L’Ansej toujours en plein boom mais pour quelle efficacité ? Par Hassan HADDOUCHE

Redaction

ansej algérie

Les dispositifs en faveur de la micro entreprise rencontrent un succès de plus en plus important. Des performances quantitatives qui n’empêchent pas beaucoup de spécialistes de réclamer de façon de plus en plus pressante une évaluation de l’efficacité économique de mesures dont le coût ne cesse de s’alourdir.

On a appris voici quelques semaines que le cap des 100 000 micro entreprises créées dans le cadre des dispositifs d’aide à l’emploi de jeunes a été franchi en 2012.Le chiffre exact est de 100 800 micro-entreprises dont 65 000 micro-entreprises créées par l’Ansej et 34 800 par la Cnac. Des chiffres tout récents qui confirment que les dispositifs destinés à développer l’emploi des jeunes sont en plein boom ; surtout depuis les décisions adoptées en février 2011. A l’origine de l’accélération des activités des 2 agences depuis 2 ans, leurs DG mentionnent les décisions prises le 22 février 2011, qui ramènent l’apport personnel au niveau symbolique de 1 ou 2% du montant de l’investissement fixé désormais , au maximum, au seuil symbolique de 10 millions de dinars. Autres facteurs ayant contribué à l’engouement pour cette formule : la participation active des banques publiques ainsi que les facilitations dans l’accès aux locaux.

S’ils exercent une influence croissante sur la société algérienne, l’impact économique réel de ces dispositifs, qui ont maintenant plus de 15 ans d’existence dans le cas de l’Ansej, reste cependant plus sujet à controverse et continuent de soulever des interrogations voire de provoquer un certain scepticisme.

La “démocratisation” de l’Ansej

La «démocratisation» de l’accès aux crédits d’une agence comme l’Ansej qui avait, il n’y a pas si longtemps, la réputation d’être réservée aux rejetons de la nomenklatura nationale est l’aspect le plus frappant des évolutions des deux dernières années. Entre 2010 et 2012, on est passé de 20 000 à 65 000 dossiers agréés pour l’Ansej. Rien que pour l’Ansej ce sont déjà , depuis la création de l’agence en 1997, près de 300 000 micro entreprises et environ 600 000 emplois qui ont été créés. Les jeunes algériens seraient-ils devenus pour beaucoup d’entre eux des entrepreneurs ? Et quel genre d’entrepreneurs ?

Ces questions ont déjà fait de façon sporadique leur apparition dans le débat national. Les responsables des deux dispositifs ont tenté de répondre à diverses objections formulées couramment au cours des dernières années.

L’emploi des jeunes , combien ça coûte ?

Il n’existe pour l’instant aucune évaluation du coût financier global des différents dispositifs mis en place par les pouvoirs publics. Pour la bonne raison qu’aucune institution gouvernementale n’a jugé utile de la faire jusqu’à présent. Un spécialiste du traitement de ces dossiers au sein d’une banque publique se livre à une tentative de chiffrage  : « en retenant l’hypothèse d’un crédit moyen de 4 millions de dinars, les financements Ansej et Cnac qui ont concerné au total un peu plus de 100 000 dossiers en 2012 pourraient s’élever à prés de 400 milliards de dinars soit plus de 5 milliards de dollars ».

Des financements dans lesquels les banques publiques sont en première ligne. On sait que dans les deux dispositifs qui ont été uniformisés, 70% du crédit est à la charge des banques à côté du prêt non rémunéré représentant 28 ou 29% du crédit qui est consenti par les agences concernées tandis que l’apport personnel à été ramené au niveau symbolique de 1 à 2% du crédit. Ce sont donc essentiellement les banques publiques qui payent ; fortement incitées à le faire par leur actionnaire unique. Le directeur de la Cnac souligne la progression du taux des accords bancaires. « Jusqu’en 2008, le taux d’accords bancaires ne dépassait pas 30%, mais depuis 2008, ce taux a nettement évolué, pour atteindre aujourd’hui près de 96% ».

Les micro entreprises sont elles viables ?

Les crédits alloués aboutissent-ils véritablement à la création d’une activité ? Les “déperditions”, voire les détournements de crédits souvent évoqués par la presse nationale, sont minimisées par les responsables des deux agences. Le DG de l’Ansej, Mourad Zémali, évoque la question essentielle de la viabilité économique des entreprises créées dans la cadre de l’Ansej en affirmant que leur taux de mortalité ne dépasse pas 2,5% des entreprises créées depuis 1997.  Il assure que “les micro entreprises sont de bonnes clientes pour les banques”. Même son de cloche du côté de la Cnac dont le DG M. Zanoun indiquait récemment que le nombre de micro-entreprises qui n’arrivent pas à rembourser leurs crédits bancaires reste faible. « 1100 micro-entreprises sur les 74 000 créées par la Cnac, depuis le lancement du dispositif en 2005, ont présenté des difficultés à rembourser leurs crédits. Cela représente un pourcentage qui ne dépasse pas les 2% » affirmait-il le mois dernier à la radio.

L’Ansej est-elle une “agence de transport”?

A quel genre d’entrepreneurs les dispositifs pour l’emploi des jeunes donnent ils naissance ? Les médias nationaux évoquent régulièrement une préférence marquée pour le transport de voyageurs voire , dans la période la plus récente, pour les « agences de location de voiture ». Faux, semble répondre Mourad Zémali, qui indique que le transport de marchandises représentait (quand même !) environ 16 000 cas (environ 40%) parmi les projets lancés en 2011 et le transport de voyageurs seulement un peu plus de 1 500, localisés particulièrement dans le sud du pays. Le reste des projets accompagnés par l’Ansej concerne surtout, par ordre d’importance, les services, le BTP et l’agriculture.

Des informations et des assurances qui sont encore très loin de clore un débat qui ne manquera pas de rebondir dans les mois et les années qui viennent en posant de façon pressante la question de l’évaluation des dispositifs mis en place.

Sortir du traitement social du chômage

En même temps, si on veut passer d’une démarche de « traitement social du chômage » à la mise en place d’une stratégie de développement économique, il faudra aussi poser de plus en plus souvent la question, encore embryonnaire dans le débat économique national, de l’orientation et de l’accompagnement des porteurs de projets grâce à la mise en place de pépinières et d’incubateurs d’entreprises dont le réseau reste chez nous encore squelettique.

Pour prendre un point de comparaison on a appris cette semaine qu’un pays comme le Nigeria, au moins aussi pétrolier que nous , vient d’ investir un milliard de dollars pour construire plusieurs incubateurs dont deux seront opérationnels cette semaine. L’objectif de ces incubateurs technologiques est de faire émerger d’ici 2015, 25 start-up et PME de classe internationale dans le secteur des TIC et de renforcer la contribution de ce secteur au PIB du pays dans lequel l’industrie du logiciel pèse déjà plus de 6 milliards de dollars. Au fait où en sont chez nous les performances des incubateurs de Sidi Abdellah de Oran ou de Batna et qui s’en préoccupe ?

Hassan HADDOUCHE

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