On peut en penser ce qu’on veut, mais ça fait quand même du bien . Le gouvernement algérien semble enfin « se bouger » après l’hibernation des deux dernières années.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les chantiers ouverts ne manquent pas depuis la nomination du gouvernement Sellal. En un peu plus de 2 mois, le nouvel exécutif s’attaque, dans l’ordre, à la réhabilitation du service public, à la résorption du commerce informel ainsi qu’à la distribution des logements sociaux gelée depuis plusieurs mois. Dans la foulée, il annonce que la nouvelle loi sur les hydrocarbures est prête et que les procédures concernant les investissements étrangers vont être « allégées ». La liste n’est pas exhaustive. Rien que la semaine dernière ,le gouvernement réunissait les partenaires sociaux pour leur proposer un « contrat de croissance ».
Le premier ministre en a profité pour sommer les banques de mieux répondre aux attentes de la clientèle et a demandé à la Banque d’Algérie de s’en occuper. Pour faire bonne mesure, on apprenait également que des Etats généraux de l’industrie algérienne associant l’ensemble des organisations patronales sont en préparation et doivent se tenir sans doute en décembre prochain. Ajoutons que dans un certain nombre de cas, il ne s’agit pas seulement d’annonces mais qu’un début d’exécution est déjà constaté sur le terrain, pour les marchés informels ou l’hygiène des villes par exemple.
Cet « activisme » du nouveau gouvernement suggère plusieurs remarques. Il souligne d’abord, par contraste, l’immobilisme qui a caractérisé l’action de l’exécutif algérien au cours des dernières années. Il éclaire rétrospectivement l’état de paralysie qui a frappé depuis près de 2 ans, pour des raisons encore non élucidées, le gouvernement Ouyahia dans la gestion des dossiers qui ont constitué le plus clair de l’actualité économique et sociale du pays.
Une image pragmatique
Le gouvernement SELLAL semble avant tout soucieux d’éviter les affichages idéologiques. Le style du nouvel exécutif suggère de façon explicite, et d’ailleurs médiatisée, à travers, les nombreuses réunions programmées au cours des dernières semaines en présence des ministres et des walis, plusieurs conseils interministériels sur des sujets brûlants et la dernière réunion avec les partenaires sociaux, une volonté de se rapprocher du terrain, de travailler vite et d’enregistrer rapidement des résultats concrets. Par tempérament ou par calcul politique, l’exécutif dirigé par Abdelmalek Sellal tente de forger une image de gestionnaire pragmatique et efficace.
Vers un virage libéral ?
L’un des enjeux principaux des prochains mois consistera à déterminer si le gouvernement Sellal peut amorcer le virage qui nous ramènerait en gros à la fin de l’année 2008 en gommant progressivement les décisions controversées adoptées au cours des dernières années notamment dans le champ économique. Le programme d’action du gouvernement annonce que « dans le cadre de la législation en vigueur, les investissements direct étrangers (IDE) seront encouragés et les procédures allégées ». Le ministre de l’industrie Cherif Rahmani, vient de le confirmer.
On n’est pas dans une démarche de remise en cause pure et simple de la règle du 51/49% mais on s’oriente sans doute dans une direction préconisée par beaucoup de spécialistes et d’opérateurs économiques nationaux : adopter une réglementation plus souple et mieux adaptée aux spécificités de chaque secteur voire de chaque projet d’investissement.
Sur beaucoup de dossiers en suspens depuis plusieurs années, les négociations paraissent s’accélérer au cours des dernières semaines. Avec Renault , Total, Sanofi, Lafarge, les délégations se succèdent et on s’attend à des annonces à l’occasion de la visite du Président français prévue pour le 19 décembre. Notons que ça ne plait pas du tout à M.Ouyahia qui vient de déclarer que le projet Renault est « une utopie économique ».
La révision de la loi sur les hydrocarbures s’inscrit dans la même problématique : assouplir et rendre plus attractive une réglementation qui a eu, au cours des dernières années, un effet répulsif sur le développement du partenariat international ainsi qu’en témoigne l’échec des derniers appels d’offre des autorités du secteur en matière d’attribution de nouveaux périmètres d’exploration.
Les sujets qui fâchent
Les états généraux de l’industrie prévus dans les semaines à venir vont fournir également l’occasion d’aborder quelques uns des sujets qui fâchent. A commencer par le thème classique du financement des investissements des PME. Les organisations patronales constatent dans ce domaine quelques avancées notamment à travers l’opération, saluée par elles, de rééchelonnement des dettes de plusieurs milliers d’entreprises privées. Elles continuent néanmoins de souligner que les moyens financiers importants mobilisés en faveur de la création de micro-entreprises depuis le début de l’année 2011 ne peuvent pas se substituer à une action déterminée en faveur du tissu des PME existantes. Cherif Rahmani vient déjà de leur donner partiellement raison en proposant de recadrer le programme de mise à niveau des PME qui sera moins orienté vers les toutes petites entreprises et d’avantage vers la promotion des « champions nationaux ». D’une façon générale, le gouvernement Sellal affiche déjà une plus grande proximité avec les opérateurs économiques et un souci du dialogue qui vient d’être saluer par les partenaires sociaux.
Une méthode qui tranche agréablement avec les nombreuses décisions à l’emporte pièce des dernières années qui avaient plongé les observateurs algériens et étrangers dans la plus grande perplexité. Avant de finaliser sa copie sur les propositions qu’il souhaite formuler aux prochaines assises sur l’industrie, Cherif Rahmani a même fait plancher des experts algériens, des opérateurs économiques, et des fonctionnaires de son ministère pendant plus de 25 séances de travail. Un comble ! Ça ne va sûrement pas plaire à M.Ouyahia.
Hassan Haddouche