors qu’il avait enregistré un excédent de 10 milliards de dollars au premier semestre 2012 »  selon M. Mohamed Laksaci.

Le scénario, que les analyses les plus pessimistes envisageaient seulement pour le milieu de la décennie en cours, semble désormais se réaliser sous nos yeux, et cela dès le début de l’année 2013. On est frappé de stupeur par la rapidité et la brutalité avec laquelle se réduit notre excédent commercial sous l’effet à la fois de la baisse des exportations en quantité et en valeur et d’une hausse toujours aussi irrésistible des importations. Stupeur aussi devant  une croissance des importations des produits pétroliers qui « a été de 90% au premier semestre 2013 », constate M. Laksaci. Ce qui semble laisser les pouvoirs publics sans réaction. Les déficits plus « traditionnels » de la balance des services et des mouvements de capitaux font le reste.

Vers une diminution des réserves de change en 2013

La seule bonne nouvelle annoncée par le gouverneur de la Banque d’Algérie est constituée par la reprise des importations de biens d’équipement. Une consolation bien modeste. Sur la base des résultats du premier semestre, et de ce qu’on sait déjà par ailleurs de nos échanges extérieurs au cours des 8 premiers mois de l’année en cours grâce aux statistiques des douanes, on peut désormais extrapoler sans grand risques d’erreurs  les performances prévisibles  de nos paiements extérieurs en  2013. Des exportations en baisse sensible et qui ne devraient pas dépasser 67 ou 68 milliards de dollars. Des importations en forte hausse sans doute proches de 57 à 58 milliards de dollars et un excédent commercial  de l’ordre de 10 milliards de dollars réduit de moitié par rapport  à 2012. Compte tenu de nos importations de services, « stabilisées » selon M.Laksaci, et de transferts de capitaux élevés réalisés essentiellement par les associés de Sonatrach, les excédents financiers quelquefois considérables réalisés par l’Algérie au cours des dernières années vont laisser la place dès cette année à un déficit de la balance des paiements et à une probable, bien que modeste, diminution des réserves de change.

Une économie algérienne qui vit au dessus de ses moyens ?

Plus qu’une situation conjoncturelle, les chiffres annoncées par la Banque d’Algérie soulignent  surtout des tendances inquiétantes. Depuis le début de l’année en cours, on est sans doute, en effet, déjà entré dans un processus de tassement de nos réserves de change qui pourrait, selon beaucoup d’experts, précéder leur réduction voire leur disparition complète dans un horizon à peine supérieur à une décennie.  Pour comprendre les enjeux du débat en cours au sein même des cercles dirigeants algériens, il faut rappeler tout d’abord que l’Algérie a encore exporté pour près de 33 milliards de dollars au cours des 6 premiers mois de l’année avec un cours du baril qui s’est situé, quand  même, au niveau encore substantiel de 109 dollars. Ce qui  permet d’espérer des recettes d’environ 67  à 68 milliards de dollars sur l’ensemble de l’année 2013.

Le problème c’est que même ces niveaux de recettes considérables et ces cours du pétrole élevés ne suffisent plus à satisfaire la boulimie d’importation de l’économie algérienne. En 2012, les réserves de change ont quasiment stagné parce que nous avons battu des records d’importation avec  plus 48 milliards de dollars de marchandises et de 11 milliards de services. En 2013, les réserves ont commencé à baisser parce qu’on est en route vers des importations de marchandises qui vont approcher  pour la première fois  le plafond des 60 milliards de dollars. Pour réaliser ces niveaux d’importation l’Algérie devra  donc non seulement utiliser ses revenus annuels  mais également commencer à puiser dans les économies qu’elle a réalisées  au cours de la décennie écoulée !

Une lutte tous azimuts contre les importations

La prise de conscience toute récente – elle date du printemps dernier –  de cette menace par le gouvernement algérien et la montée au créneau de ses deux principaux argentiers  pourrait être dans l’avenir à l’origine d’un virage économique important marqué par le retours à une plus grande rigueur financière. Le gouverneur de la Banque d’Algérie n’est en effet pas le seul à tirer la sonnette d’alarme. Une série de déclarations récentes du ministre des finances, M. Karim Djoudi, semblent indiquer que le gouvernement algérien tente de préparer le terrain pour un retours à plus de rigueur  dans la gestion des excédents financiers. Des décisions ont déjà été prises pour plafonner les marges des banques sur les opérations du commerce extérieur. Elles s’ajoutent à l’annulation de l’éphémère  projet d’augmentation de l’allocation touristique .

Elles ne suffiront pas à inverser la tendance. Depuis le début de l’été la politique d’endiguement des importations est donc devenue le  nouveau crédo du gouvernement. Mais de quels moyens dispose-t-il pour tenter de renverser la vapeur ? Les spécialistes que nous avons interrogés se montrent en général assez sceptiques à propos des marges de manœuvres disponibles à court terme et dans le contexte de la préparation des présidentielles du printemps prochain. Beaucoup de mesures administratives de contrôle des importations sont aujourd’hui envisagées et pourraient être mise sur la table à l’occasion de la prochaine tripartite prévue désormais pour le 10 octobre. Des solutions administratives disponibles à court terme mais à l’efficacité incertaine et qui ne peuvent, pour la plupart de nos interlocuteurs, que constituer des palliatifs. Pour stopper l’envolée  des importations et amorcer leur reflux, tout le monde est d’accord, il faudra d’abord changer de politique macroéconomique. C’est-à-dire en priorité maîtriser la croissance des revenus sans contrepartie productive, réviser sensiblement  la politique des prix et canaliser l’épargne des algériens vers des emplois productifs mais ceci est une autre histoire…

Hassan Haddouche

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