L’Algérie peut-elle encore se sauver de sa « boulimie d’importations » ? Par Hassan Haddouche

Redaction

HaddoucheApparemment la frénésie d’importation qui s’est emparée de l’économie algérienne au cours des dernières années  semblent se calmer un peu  au cours des derniers mois. Les importations stagnent depuis la fin de l’année dernière.  S’agit-t’-il d’une tendance durable ou d’une simple pause  précédant  un nouvel accès de fièvre ? Eléments de réponse.

On se souvient que la confirmation de la flambée des importations algériennes avait été la principale nouvelle économique de l’été 2013 . De même que la volonté, tardive, des autorités de tenter de freiner le train fou de nos achats à l’extérieur. L’année dernière , en plein mois d’août , Abdelmalek Sellal avait réuni les PDG des banques publiques  pour leur demander de réfléchir aux moyens de réduire les importations de biens de consommation via les instruments de financements du commerce extérieur. En réalité, depuis un peu plus d’un an, les autorités algériennes ont pris conscience des risques que l’emballement incontrôlé de nos approvisionnements à l’étranger fait désormais courir à nos équilibres financiers extérieurs qui naguère encore faisaient la fierté des responsables nationaux et donnaient lieu à des éloges des institutions financières internationales. Dès le printemps 2013, la Banque d’Algérie avait été la première a actionner le signal d’alarme en soulignant le record historique de 48 milliards de dollars établi par les importations algériennes en 2012, en hausse de plus de 8 %, et tiré par des importations de véhicules en pleine explosion. Un record historique qui n’a pas tenu longtemps puisqu’il a de nouveau été largement battu en 2013 avec des importations de marchandises qui ont frôlé les 55 milliards de dollars en hausse de près de 9% en un an.

Est-ce le résultat des instructions données aux banques nationales ? En tous cas, depuis la fin de l’année dernière les choses semblent aller un peu mieux. Au début de ce mois d’août, la Banque d’Algérie a donné des nouvelles un peu rassurante sur le niveau des importations en annonçant, pour le premier trimestre 2014,  des importations de biens qui ont (légèrement) reculé, pour la première fois depuis de nombreuses années, à 14,1 milliards de dollars. Il s’agit là d’une « tendance favorable »commente la Banque d’Algérie, par la voix de M. Laksaci,  qui  indique, en outre, que la diminution des importations de biens au premier trimestre 2014 est due à la contraction des importations  de carburants et de véhicules de tourisme tandis que les importations des produits semi-finis et des biens d’équipements industriels continuent d’augmenter. Plus récemment encore, ce sont les Douanes algériennes qui ont annoncé, au sujet cette fois des six premiers mois de l’année en cours, des importations d’un montant de 29,6 milliards de dollars, qui accusent désormais une  augmentation limitée à 1% par rapport à l’année dernière.

Vers une facture globale de près de 70 milliards de dollars en 2014

Malheureusement une hirondelle ne fait pas le printemps. Si on en juge par les résultats du premier semestre, on s’oriente pour l’année en cours vers de nouveaux sommets bien que le rythme d’augmentation des importations s’est réduit sensiblement. On s’attend pour l’ensemble de l’année à des importations de marchandises qui dépasseront certainement les 55 milliards de dollars enregistrés l’année dernière. Si on ajoute à ces perspectives inquiétantes des importations de services qui devraient s’établir à près de 12 milliards de dollars, stimulées principalement, ainsi que l’indique le dernier rapport de la Banque d’Algérie, par le recours massif aux entreprises étrangères dans le domaine du BTP, ce sont pas loin de 70 milliards de dollars qu’il faudra mobiliser cette année. Le problème c’est que même des niveaux de recettes d’hydrocarbures encore considérables et des cours du pétrole élevés (109 dollars le baril en moyenne depuis le début de l’année) ne suffisent plus à satisfaire la boulimie d’importation de l’économie algérienne. Pour réaliser ces niveaux d’importation l’Algérie devra donc non seulement utiliser ses revenus annuels mais également commencer à puiser dans les économies qu’elle a réalisées au cours de la décennie écoulée. Le solde de la balance des paiements a de fortes chances d’être négatif en 2014 – il l’est déjà de près de 500 millions de dollars au premier trimestre –  et  l’Algérie pourrait bien enregistrer à la fin de l’année 2014, pour la première fois depuis près de 15 ans, une baisse de ses réserves de change.

Comment ralentir durablement la frénésie d’importations ?

Depuis  l’été 2013, la politique d’endiguement des importations semble devenue le nouveau cheval de bataille du gouvernement. Mais de quels moyens dispose-t-il pour tenter de renverser la tendance ? Parmi les solutions de type « administratif », qui semblent avoir été mises en œuvre, figurent notamment un nouveau nettoyage du fichier des entreprises d’import–export. Une mesure de portée limitée puisque ce dernier semble avoir été aussitôt compensé par une nouvelle vague de création d’entreprises spécialisées dans le même domaine. La définition de normes plus strictes pour les produits  importés est également une piste évoquée mais suppose un outillage dont l’administration algérienne, faute d’expérience dans ce domaine, ne dispose pas encore de façon significative.

L’interdiction pure et simple de l’importation de certains produits, à l’image des listes de médicaments produits en Algérie  et prohibés à l’importation, qui a obtenu des résultats non négligeables, est enfin une solution dont l’utilisation sur une large échelle paraît difficilement envisageable dans une perspective marquée par la volonté de notre pays de conclure rapidement les négociations d’adhésion à l’OMC.

Les banques sur la sellette

La clé du problème se trouverait-elle alors entre les mains des banques algériennes ? En tous cas, le Premier ministre ne s’est certainement pas trompé d’interlocuteur en réunissant sur ce thème les dirigeants des banques publiques  Et pour cause, à la suite de l’obligation du recours au crédit documentaire, le financement du commerce extérieur est aujourd’hui presqu’entièrement dépendant des banques. Avec cette réserve cependant qu’on estime aujourd’hui que plus de la moitié de ce financement est réalisé par les banques privées. Demander aux banques dont ce n’est pas la vocation et qui ne disposent pas des instruments pour arbitrer entre les importations « utiles » et celles qui ne le sont pas pourrait se révéler périlleux. On pourrait en revanche s’orienter en dernier recours vers des restrictions quantitatives à travers une révision des ratios d’engagements extérieurs qui fixent administrativement le montant de l’encours des crédits documentaires que les  banques sont autorisées à accorder.

Des solutions administratives disponibles à court terme mais à l’efficacité incertaine et qui ne peuvent que constituer des palliatifs. Pour stopper l’envolée des importations et amorcer leur reflux, il faudra d’abord changer de politique macroéconomique. C’est-à-dire en priorité maîtriser la croissance des revenus sans contrepartie productive – de nouvelles augmentations de salaire dans la fonction publique et c’est une explosion assurée des importations – réviser sensiblement  la politique des prix et canaliser l’épargne  des Algériens vers des emplois productifs. Mais ceci est une autre histoire…

Hassan Haddouche

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