L’avenir pétrolier de l’Algérie : 50 ans ou moins de 20 ans ?

Redaction

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Le débat sur l’avenir pétrolier de l’Algérie continue d’alimenter la rubrique économique des médias nationaux .On aura compris qu’il y a dans ce domaine un optimisme officiel dont la meilleure illustration est constituée à ce jour  par les déclarations récentes du premier ministre,  M.Abdelmalek Sellal en personne,  qui a tenu  à  rassurer les Algériens sur la “pérennité” des réserves pétrolières nationales.

Pour lui, les prévisions de certains spécialistes et hommes politiques sur un amenuisement des réserves algériennes en pétrole et en gaz ne sont que “purs mensonges”. “Les réserves et les capacités de l’Algérie pour les futures générations sont disponibles”, avait-il rétorqué. S’appuyant sur un  rapport récent établi par des experts internationaux , le Premier ministre avait ajouté  : “L’Algérie dispose de la 3e réserve mondiale en matière de gaz de schiste et cette richesse nous permet de poursuivre le développement de l’économie algérienne”.

Cet optimisme officiel est relayé avec beaucoup de zèle par le ministre de l’industrie M.Yousfi qui a annoncé voici quelques jours et de façon très opportune des « découvertes importantes » de Sonatrach en 2013 qui permettraient d’augmenter les réserves disponibles .

De « bonnes nouvelles » donc  tempérées malheureusement, par  beaucoup d’experts y compris d’anciens DG de SONATRACH qui ont expliqué à la presse spécialisée que les « découvertes » annoncées par le ministre n’en étaient pas vraiment mais plutôt des anciens gisements déjà connus et pas encore exploitables  en raison de l’absence de techniques disponibles .De  nouvelles techniques ,comme la fracturation hydraulique qui va être utilisée dans ce cas précis,  maîtrisées  uniquement par les grandes compagnies internationales , essentiellement américaines  vont permettre la mise en exploitation des réserves contenues dans  ces gisements dont le ministre aurait, au passage,  fortement exagéré le taux de récupération .

Moins  de vingt ans de réserves

 Tewfik Hasni, un ancien vice – président de Sonatrach que nous avons rencontré hier pour une interview  dans les locaux de notre partenaire Maghreb émergent est un de ces spécialistes qui affichent  c’est le moins qu’on puisse dire, le plus grand scepticisme à l’égard des prévisions des responsables du secteur qui annoncent une « troisième âge » pétrolier pour l’Algérie et semblent de plus en plus miser sur le « tout fossile » grâce aux perspectives ouvertes  par les réserves de  gaz de schiste.

 

Au fait , lui avons-nous demandé, disposons nous vraiment de réserves d’hydrocarbures pour 50 ans comme le suggère de récentes interventions de cadres de Sonatrach ? Sa réponse : «  Tous les experts sérieux savent que nos réserves, y compris le gaz de schiste ,  garantissent moins  de 20 ans de consommation au rythme  actuel de leur exploitation » .Le potentiel algérien  est-il aussi important qu’on veut bien le dire ? « Il faut intégrer tous les paramètres . Si on tient compte par exemple de l’évolution de la consommation domestique au rythme actuel , pour ne prendre que ce seul exemple, Sonelgaz aura besoin de 85 milliards de m3 de gaz en 2030 pour la seule génération électrique .Il ne restera rien pour l’exportation ».

S’agissant des réserves de gaz de schiste , Tewfik Hasni annonce  pour l’avenir  le « dégonflement progressif de beaucoup de mythes ».   « Toute la stratégie du gaz de schiste  américain   à été basée au cours de la décennie écoulée sur une forte rémunération du pétrole qui a ouvert la porte aux gaz de schiste et qui vise aujourd’hui à l’exportation du savoir faire des compagnies US dans le reste du monde .Beaucoup de pays à l’image de la Pologne ou de la Suède par exemple sont en train de réviser leur position » .

Les coûts du gaz de schiste en question

Pour Tewfik Hasni, on oublie de surcroit, dans le débat national en cours, de parler des coûts de revient .Il rappelle la célèbre formule «  l’âge de pierre ne s’est pas arrêté faute de pierres » pour indiquer que « l’Algérie va être confrontée de façon croissante  dans les années à venir à la limite de ses exportations ».L’érosion de nos parts de marché dans le gaz conventionnel est déjà en cours face au « dumping russe et qatari ». « Comment voulez vous, interroge t’il, exporter dans l’avenir, alors que nous aurons quasiment épuisé nos ressources conventionnelle à cause d’une consommation irréfléchie , un gaz de schiste qui nous reviendra 3 fois plus cher à produire que les ressources conventionnelles ».Contrairement à l’empressement manifesté par les responsables du secteur , iI considère que ,dans le domaine du gaz de schiste, il est aujourd’hui urgent d’attendre à l’image des décisions prises dernièrement par beaucoup de pays dont l’Arabie séoudite et de privilégier plutôt la récupération assistée des ressources conventionnelles  .

Priorité aux économies d’énergie

Tewfik Hasni qui est aussi l’ancien PDG de NEAL, la filiale commune de SONELGAZ  et SONATRACH dédiée au développement des énergies renouvelables, plaide en faveur de la définition  par l’ensemble des acteurs du secteur d’un « modèle de développement énergétique qui nous ramène à la rationalité dans ce domaine ».Selon lui, il devra s’appuyer en priorité sur une rationalisation de la consommation énergétique nationale. « Le gaz n’est pas un combustible , c’est une matière première .On est arrivé aujourd’hui à un niveau de gaspillage des ressources rares et non renouvelables qui est insoutenable .Sous prétexte de  préserver  la paix sociale , on maintient des tarifs artificiellement bas qui rendent  impossible et inopérantes toute  mesure de rationalisation de la consommation et conduisent à consacrer une proportion considérable et croissante de nos ressources fossiles à la consommation des ménages » .

Eliminer les gaspillages

La « véritable stratégie énergétique » que Tewfik Hasni appelle de ses vœux passera également par la lutte contre une série d’autres gaspillages rarement médiatisés et peu connus du grand public parmi lesquels il mentionne  notamment la  réduction de l’auto consommation , anormalement élevée ,de SONATRACH ou encore  l’élimination des gaz torchés qui couterait actuellement à l’Algérie entre 3 et 6 milliards de m3  de gaz naturel par an .

« Il faut d’abord une volonté politique ».

 

Tewfik Hasni en est persuadé « le mix énergétique de demain sera à dominante électrique. Les besoins de demain seront électriques  et notre nouveau  modèle de développement énergétique devra donc faire une large place aux énergies renouvelables dont le programme accuse  déjà un retard important par rapport aux objectifs affichés officiellement ».Il estime que   « notre pays a aujourd’hui surtout besoin de volonté politique et de stratégie à long terme » .C’est pour cette raison que Tewfik Hasni s’est engagé aux cotés d’un groupe d’experts nationaux dans une  initiative qui vise à « réfléchir à la définition d’un modèle de développement énergétique et à proposer des solutions aux pouvoirs publics ».La question est urgente . « La fenêtre d’opportunité ouverte à notre pays est très  étroite et ne va pas nous laisser beaucoup de temps » prévient Tewfik Hasni.

Hassan Haddouche

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