La Conférence Nationale accouche d’une souris. Par Hassan Haddouche

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Hassan HaddoucheAnimée des meilleures intentions,  la « Conférence nationale sur le développement économique et social » du Club des Pins a peiné à définir les contours d’une « vision économique stratégique » pour notre pays.

La Conférence nationale a réuni, au Club des Pins, la fine fleur de l’intelligence économique algérienne, comme dirait M.Bouchouareb. Près d’une semaine après la clôture de cette ambitieuse manifestation, on a beau chercher, on n’aperçoit pas clairement ce qui pourrait être l’esquisse de la « vision économique stratégique » dont elle devait dessiner les contours pour notre pays à l’horizon si proche de 2020 .

Durant trois jours, experts, chefs d’entreprises, syndicalistes, représentants de la société civile et responsables de l’Administration ont tous été unanimes à souligner que la croissance et l’attractivité de l’économie algérienne restaient largement insuffisante . En réponse à ces préoccupations exprimées par les participants dont il a salué l’ « enthousiasme » et la contribution à ce qu’il a désigné comme un « acte d’ingénierie fondateur », le ministre de l’Industrie, M. Bouchouareb, a expliqué que la stratégie mise en place par les pouvoirs publics consiste à « faciliter la création des entreprises, à améliorer l’attractivité de l’Algérie pour les investisseurs étrangers et à encourager la délocalisation d’entreprises internationales de référence vers l’Algérie ».

Des verrous pour « libérer les initiatives » 

Malheureusement M. Bouchouareb a aussi profité de la réunion de presse organisée à l’issue de la Conférence pour annoncer clairement que la règle 51/49 ne sera pas supprimée, mais sera juste déplacée du code des investissements, « vitrine du pays en matière d’IDE ». Cette mesure du 51/49 sera, par contre, maintenue dans le dispositif réglementaire lié à l’investissement et sera même élargie aux commerces de gros et de détail. Le Ministre a néanmoins concédé que le gouvernement restait « flexible » quant à l’application de cette règle. Cette flexibilité sera mise en œuvre « si un investisseur nous apporte un segment qui  nous permettrait de nous positionner dans la nouvelle division internationale du travail », a affirmé le ministre de l’industrie .

Même « flexibilité » pour les entreprises algériennes qui « ne sont pas  autorisées à investir à l’étranger »,  a affirmé Abdeslam Bouchouareb. « Il y a d’abord du travail à faire dans notre pays », a-t-il argumenté. « Investir à l’étranger va venir avec le temps », a ajouté le ministre. Quand aux groupes privés qui, à l’image de Cevital, utilisent leurs propres ressources en devises pour effectuer des acquisitions d’actifs industriels, le ministre est clair. « Ces investissements à l’étranger ne nous concernent pas ». Deux beaux exemples d’ouverture qui vont certainement permettre, comme dit le Ministre de l’Industrie, de « libérer toutes les initiatives ».

 Climat des affaires , c’est la faute à la Banque mondiale

On s’attendait à ce que le climat des affaires soit un des thèmes favoris de la Conférence et on n’a pas été déçu. Malheureusement, ce n’est pas le climat des affaires en Algérie qui a été sur la sellette mais la méthode d’évaluation du climat des affaires par la Banque mondiale (BM) qui a été critiquée par beaucoup de hauts fonctionnaires qui ont carrément appelé à sa révision afin de « mieux refléter les efforts de l’Algérie en la matière ».
Les fonctionnaires algériens sont manifestement dépités par le dernier classement de la Banque Mondiale qui fait reculer l’Algérie à la 154ème place sur 189 pays. Le représentant du ministère du Commerce, M.El-Hadi Bakir, a considéré que l’Algérie avait engagé de gros efforts, durant ces dernières années, qui devaient se traduire plutôt par une avancée dans le classement annuel « Doing business » de la BM que par un recul. Un avis partagé par un conseiller auprès du Ministre de la Justice, M. Aziz Aimene, qui a indiqué que les réformes engagées par le gouvernement, au cours de ces dernières années, n’étaient pas prises en considération par les auteurs du rapport de « Doing business ».

Le représentant permanent de la BM en Algérie, Emmanuel Noubissie Ngankam, a dû concéder prudemment que le Doing business était un instrument qui a des imperfections et nécessitait, donc, des améliorations, mais que c’est un « outil pertinent ». Ajoutant quand même , en essayant de ne pas choquer des hauts fonctionnaires algériens très susceptibles, que «  la question de fond que l’Algérie doit poser est de savoir comment améliorer l’environnement des affaires et soutenir l’appareil de production pour éradiquer le chômage et sortir de l’économie mono-exportatrice ». Najy Benhassine, économiste à la BM qui est aussi un des principaux animateurs du réseau Nabni, a noté, dans le même sens et moins diplomatiquement qu’ « on peut continuer à se plaindre et à critiquer la méthodologie du Doing business, mais le plus important est de travailler davantage pour assainir le climat des affaires en Algérie ». Finalement l’assemblée s’est tout de même accordée sur la nécessité de «  la mise en place d’un plan d’action urgent pour améliorer le climat des affaires en Algérie » qui apparaît comme une des principales « résolutions » de la Conférence même si sa mise en œuvre évoquée depuis quelques années déjà, notamment à l’occasion des différentes « Tripartites », suscite de nombreuses interrogations .

Revoilà l’ « autonomie de gestion des EPE »

Outre une véritable inflation de propositions en matière de « filières industrielles prioritaires  » qui doivent faire l’objet d’une « identification » qui tarde à voir le jour, la conférence a également été marquée par les précisions apportées par M.Bouchouareb à propos de la nouvelle réorganisation du secteur public marchand. Cette démarche annoncée à la fin de l’été dernier vise selon lui « à assurer une autonomie de gestion aux Entreprises publiques économiques (EPE) ». Le Ministre a précisé que cette autonomie qui sera conférée aux EPE va supprimer « toute intermédiation entre elles et le propriétaire qui est l’Etat ». Ce nouveau mode de management va apporter des modifications à la composante des conseils d’administration des EPE, « qui seront désormais constitués par des banquiers et des experts ». Les dirigeants des EPE seront en outre « tenus par des contrats de performance et bénéficieront à ce titre d’une augmentation de leur rémunération ». Il ne reste plus qu’à souhaiter que ces bonnes résolutions, formulées exactement dans les mêmes termes depuis la fin des années 80 à l’occasion de chaque opération de restructuration et d’assainissement financier des entreprises publiques, aura plus de succès que les précédentes.

Hassan Haddouche

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